Chapitre 25 : Laisser partir ceux qu'on aime...

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Je suffoque. Je suis incapable de respirer. C'est comme si des milliers de poignards me traversaient de partout. J'ai si mal. Physiquement. Mais c'est aussi bien plus que ça. Comme si j'étais vide, qu'il n'y avait plus rien en moi. En tout cas plus rien de joyeux. Je crois ressentir quelque chose. De la tristesse, peut-être. Ou de la colère. Ou bien les deux combinés. Je ne sais plus vraiment. Je suis perdue, au milieu de toute cette scène, ces bruits qui me rendent sourde, mais pas suffisamment pour que j'entende encore les pleurs. Je crois que c'est ça, le pire. Les pleurs. Car leur seule présence me prouve bien que je ne rêve pas. Non. Je cauchemarde. Eveillée. Et je ne peux rien faire pour en sortir.

Les gens continuent de pleurer. Et son corps continue de se soulever pour retomber, seules actions qu'il fait encore, mais dirigées par une machine qui tente de le ramener à la vie.

Et qui n'y arrive pas.

Il parait qu'on ne peut pas sauver tout le monde. Que quand la vie s'acharne, on doit apprendre à l'accepter. Et que s'il est parti, c'est alors que quelqu'un est arrivé. Quelqu'un qui rend heureux les gens qui l'entoureront jusqu'à ce que lui aussi, les quitte comme lui est en train de le faire. En me laissant toute seule avec mes plus grandes peurs.

Perdre quelqu'un est une des douleurs qui fait le plus mal. Elle est inégalable. On se sent prisonnier d'un nouveau sentiment dont on ne croit pas pouvoir se sortir un jour. Dont on ne sortira jamais. Dont on apprendra seulement les codes, et à vivre avec. Avec le temps.

Le temps...

Il est comme la vie. C'est un bel enfoiré, lui aussi. Il nous prend ce qui compte le plus à nos yeux, ce qui nous ai le plus cher. Il nous le prend sans aucun scrupule. Sans se demander s'il ne détruira pas des vies après en avoir fauchée une de plus. Sans se préoccuper de l'état dans lequel se trouveront les proches, les personnes qui l'aimaient. Et qui vont devoir apprendre à vivre avec cette perte.

Ou à survivre.

Certains disent que le deuil et la mort permettent une sélection naturelle. Ceux qui arrivent à se relever sont les plus forts, ceux qui referont le monde, mais en bien pire que ce qu'il n'est déjà. Et puis il y a ceux qui n'y arrivent pas. Parce qu'ils sont seuls face à l'inimaginable, parce qu'ils ne peuvent pas continuer sans cette personne qui était toute leur vie. Parce que c'était un frère, une sœur, un ami, un enfant.

Personne n'est prêt à perdre quelqu'un. On ne l'est jamais. Un parent ne devrait jamais à voir son enfant dans un cercueil. Parce qu'on devrait leur survivre. Parce que ça devrait être à nous de les pleurer, et de surmonter leur perte. Mais qui a dit que ce n'était pas plus dur de perdre ses parents ? Que ce n'était pas moins douloureux de perdre la seule chose qui aura été notre guide dans la vie. Qui nous aura bien engueulé, remis sur le droit chemin, aidé, éduqué. Ce n'est pas moins facile. C'est juste que c'est censé être comme ça.

Point à la ligne.

Mais parfois, la vie joue. Elle aime s'amuser avec nous. A ne pas faire les choses dans le bon ordre. A pourrir l'existence de personnes qui ne lui ont rien fait, qui n'ont rien demandé. Parce que c'est drôle de ne pas toujours suivre le même chemin, de tester de nouvelles choses. Sauf qu'on en perd en cours de route.

Je me suis perdue.

Alors je me suis assise sur un banc, attendant de trouver un indice, de tomber sur quelqu'un qui pourra peut-être m'aider. J'attend que le temps face son deuxième travail : m'apaiser et me reconstruire. Mais comment faire quand ce dernier a été figé ? Quand finalement, il refuse de nous guérir après nous avoir blesser ?

Mes larmes coulent toujours, remplaçant les précédentes. L'évidence est la chose la plus dure à voir, la plus dure à accepter. Surtout quand elle se trouve juste sous notre nez. Qu'on est mis aux pieds du mur. Qu'on ne peut pas tourner la tête pour faire comme si on n'avait rien vu. Qu'on nous tient presque les paupières ouvertes pour qu'on soit sûr qu'on a bien compris, que notre cerveau a imprimé. Qu'on ne puisse plus nous voiler la face.

Entre l'ombre et l'âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant