28. Braver les limites

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Ariane

''Le vice est comme l'amant chéri de l'âme." de Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux

Mon cœur bat la chamade, ma respiration se fait courte alors que je m'élance, criant désespérément :
— Mo, attends-moi !

Il continue pourtant, traçant sa route sans un regard en arrière, à toute vitesse. Je tente de le suivre, mais je le perds de vue au moment où les portes du métro se referment juste sous mon nez. J'étais presque là, mais c'est trop tard. Me voilà seule, à rentrer.

En arrivant devant l'immeuble, je plonge machinalement ma main dans mon sac. Un vieux réflexe... sauf que je n'ai plus les clés. Ma vie n'est plus ici. Par chance, une voisine rentre en même temps et je profite de l'occasion pour attraper la porte. L'ascenseur monte, et avec lui, l'angoisse. Et s'il ne m'ouvrait pas ? Mais mes craintes s'apaisent aussitôt : la porte de l'appartement est entrouverte.

Je pousse doucement la porte et découvre Morgan assis sur le canapé, la tête enfouie entre ses mains. Je pose mes affaires sans bruit et m'approche, m'asseyant à ses côtés.

— J'avais déjà couché avec elle, lâche-t-il d'une voix brisée. Mais c'était pour t'oublier, quand tu es partie... Ça m'a permis de ne pas penser à toi, juste un instant. Tu voulais qu'on passe à autre chose.

Je ressens toute la peine et la confusion dans ses mots. Je remarque ses mains tremblantes, écorchées. Qu'est-ce qu'il a fait ?

— Qu'est-ce qui t'est arrivé ? demandé-je doucement en posant ma main sur la sienne.
— Laisse-moi finir, murmure-t-il, la gorge nouée. Je n'ai pas pu aller jusqu'au bout. J'ai arrêté en plein milieu. Je ne pouvais pas... C'était elle, mais tout ce que je voyais, c'était toi.

Je perçois la douleur dans sa voix.

— Je n'ai pas couché avec Bruce. Et pour Alison... c'est du passé, soupiré-je.

Un lourd silence s'installe entre nous. Il relève enfin la tête, mais son visage reste tourmenté, comme s'il gardait encore quelque chose en lui.

— Je t'ai reproché ce que moi-même j'ai fait...

Il s'interrompt, hésitant.

— J'ai vraiment été con avant... Je suis parti furieux parce que je ne supportais pas l'idée qu'il puisse poser ses mains sur toi, finit-il par dire en me montrant ses mains abîmées. J'étais tellement en colère... J'ai cogné le mur dans la ruelle. Je n'arrivais plus à réfléchir. La rage et la peur me dévoraient. Mais après, je me suis senti coupable. J'avais couché avec quelqu'un pour t'oublier, et en plus, je t'ai accusée à tort, juste pour soulager ma conscience. Putain, c'est moi le problème, pas toi.

Je sens son désarroi, et sa culpabilité me serre le cœur. Il continue, sa voix à peine un murmure :
— Ce soir, en t'écoutant parler avec Julia de l'avenir, j'ai réalisé que tu ne crois pas vraiment en nous. Ou du moins, c'est l'impression que j'ai eue. Comme si tu ne te voyais pas avec moi à long terme. Mais moi, je veux tout avec toi. Je veux des enfants, même si ce n'est pas pour demain. Je veux t'épouser un jour... construire quelque chose de solide. Je crois en nous.

Je cligne des yeux, abasourdie par la tournure de la conversation. Des larmes ruissellent sur ma joue.

— Oh mon amour, je suis parfois maladroite. Je crois en nous aussi.
— Je t'aime, et je veux un avenir avec toi. Mais parfois... tu ne me laisses pas ma place. Je me sens inutile, comme si je ne pouvais jamais te rendre ce que tu m'apportes. J'ai l'impression que tu portes tout, que tu prends toutes les décisions, et moi, je suis juste là, à suivre. J'ai besoin de... de sentir que je peux être l'homme dans cette relation.

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