Miracle Maudit - Tome 2 - Nuages noirs

Chapitre 10: Quand le courant passe (Partie 6)

Cependant, si le pouvoir de sauver le monde n'a de cesse de croître, son opposé en fait autant. Le monde repose sur le principe de l'équilibre, alors si une force gagne en puissance, son ennemi héréditaire l'imite.

Dans la plaine de Sarcad, sous la pleine lune brillant dans les ténèbres, des ombres commençaient à se rassembler, se faufilant à travers les cadavres.

Des suites de la bataille qui s'y était déroulé, le sol était jonché de tellement de morts qu'il était impossible de rendre aux environs son état d'origine. La plaine fut abandonnée telle qu'elle, devenant un cimetière sans fin pour des créatures plus affreuses et dangereuses les unes que les autres. Là où sommeillait l'Ordre du Léviathan, ses survivants s'y regroupaient pour maudire celui qui les avait détruit.

– Même Rogue n'aurait pas réussi à faire un tel massacre...

– J'arpente les champs de bataille depuis des années, j'admets n'avoir jamais une telle chose auparavant...

Ce genre d'échange était populaire en ce moment dans la plaine. Tous avaient été là quand le tourbillon s'était formé. Ils avaient tous vu ce dont était capable celui qui en était sortit. Il avait à lui seul annihilé la moitié de leurs troupes et tué leur chef, laissant la voie libre aux forces de la Confrérie de Windelstein pour qu'ils puissent fondre sur eux. Les personnes encore debout dans la plaine étaient ceux qui avaient réussit à s'échapper, et ils pensaient tous ne jamais devoir remettre les pieds ici.

Cependant, quelque chose les avait attirés ici. Ils ne savaient pas ce dont il s'agissait, mais tous furent conduits sur les lieux du carnage, sentant quelque chose de sombre les guider.

Les centaines survivants de l'Ordre du Léviathan se réunissaient là où tout avait commencé.

– C'était là ! dit l'un d'eux. C'est l'endroit où il est apparu, j'en suis sûr !

– À votre avis, qu'est ce que c'était ?

– Pour réussir à vaincre maître Rogue et tuer autant des nôtres aussi facilement, il ne pouvait pas être humain...

– Tu m'étonnes! Il ne lui a pas fallu trente secondes pour massacrer des centaines de soldats, rien ne pouvait l'arrêter. Même un démon ne pourrait pas faire une telle chose !

– Il va nous le payer ! explosa quelqu'un. Il a tout ruiné ! Nous avions finalement réussis à acculer ces vermines de la Confrérie, et il a tout gâché !

Dans l'obscurité, un être entrouvrit une paupière.

– C'est vrai ! Et puis, avec tous ces morts qui nous entourent, nous allons pouvoir créer une véritable armée de morts-vivants !

Une deuxième paupière s'ouvrit. La chose caché dans l'ombre observa la scène avec intérêt. Il les attendait depuis un petit moment, et il appréciait ce qui se passait ici.

– Ne soyons pas trop pressés... Il vaudrait mieux agrandir notre armée autant que possible. Dans un mois, nous aurons facilement cent mille soldats, nous pourrons alors l'avoir par le nombre !

À ce moment là, un sinistre ricanement se déversa sur la plaine, gelant le sang des survivants. Où qu'ils posaient leurs yeux, ils ne voyaient personne susceptibles d'être la source de ce rire proche du diabolique.

Magnifique ! C'est très exactement ce dont j'ai besoin d'entendre pour me motiver !

Terrifiés, ils se regroupèrent. Les ombres qui les entouraient semblèrent prendre vie, inspirant la plus grande des craintes chez eux. Puis, la voix raisonna à nouveau.

Vous voulez qu'il souffre ? Vous voulez qu'il paye ? Je peux le faire si vous désirez !

Ces paroles sonnaient dans leurs têtes, semblant lire leurs désirs les plus profonds et leur promettant la vengeance qu'ils désiraient.

– Qui êtes-vous ? cria l'un d'eux. Qu'est ce qui vous fait croire qu'on n'y arrivera pas nous même ?

Mais parce qu'il est hors de votre portée ! Vous croyez que cent mille zombies de pacotille auront raison de lui ? Même avec un milliard, il vous écrasera ! Vous avez raison de penser qu'il n'est pas humain. Il n'est pas non plus un démon, un ange ou un dieu. Il est bien plus que cela, et il vous faudra quelque chose d'au moins aussi puissant pour espérer le battre ! Quelque chose de plus obscur encore !

– Et vous pensez pouvoir faire cela ? Pourquoi nous aideriez-vous ?

Un silence s'installa dans la plaine, avant qu'un fou rire n'y raisonne.

Moi, vous aider ? Hilarant ! Je n'ai pas l'intention de vous aider pour quoi que ce soit !

– Mais alors, pourquoi nous avoir tous réunis ici ? Car, c'est bien vous qui nous avez guidé ici, pas vrai ?

C'est vrai, mais ça, c'est parce que vous étiez les seuls prêts à vous rendre dans un tel endroit... N'importe qui d'autre m'aurait suffit, mais je suis ravi que ce soit vous ! J'ai beaucoup aimé vous regarder geindre pitoyablement !

– Quoi ? Mais pour qui vous prenez vous ? Nous ne nous laisserons...

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Une ombre se souleva de derrière lui et lui dévora la tête d'un mouvement rapide. Les compagnons de cette première victime regardèrent avec horreur son corps s'effondrer.

Ce que vous êtes pour moi ? Mais un sacrifice, voilà tout !

Pris de panique, ils commencèrent tous à courir. Les plus rapides furent attrapés par des créatures noires et informes qui se matérialisèrent soudainement, et les réduirent en charpie. Les autres reculèrent, acculés par un cercle de ténèbres qui se rapprochait.

– Vas-te faire foutre ! hurla un nécromancien. Je n'ai qu'à nous téléporter avec cette pierre et...

Il sortit sa main de sa poche, et réalisa que ce n'était pas une pierre qu'il tenait, mais une de ces créatures qui les cernaient, quoi que plus petite. Soudain, elle mit à grossir et enveloppa le malheureux sans qu'il ne puisse émettre le moindre son.

Le sol se changea alors en une mare d'obscurité, et ils commencèrent tous à s'y enfoncer. L'un d'eux tenta de s'extirper en rejoignant la berge de cette petite mer.

– Pitié, au secours ! Je ne veux pas...

Une main sortit des ténèbres derrière lui et lui plongea la tête sous l'obscurité.

– Crois-tu que je me soucie de ce que tu penses ?

À la suite de cette main, un corps commença à émerger de l'obscurité qui se concentra en un seul point. Toutes les ténèbres donnèrent naissance à un homme vêtu de noir.

Les yeux toujours clos, il prit une profonde inspiration. À cet instant, il parvint à tout ressentir: la douleur de ceux qui souffraient, la terreur de ceux qui avaient peur, la malice de ceux qui vivaient pour le carnage, le désir de tous et les ténèbres qui sommeillaient dans leurs cœurs.

Puis il ouvrit les yeux, fixant le monde qui l'entoure pour la première fois, scrutant tout de son regard imprégné de folie. Il commença alors à rire comme si sa raison l'avait quitté.

– Magnifique ! Tant de souffrance, tant de peur, toutes ces pulsions qui parcourent le monde, c'est si magnifique ! Voilà la véritable nature de la vie ! Tout être vivant désire tellement exister qu'il se moque de ce qu'il doit faire pour continuer d'être ! Rien ne peut vivre sans faire souffrir les autres, l'existence elle même est l'incarnation de tout ce que j'adore ! Plus ! Encore plus ! Je ne m'en lasse pas, j'ai besoin d'en voir plus, d'en ressentir plus ! Même quand le monde sera tordu de douleur à mes pieds, ma soif de carnage ne sera pas étanchée ! Je ne veux pas que cela cesse ! Rien ne pourra m'empêcher de tout ravager, de sublimer encore plus ce magnifique monde de sang et de chaos ! Personne ne m'empêchera de recouvrir ce monde de ténèbres ! Pas même toi, Dark Raven !

FIN