𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟖

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Le soleil n'était pas encore levé lorsque je quittais les quartiers militaires emmitouflée dans une cape fourrée luttant contre le froid mordant de décembre. Un nuage épais franchissait mes lèvres gercées à chacune de mes respirations. Je tentais de me réchauffer comme je pouvais en frottant mes mains gantées ensemble mais malgré mes efforts, mon corps restait crispé.

A l'intérieur, la température n'était pas meilleure. Les couloirs du château grouillaient de serviteurs qui couraient dans tous les sens pour décorer et nettoyer avec les fêtes en approche. J'esquivais de peu une domestique tenant des nappes immaculées qui me fusilla du regard. Je n'en pris pas compte, tout le monde était sous tension, tout devait être parfait selon les dires de la Reine et puis, l'idée de retrouver bientôt toute ma famille chassait toute émotion négative de mon esprit. 

Je continuai mon chemin tout en réprimant un bâillement et en frottant mes yeux cernés en manque cruel de sommeil. Se coucher, était devenu un fardeau depuis l'accident du jardin. Je me revoyais sans cesse achever l'homme d'un coup de poignard avant de me réveiller en sursaut. Ces nouvelles hantises se mélangeaient à mes démons antérieurs m'entraînant dans une boucle continuelle d'horreur.

Je n'en parlais à personne.

Je n'avais pas envie d'en reparler en fait. A chaque fois que j'y pensais, mon estomac se retournait et ma gorge se nouait. Ulysse avait bien essayé de savoir comment j'allais depuis mais je l'avais remballé. Kristoff avait aussi tenté de me soutirer des informations au moment du dîner.

Je me suis tu.

Je ne savais plus si j'essayais de couvrir les péchés de la famille royale ou les miens. Surtout que les flux de réfugiés n'avaient pas cessé malgré la fin des embuscades. D'ailleurs, selon Kristoff, elles risqueraient de reprendre bientôt soit après les festivités ou dans les pires des cas : au moment des fêtes. Les jours où on serait le plus vulnérable, avait-il dit, puisque la plupart des soldats s'absentaient exceptionnellement pour retourner auprès de leur famille. 

Pour apaiser la colère du peuple, des distributions de provisions un peu plus conséquentes que d'habitude, avaient été organisées au quatre coins du pays. Je doutais de leur efficacité mais j'espérais que cela freine les esprits rebelles. En outre, le général Stone m'avait posé quelques questions sur d'où avait surgi l'homme mais rien sur le pourquoi. Ce manque d'investissement m'intriguait mais je supposais qu'il y avait sûrement plus important à traiter dans l'immédiat et surtout, je n'avais plus envie de m'attarder sur cet événement tragique.

Je parvenais enfin aux appartements du Prince, il m'invita à entrer et me salua d'un hochement de tête et d'un petit sourire crispé. Depuis l'accident, il se montrait plus cordial avec moi et mon animosité envers lui s'était atténuée pour laisser place à un sentiment d'empathie voire de sympathie pour sa personne depuis que je l'avais vu en colère contre ses parents.

Parfois, ils ne comprenaient pas que leurs propres désirs entravaient les nôtres ou que leurs décisions avaient des conséquences directes sur nous, leurs enfants.

Nous ne partagions pas de grandes conversations mais parfois le Prince me posait quelques questions sur Ramiro, mes parents ou juste me demandait comment j'allais. Je ne sais pas s'il s'en souciait réellement ou si ce n'était que pour combler les silences car en effet, on passait plus de temps ensemble dans ses appartements depuis qu'il n'avait plus le droit de sortir sans plusieurs gardes et l'arrivée des nobles. Il esquivait toutes ces mondanités en restant confiné dans sa chambre à lire ou à griffonner sur des parchemins. Je me demandais bien lorsque je l'observais dans ces moments-là comment comptait-il régner un jour s'il refusait tout contact social.

« La couturière royale doit venir cette après-midi pour des essayages, m'annonça-t-il, cela durera sûrement jusqu'au dîner malheureusement donc je suppose que vous pourrez partir plus tôt.

The bewitched crownOù les histoires vivent. Découvrez maintenant