Souviens-toi de septembre

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La comtesse de Semblé referma son éventail d'un coup sec.

« En ce cas, mademoiselle, c'est entendu. Je vous attends demain à sept heures. Nous discuterons de vos gages en temps voulu. »

La jeune fille en face d'elle acquiesça. Elle portait une robe verte de bonne facture et un châle gris noué sur les épaules. Elle arborait une expression impeccablement neutre et se tenait droite. Ses cheveux étaient tressés au-dessus de son front, sur ses tempes et jusqu'à sa nuque, où ils étaient rassemblés en un chignon dont aucune mèche ne dépassait. Ils étaient d'un noir remarquable, profond, sans reflets, et tranchaient sur son teint pâle. Ce contraste aurait pu lui conférer un air romantique joliment démodé, mais accentuait plutôt ses traits décidés. En accord avec le reste de son visage, ses yeux marrons et ses longs cils lui faisaient un regard de sorcière, sombre et intelligent. Elle ramassa son sac et sortit de la pièce.

Elle marchait la tête baissée dans les couloirs tapissés de lambris de bois de rose et remercia d'un murmure le majordome qui lui tendait son chapeau. Elle traversa le jardin, laissant derrière elle la maison cossue qu'elle venait de quitter, et descendit à grands pas la colline sur laquelle le bâtiment était perché.

Arrivée en bas de la pente, elle quitta sans hésiter le chemin principal pour suivre une piste à peine marquée dans l'herbe humide de rosée, longeant la rivière qui coulait tranquillement à sa droite. Elle rejoignit rapidement une route pavée de frais et la parcourut sans précautions, malgré ses bottines à talon. Elle traversa le pont qui enjambait le cours d'eau. Autour de la route étaient désormais rassemblés quelques habitations et commerces au toit d'ardoises. Elle marqua une pause pour rajuster son chapeau et ses gants, puis s'engagea dans la grand-rue.

Le village était presque désert. La seule personne qu'elle croisa fut le boulanger, qui chiquait devant sa boutique en attendant les premiers clients de la journée. Il la salua d'un signe de la tête. Elle y répondit sans ralentir.

La jeune fille s'arrêta devant une étroite maison qui surmontait ses voisines du haut de ses trois étages bringuebalants. Elle saisit le heurtoir en forme de tête d'aigle qui en ornait la porte et frappa doucement le battant de chêne massif. Aussitôt, le heurtoir s'ébroua et dit d'une voix rauque :

« Bien le bonjour, mademoiselle... »

La porte tourna sur ses gonds en forçant un peu pour se décoincer du chambranle, puis le heurtoir se figea de nouveau. La jeune fille entra, confia son chapeau au porte-manteau et retira ses gants tout en se dirigeant vers le salon. L'homme qui y était assis leva les yeux quand elle se présenta dans l'encadrure de la porte. Il était en manches de chemise, le journal du matin à la main. Avec son gilet gris anthracite rayé de noir boutonné de nacre et ses cheveux soigneusement peignés en arrière, il s'accordait parfaitement au décor alentour, à croire que l'ensemble était indissociable, comme une baguette et son cœur.

Le salon était plutôt grand. Sur tout un mur s'alignaient de hautes et étroites fenêtres à carreaux. D'un côté, on trouvait une cheminée de marbre gris devant laquelle conspiraient deux fauteuils et un sofa, et de l'autre, une bibliothèque couverte d'ouvrages au dos craquelé. Les murs étaient recouverts de tentures moirées, et le sol de parquet à chevrons, en partie dissimulé par un grand tapis pourpre. Des objets variés étaient disposés dans toute la pièce, une boule de cristal, des candélabres, un secrétaire, des statuettes de métal ou de verre, un bocal plein de caramels salés et un autre de Patacitrouilles, des gravures illustrant le conte du sorcier au cœur velu. Malgré l'abondance disparate de meubles marquetés et de bibelots semi-précieux, tout était rutilant et à sa place.

La sorcière et le chapelier ( Fanfiction Harry Potter )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant