Entre l'ombre et l'âme

Chapitre 6 : Sur quel pied danser ?

Il est dix-sept heures vingt. Je suis arrivée un peu en avance, à l'adresse que Claire nous a envoyée. Sur le mur, il n'y a rien d'écrit de particulier. Je suis partagée entre l'envie de rentrer ou rester ici par peur de me faire sermonner si je le fais. Ma curiosité l'emporte et lorsque je franchis le pas de la porte, je soupire et en même temps, je suis un peu contente. J'avais déjà entendu parler de ce club, mais je n'avais jamais vraiment pris la peine de m'y intéresser plus que ça. Je m'avance et les regarde. Ils sont en plein cours. La professeur a un accent russe à couper au couteau. Elle paraît très stricte, mais je devine que c'est tout le contraire, lorsque je la vois regarder ses élèves avec tant de tendresse dans les yeux. Une preuve encore qu'il ne faut pas se fier aux apparences. Elle tourne la tête et m'aperçoit. Le couple s'arrête pour se retourner vers moi. Soudain, je me sens rougir de gêne.

-Approche. Tu dois être Anna ? me demande-t-elle.

Je fais oui de la tête. J'ai perdu ma langue, je crois. Ça m'arrive de plus en plus fréquemment ces derniers temps.

-Je m'appelle Dasha. Voici Justin et Katerina. Je les entraîne depuis qu'ils ont dix ans.

-Et ça paye. Ce que vous faites est remarquable ! dis-je en ayant retrouvé ma voix.

-Où sont les autres ? reprend-elle.

-Peut être dehors. Je suis la première arrivée.

-Ponctuelle ! Je t'aime déjà.

-Ah, te voilà ! s'exclame Claire. On t'attendait devant. T'es une chipie !

-J'étais trop impatiente, m'excusé-je.

-Donc, on va faire de la danse ? demande Vadim, comme pour être sûr qu'il a bien compris.

-Tout à fait. Dasha est une de mes plus vieilles amies. Katerina et Justin sont ses deux petits protégés.

-Je suis professeur de mambo, et nous allons vous apprendre à le danser.

-je ne comprends pas pourquoi cette danse en particulier ? interroge Vadim.

-Parce qu'il faut se faire confiance, explique Justin, surtout la femme pour les portés.

-Pour les quoi ?! répété-je, comme pour m'assurer que j'ai malentendu.

-Les portés, rigole Katerina.

-Il va me porter ! m'égosillé-je.

-Non mais vous allez nous la tuer, ce marre l'intéressé. Elle met déjà dix minutes à se laisser tomber en arrière dans mes bras alors que je la porte, n'en parlons pas !

-Nous sommes là pour ça, intervient Dasha, pour vous aider.

-Ça paraît impossible, dit comme ça, mais en réalité, ce n'est pas si compliqué, ajoute Justin.

-Il faut juste que vous nous laissiez vous guider, termine Katerina. On a gagné le plus grand concours de Mambo de France. On s'y connaît !

-Allez-vous changer ! nous ordonne Claire.

Sur ceux, nous nous dirigeons vers les vestiaires. Je trouve un casier avec mon nom dessus. J'y dépose mes affaires et m'habille. Dix minutes plus tard, Kat - c'est son surnom - a déjà critiqué nos tenues. À l'avenir, ce sera short et croc top, et pour les chaussures, ce sera des talons et pas trop hauts. Dasha nous explique l'histoire du Mambo, les bases, ce qu'il ne faut pas faire ou faire. Puis, Justin et Kat nous montrent les premiers pas, et nous nous exécutons. Je n'avais, jusque-là, pas pris conscience que cette danse était sensuelle, voire très sensuelle, même. C'est Dirty Dancing. J'ai l'impression d'être BB et Vadim, Johnny, à la seule différence qu'il est tout aussi perdu que moi. Finalement, Kat me prend à part pour me faire travailler les mouvements avec elle. C'est déjà moins gênant comme ça. Mais il va quand même falloir que je m'y habitue rapidement. Je ne suis pas particulièrement coincée, au contraire : j'ai été cheerleader, et capitaine de mon équipe au lycée, ce n'est pas rien. Mais il faut croire que ce n'est pas les mêmes déhanchées. J'ai quand même quelques facilités, et au bout d'un moment, ça finit par venir. Mais dès qu'il faut que je danse avec Vadim, c'est une autre histoire. Tout ce que je viens d'apprendre s'en va. Kat se place juste derrière moi, les mains posées sur mes hanches pour m'aider. C'est trop bizarre, mais je suis contente car je ne m'en sors pas trop mal. Elle m'a même lâchée et j'ai continué toute seule. C'est un bon début pour un premier cours. Je ne me suis pas trop ridiculisée, mais j'ai un peu peur pour la suite qui risque d'être moins drôle. Le prochain est vendredi à dix-sept heures trente. D'ici là, je crois que je vais kidnapper Maxime et bosser les pas avec elle. Oui, c'est une bonne idée.