𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟗

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Je refermais le battant derrière moi avant de m'y appuyer en poussant un soupir de soulagement devant le silence de ma chambre. J'avais oublié à quel point les repas de famille pouvaient être bruyants. Je déboutonnai ma veste avant de la jeter sans ménagement sur un fauteuil.

Mon corps retrouva bien vite le confort de mon matelas sur lequel je m'effondrai face au plafond  faiblement éclairé par les rayons de la lune qui traversaient les rideaux.

Ce plafond que j'ai tant de fois regarder pendant mes quêtes du sommeil. En fait, en y réfléchissant, c'était étrange de revenir ici. J'avais l'impression de retrouver une partie de moi enfouie pendant tout ce temps passé hors de chez moi.

J'avais mûri en quasiment quatre mois mais ma chambre était comme je l'avais quittée. Elle abritait encore les rêves et les espoirs d'une Narissa qui n'avait pas encore confronté le monde réel et ses souffrances. Une Narissa qui croyait en son prochain.

Je soupirai bruyamment. Je ressemblais à une étrangère dans ma propre chambre. Je n'avais plus l'impression d'être à ma place. Une impression de vivre sans vraiment mériter quoique ce soit parce que je sais que j'ai commis l'irréparable.

J'ai poignardé un homme et laissé des gens mourir.

Je ne méritais pas mon statut. Je ne méritais pas d'être allongée dans ce lit douillet quand d'autres mourraient de faim ou de froid dehors. Je ne méritais pas d'être entourée quand d'autres avaient vu leurs proches mourir devant leurs yeux sans pouvoir les aider.

Un instant de solitude, et toutes ces émotions négatives revenaient au galop traînant obstinément derrière moi tel un boulet de forçat accroché au pied d'un prisonnier.

Je finis par m'endormir épuisée par toutes ces pensées morbides.

La journée suivante fut rocambolesque. Mes dernières sœurs arrivèrent dans la matinée accompagnées de leurs maris et de leurs enfants. Il régnait un joyeux chaos dans la maison. Ce fut bien la première fois que mon père ne savait plus où donner de la tête. 

Les enfants couraient dans tous les sens dans chaque recoin de la maison. Les plus petits étaient logés dans les bras de leurs mères près du feu avec un bon lait chaud.

Les hommes discutaient dans la salle à manger avec mon père autour de liqueur. Ils parlaient de leurs terres, de la guerre, de politique. Des sujets dont j'aurais raffolé enfant mais qui m'exaspéraient à présent.

Fort heureusement, la journée passa rapidement et je n'eus plus à entendre les bouderies de mes neveux. Ma joie fut de courte durée lorsque ma mère m'apprit que j'allais devoir partager la chambre d'Aramina car on manquait de place pour tout ce beau monde.

A contre cœur, je me couchais aux côtés de ma sœur qui n'avait pas l'air de trouver cette situation contraignante, elle semblait même amusée. Je me tournais à l'opposée d'elle lorsque de légers coups à la porte me fit me retourner.

Aramina me jeta un regard complice avant de sortir du lit et d'aller ouvrir. Je n'allais pas dormir maintenant.

Mes grandes sœurs firent leur entrée dans la chambre, toutes habillées de leurs robes de chambres. Je rallumais un bougeoir pour nous éclairer.

«  Enfin un moment tranquille sans enfant, soupira l'une d'entre elles en s'effondrant près de moi

– Je croyais que c'était ton rêve de d'épouser un gentil homme et de devenir mère, me moquai-je

– L'expérience m'a fait changer d'avis. Je ne sais pas comment notre mère faisait pour s'occuper de nous toutes, souffla Layna

On continua à discuter pendant un long moment. Chacune partageait son quotidien ou ravivait un souvenir. Thalia me brossait les cheveux. Ses gestes étaient doux me confortant dans l'idée qu'elle devait être une merveilleuse maman comme elle était une grande soeur irréprochable avec ses cadettes.

The bewitched crownOù les histoires vivent. Découvrez maintenant