Chapitre 23 : Le calme avant la tempête

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Je suis assise sur une des nombreuses chaises qui ont été installées dans le couloir. Ma jambe ne cesse de trembler sans que je ne puisse y faire quoi que ce soit. Mon cœur tambourine dans ma poitrine, mes doigts tapent contre les feuilles qui sont posés sur mes genoux, et mes yeux ne peuvent se détacher des lignes d'encre. Pour la première fois de ma vie, je suis impatiente. J'en ai marre d'attendre. J'aimerais que ce moment soit déjà passé. Or, je suis toujours sur cette chaise en train de réguler ma respiration pour m'éviter une énorme crise.

Je suis en pleine révision quand la porte à côté de moi, s'ouvre, pour laisser passer un de mes camarades. Il me fait signe que je dois entrer avant de partir sans se retourner. Je me lève devant les regards stressés de mes autres camarades, puis m'engouffre dans la salle de classe, vide. Les tables ont été décalées sur le côté et seules deux chaises et le bureau ont été mis au centre de la pièce. Je m'avance difficilement jusqu'aux deux adultes qui me font face. J'ai l'impression que je peux m'écrouler à tous moments. Pourtant, mes jambes en ont décidé autrement. Elles sont comme du coton, mais jamais elles ne me lâcheront. Et je déteste cette sensation. Si proche du vide mais un seul fil qui me retient suspendue au-dessus.

Je passe ma feuille à l'un des deux professeurs, les mains tremblantes. Ce dernier s'en empare, la lit à la va vite puis me désigne de la main de m'installer. Je place mes morceaux de papiers sur la table en face de moi, fais craquer mes doigts et mon cou sous l'œil désapprobateur de l'un des examinateurs. Mais je n'en ai que faire. Je déteste déjà passer des oraux, alors qu'il ne me prenne pas la tête. Je fais encore ce que je veux de mon corps.

- Vous avez dix minutes pour nous présenter votre sujet, me lance l'homme situé à ma gauche en démarrant son chronomètre.

J'ai surtout dix minutes pour mourir, oui !

Je souffle un bon coup et débute mon exposé sur le soft power. J'ai choisi un thème un peu particulier pour mon grand oral du bac : La musique est-elle un nouvel outil du soft power chinois ? J'ai tout misé sur ce sujet-là. Je savais qu'ils le choisiraient à l'autre, qui est beaucoup plus commun. Et même si je le connais sur le bout des doigts, j'appréhendais énormément. Je n'ai jamais été très douée pour m'exprimer à l'oral de cette manière. Le seul moment où je me sens vraiment à l'aise, c'est quand je chante ou que je joue. Là, je n'ai plus l'impression d'être en face d'un public. Il n'y a plus que l'instrument, moi, et rien d'autre. J'ai le sentiment d'être seule. Alors que là, j'ai juste l'impression de me ridiculiser. Et je n'aime pas ça.

Après les vingt minutes dont dix où j'ai dû répondre à des questions toutes plus farfelues que les autres, je peux enfin sortir de cette salle où je suffoquais presque. Je prends juste le temps de faire un signe à mon prochain camarade, et pars presque en courant. J'ai besoin d'air. De l'air frais. Et pour mon plus grand bonheur, il pleut, aujourd'hui. Je passe un petit temps dehors, sur un banc, à calmer mon cœur et mon souffle. Je tente de me convaincre que je n'ai pas trop foiré mon oral. De toute façon, les dés sont jetés. On verra ce que ça donne. Puis je rejoins Vadim qui m'attend devant le grand portail du lycée.

Lorsque j'arrive, il est au téléphone. Ce que dit son interlocuteur doit être drôle puisqu'il rigole. Je décide de m'approcher de lui à pas feutrés, de sorte qu'il ne m'entende pas. Arrivée tout près de lui, je suis sur le point de lui faire peur, mais je m'arrête d'un coup, surprise d'entendre mon prénom.

- Tu avais raison à propos d'Anna, Claire. J'ai perdu.

Je ne comprends pas bien ce qu'il a perdu. Et je ne comprends pas non plus ce que je fais au beau milieu d'une conversation avec notre professeure de SES.

- Ce n'était pas vraiment un pari, continue-t-il. Je ne pensais simplement pas que ça m'arriverait.

Je ne peux pas entendre ce que lui répond Claire, mais je dois avouer que je n'aime pas beaucoup. Ça n'augure rien de bon. Et j'ai un mauvais pressentiment.

Entre l'ombre et l'âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant