Ce soir, Vadim m'a dit de le rejoindre chez lui, habillée chaudement. Je suppose qu'on va faire quelque chose dehors ou alors qu'on va à la patinoire. Brock m'a donc déposée devant chez lui aux alentours de dix-neuf heures. Je suis en bas de l'immeuble et arrivée depuis dix minutes lorsqu'il se décide enfin à descendre. Il s'excuse pour ce retard – son beau-père l'a retenu – et m'entraîne avec lui. Je ne sais pas où. Après avoir marché un petit temps, j'aperçois enfin notre destination : la fête foraine. Maintenant que je la vois, je me souviens que Samya l'avait évoquée lors d'une de nos nombreuses conversations sur les événements organisés à Paris. Vadim paye nos tickets d'entrée et nous avançons à la travers la foule. Il y a énormément de monde. Nous décidons de faire les attractions les plus fortes avant de manger pour nous éviter d'être malades. Nous faisons donc : la pieuvre, le bateau pirates – oui, on commence au soft – le marteau, la tour – c'est horrible – la boule avec l'élastique – j'ai cru que Vadim allait mourir. Après avoir malmené nos petits cœurs fragiles et d'avoir stressé comme jamais, nous nous dirigeons vers un stand pour commander un repas : Spätzle au Münster. On va puer de la bouche ! Pas grave, on sera deux. Nous nous installons sur un banc, un peu à l'écart, pour être au calme. Nous mangeons tranquillement en parlant de tout et de rien. C'est si naturel entre nous que j'ai l'impression qu'on se connaît depuis toujours. Vadim et moi sommes à la fois très différents, et à la fois très similaires. C'est si contradictoire. Ce paradoxe, cette complexité si simple, pourtant. Ça résume bien notre couple. On est ensemble depuis une semaine et franchement, je ne pensais pas que ça me rendrait si heureuse. Il me transmet sa force et elle me permet de grandir. J'ai le sentiment que je pourrais gravir l'Everest ou bien plus, encore. La peur a laissé place au bonheur. Je suis sur un petit nuage. « Les débuts de l'amour », m'a dit Max. J'espère seulement qu'avec le temps, nous aurons toujours cette même complicité. Max m'affirme que si notre amour est très fort, comme celui de Jona et elle, alors oui, ça ne changera pas, ça évoluera juste. Je suis un peu perplexe, mais à voir. Je ne cesse de penser au si beau couple qu'ils formaient. Leur amour était fort, mais pas assez pour supporter huit mille kilomètres de distance. L'amour a ses limites et j'en prends de plus en plus conscience maintenant que moi aussi, je le connais. Soso m'a aussi dit d'arrêter de trop analyser et de profiter. Ces moments sont précieux. Il se doivent d'être vécus à fond parce que, qui sait ce que nous réserve demain ? Vivre au jour le jour, une conception que j'ai du mal à mettre en place, moi, l'organisée et la maniaque de service. Il faut vivre l'instant présent et arrêter de réfléchir.
C'est compliqué, quand même, non ?
Après avoir fini de nous restaurer, nous décidons de nous consacrer à des attractions moins violentes : jeux de hasard – j'ai remporté une peluche, un petit ours polaire trop mignon –, nous dévalons les grands toboggans, admirons les troupes de danseurs qui animent la fête, puis nous faisons le labyrinthe en miroir. Je n'ai jamais eu particulièrement peur du noir, alors ça ne me dérange pas du tout. Bizarrement, il n'y a pas grand monde, voire personne, à la file d'attente. Ça tombe bien. En attendant notre retour, Vadim me lance un défi : le premier qui retrouve l'autre, a gagné, le perdant, paye les barbes à papa. Je me laisse tenter et le gérant fait le décompte. Nous sommes postés à deux entrées différentes. Top, c'est parti ! Je déambule dans les couloirs, essayant de faire le moins de bruit possible et surtout, de ne pas me prendre un miroir en pleine tête – on connaît très bien ma maladresse légendaire. C'est très marrant ! Mais plus les minutes passent et moins je me sens bien. L'atmosphère est très étrange. C'est oppressant. Je me vois partout. Soudain, j'ai l'impression de me retrouver dans un films d'horreur, enfermées dans un endroit qui n'a pas de fin, devenant folle. Il y aurait juste fallu que je n'ai jamais regardé ce film, mais non, je le connais et je me vois à la place de cette jeune fille, seule, apeurée, et complètement démunie. La panique commence à s'emparer de moi. En cet instant, je donnerai tout pour n'avoir aucune imagination. Les scènes horreurs défilent dans ma tête avec une telle rapidité. Je les vois devant moi, comme si elles étaient réelles. Et elles sont toutes plus horribles les unes que les autres. Je suis terrifiée. Je tourne sur moi-même, cherchant une sortie à ce cauchemar, mais n'en trouvons aucune. Des visages apparaissent dans le décor, des visages qui me sourient sadiquement, et qui m'enferment encore plus dans cet enfer. Je hais Max et ses maudits films qui m'empêchent de fermer l'œil. Je perds la notion du temps. J'ai l'impression que tout est lent alors que tout est rapide. Je recule de quelques pas et heurte une paroi. Je me retourne, tremblant de peur. Je recule de quelques pas, suffocant. L'air me manque. Une ombre me regarde. C'est une personne vêtue de noir. Je suis pétrifié. Elle avance vers moi d'un coup et je hurle tout ce que je peux. Mes yeux sont humides. Pendant un instant, je crois que je vais mourir ici. Je pleure. Je suis un torrent. Je veux que ça s'arrête. Une main empoigne mon bras, me tire. J'entends une petite voix. Elle est loin, très loin, faible, presque inaudible. Je me retourne en même temps que je crie et dégage mon bras. J'ai retrouvé mes jambes que je croyais m'avoir abandonnée. Je cours dans la direction opposée. Je n'ai même pas vu qui était-ce. Mais quelle importance ? La seule chose à laquelle je pense, c'est sauver ma peau. Je me tape plusieurs fois contre les miroirs et j'entends des pas derrière moi. Cette personne me suit et me rattrape. Elle va trop vite. Soudain, ce n'est plus seulement une main, mais c'est tout un bras qui s'empare de moi, de ma taille. Elle m'attire vers elle. Je me débats et je hurle comme une hystérique. Cette voix que j'apercevais monte d'un cran pour couvrir la mienne. Mon prénom. Elle ou il plutôt, crie mon prénom. Et je me prends la réalité en pleine face. En un instant, tout disparaît. Je suis de nouveau entourée de simples miroirs. Je sens Vadim qui me tient toujours alors que je reprends mes esprits et mon souffle. Je commence à réaliser ce qui vient de se passer. J'étais prisonnière de ma propre imagination. Je tremble de tous mes membres. Je crois que je n'ai jamais eu aussi peur de toute ma vie. Ça avait l'air tellement vrai. Vadim me lâche et vient se placer en face de moi. Ses yeux sont remplis d'émotions contradictoires, mais la plus frappante est l'inquiétude. Il brise le silence le premier.
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Entre l'ombre et l'âme
RomanceElle a tout pour être heureuse : la réussite, la fortune, la famille... Pourtant, tout ça n'est que vent. Anna a 17 ans, un père inexistant, beaucoup trop d'argent, des amis, certes, mais qui vivent à des milliers de kilomètres, et malheureusement...