- Quand j'étais petit, on me demandait toujours qui je voulais être, plus tard. J'avais cinq ans, la première fois. A cet âge, on répond cosmonaute, pompier, Rockstar, ou encore pilote de course. Moi, je leur ai dit que je souhaitais être un clown. Faut dire que j'étais pas très loin de la vérité !
Des rires s'entendent dans l'assistance.
- Aujourd'hui, si on me reposait la question, je dirais que je veux juste être moi. Un super petit frère qu'on peut frapper et qui se fera toujours gronder même si c'est pas sa faute, mais qui resterait quand même le petit préféré. Un fils qui rend fier ses parents. Un ami qui continuera à remonter le moral en faisant le guignol. Un jeune homme qui veut faire rire le monde, pour oublier, l'espace d'un instant, que nous sommes devenus des adultes. Je veux être qui je suis, tout simplement. M'accepter, me tromper, recommencer, avancez, car on fait tous des erreurs. L'essentiel, c'est de ne jamais abandonner. C'est dur de définir ce qu'on veut faire de notre vie quand on ne sait même pas qui on est. Sauf Anna. Toi, tu as la musique qui te coule dans les veines. Tu dois devenir chanteuse ! me montre-t-il du doigt.
De nouveau, tout le monde rigole. Même nos professeurs.
- S'il n'y a qu'une seule chose à retenir de ce discours, c'est de tout faire pour rester celui qu'on est. Croire en nous, même si la vie est une connasse, parfois !
Je vois le proviseur faire des gros yeux, se demandant comment il a pu laisser faire ça. Claire, elle, se retient d'exploser de rire.
- Profitez de la vie, parce qu'elle est courte. Faites des bêtises, apprenez, et aux côtés des gens qui comptent le plus pour vous. Et c'est pas grave si vous ne savez pas tout de suite qui vous voulez être, parce que vous avez soixante-dix ans pour le découvrir. Le but est de simplement trouver avant le bout du chemin. C'est tout l'intérêt de vivre. Alors on emmerde le système, l'éducation nationale, et la société qui veulent nous ficeler, nous influencer, nous mettre dans des cases. Battez-vous contre tous ceux qui voudront vous manipuler comme des poupées de chiffon. Vivez, et on se revoit dans vingt ans, quand on sera tout ce qu'on aura rêvé d'être, ou qu'on sera au chômage. Père ou mère d'une famille de quinze enfants. Quand aura de la barbe, et qu'on dira les mêmes phrases que nos parents : « Oh les jeunes d'aujourd'hui, ils ne sont pas possibles ! ». Quand on s'habillera avec tout ce qu'on trouve de ringard. Quand on aura tout vécu à fond, et que Monsieur le proviseur aura oublié le boxon que je suis en train de mettre. Je vous dis donc, à dans 20 ans, mes amis !
Élèves comme parents et même professeurs se lèvent pour applaudir JP, qui fait une révérence théâtrale avant de taper la bise au proviseur, désespéré, et de descendre nous rejoindre, son diplôme dans sa main droite. Abby et Sam lui sautent dessus pour lui faire de gros bisous.
Le proviseur appelle un à un chacun des élèves pour leur délivrer ce précieux morceau de papier. Il leur sert la main et à chaque étudiant on entend la famille et les amis hurler. Nous faisons de même, et lorsque c'est mon tour, le directeur me glisse un mot à l'oreille. Je tourne rapidement la tête vers le fond et aperçois mon père et Philippe. Ça me remplit le cœur d'amour, car ils ne devaient pas être présents, mais à L.A., en séminaire.
Ces derniers temps, mon père et moi nous entendons beaucoup mieux. On apprend à se refaire confiance. Il a encore du mal avec Vadim, mais il a quand même accepté de le rencontrer pour apprendre à le connaître. Je n'étais pas présente, mais d'après mon petit ami, ça s'est plutôt bien passé. Je suis vraiment ému qu'il se soit arrangé pour être là.
Je me mets à courir dans sa direction et lui saute dans les bras. Il me réceptionne et me fait un gros câlin. Ça me réconforte beaucoup. Je fais de même avec Philippe. Nous discutons cinq bonnes minutes avant que je me fasse appeler par Max. Alors je les rejoins. Nous nous tournons tous vers le public, faisons un décompte en partant de dix, puis lançons nos chapeaux de diplômés en l'air. Le photographe officiel du lycée immortalise ce moment à jamais.
VOUS LISEZ
Entre l'ombre et l'âme
RomanceElle a tout pour être heureuse : la réussite, la fortune, la famille... Pourtant, tout ça n'est que vent. Anna a 17 ans, un père inexistant, beaucoup trop d'argent, des amis, certes, mais qui vivent à des milliers de kilomètres, et malheureusement...