Chapitre 18 : Mensonges et Vérités

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Je suis en train de cirer le parquet quand la porte d'entrée claque. Ça doit être Baptiste. Ma mère a décidé, contre l'avis de mon père, d'inviter Vadim à venir manger à la maison. Toute la famille sera réunie au grand complet. Et quand je lui ai dit, Baptiste a tenu à participer au dîner. Je ne sais pas pourquoi il y tient autant, mais quitte à ce qu'il soit là, autant en profiter pour le cuisiner afin savoir ce qui ne va pas.

Je l'entends se diriger vers sa chambre. J'irai le voir plus tard. Pour l'instant, j'ai envie de finir, et vite, cette nouvelle corvée que mon père m'a imposée. Il n'a pas été très content d'apprendre la venue de Vadim, et il essaie de me le faire payer, par tous les moyens qui soient. Mais je m'en fiche. Temps que mon beau brun peut venir. D'ailleurs, il n'était pas pour ce déjeuner. C'est sa mère qui l'y a poussé. Elle lui a dit, je cite : « il faut que tu te fasses accepter par tes beaux-parents, et ce n'est certainement pas en restant dans ta chambre à bidouiller des crayons et des feuilles blanches que tu y parviendras ». Poussé par sa mère, il a fini par dire oui.

Moi je dis : Merci Virginie !

-T'as fait quoi, cette fois-ci ? Baptiste me tire-t-il de mes pensées.

-Rien. C'est juste père qui est un peu en colère que son ennemi juré vienne sur ses terres ! dis-je de façon théâtrale.

Baptiste ne peut s'empêcher de rigoler. Mais son sourire disparait assez vite. Je relève la tête pour le voir. Il a de grosses cernes sous les yeux, et la peau toute blanche. Il a l'air terriblement fatigué.

-Bapt, l'appelé-je alors que son esprit divague ailleurs.

Il tourne la tête vers moi, et en le voyant ainsi, aussi fragile, je n'ai pas le cœur à le questionner.

-J'ai quelque chose pour toi, quitté-je la pièce pour revenir quelques secondes plus tard avec son cadeau. J'ai tout de suite pensé à toi quand je l'ai vu.

Il s'empare de la pochette avant d'en sortir le tableau. J'étais persuadée que je verrai ses yeux briller, qu'il y aurait des étincelles. Mais rien. Son regard reste vide. Je suis scotchée face à sa réaction. Mais surtout, je suis déçue.

-Il ne te plait pas, affirmé-je en baissant la tête.

-Si. C'est juste que le voyage a été long. Je suis fatigué.

Je ne le crois pas un seul instant. Ce n'est pas dans les habitudes de mon frère de mentir. Je ne sais pas ce qui lui arrive, mais va falloir qu'il se ressaisisse. Et s'il n'arrive pas à nous parler, qu'il aille voir quelqu'un qui peut l'aider.

Mais qu'il fasse quelque chose, pour l'amour de Dieu !

-Toi et moi, on se disait tout, avant. On se détestait, mais on se confiait l'un à l'autre parce qu'on savait qu'on pouvait compter sur lui.

Je fais une pause parce que ce que je vais lui dire est dur à entendre.

-Je ne peux pu en dire autant, aujourd'hui.

J'ai envie de pleurer, mais je me retiens. Ce n'est pas moi la plus mal lotie, comme on dit. Mon frère va bien plus mal que moi. Mais je veux qu'il comprenne que c'est maintenant ou jamais. Ou un des liens de notre relation se brisera.

Je commence à partir lorsque je sens qu'il me retient. Je me tourne pour lui faire face, attendant ce qu'il a à me dire.

-Je... je...

Et il commence à pleurer. Exactement comme lors de la soirée de Philippe. Je vous assure que, de toute ma vie, je n'ai vu Baptiste pleurer que quelques fois. La première, c'est quand Bibie est tombé de son vélo et qu'elle s'est fracassée le crâne contre le trottoir. Ce jour-là, on a cru qu'elle était morte. La deuxième, c'est quand mémé est morte. Il avait une relation très fusionnelle avec elle. Ça lui a fait un choc. La troisième, c'est quand il a dû quitter Maye, sa petite amie. Il n'a pas pleuré devant elle, mais je l'ai entendu à plusieurs reprises en passant devant sa chambre, un soir où j'étais prise par une insomnie fulgurante. Je me souviens être entrée et l'avoir réconforté comme je l'avais pu. A cette époque – et ce n'est pourtant pas si loin – je ne comprenais pas trop ce qu'il ressentait. Pour moi, l'amour ne pouvait pas faire autant de dégâts. Aujourd'hui, je sais que j'ai eu tort de penser ça. Et la quatrième fois, c'était il y a deux mois, à la soirée de Philippe. Ça me fend le cœur de le voir comme ça, surtout que je ne connais pas la raison de son malheur. Alors je fais comme d'habitude et le prends dans mes bras, et lui tapote le dos en lui rappelant que je suis là et que je peux tout entendre. Même le pire.

Entre l'ombre et l'âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant