Lumen Fortuna - Destin Incertain

03. Sortir Vainqueur

Lorio leur demande de le laisser passer. Les trois se retournent, se regardent, et celui au milieu du groupe se moque.

— Dégages de là ou on te déglingue.

— Je suis vraiment pressé les gars !

— Qu'est ce que ça peut nous faire ? C'est notre territoire ici, donc si on décide quelque chose tu la fermes et t'écoutes, vocifère le plus grand des trois.

— L'obsédé au katana, l'humiliation au resto ne t'as pas suffit ? T'en redemandes ou quoi ? Retourne dans ta cambrousse on t'a dit, t'es pas le bienvenu ici !

La dernière remarque de Kaïle est la goute d'eau qui fait déborder le vase. Lorio dégaine aussitôt son épée en bois.

Au même moment, la cycliste essaie tant bien que mal de donner du sens à ce qui lui est arrivée tout à l'heure. Ne trouvant aucune explication, elle conclut que ça devait être le fruit de son imagination.

Après s'être assurée que l'antivol soit bien attaché à son vélo, elle cherche un endroit où placer ses affiches de promotion. Il ne lui a pas fallu beaucoup de temps pour repérer l'emplacement idéal. 

Tandis que les prospectus viennent décorer la façade, on peut l'entendre fredonner joyeusement une mélodie.

Du moins jusqu'à ce que sa tranquillité soit perturbée par des individus qui hurlent à gorge déployée. Les propos tenus laissent penser qu'il s'agit d'un règlement de compte. Sa curiosité la pousse à voir de plus près ce qu'il se passe.

Elle observe alors un épéiste à la chemise rouge tenir en joue les trois brutes du quartier.

Le malheureux, il n'y a aucun moyen qu'il s'en sorte seul contre trois. Elle croise les doigts pour que la situation ne s'envenime pas davantage.

— Dégagez de mon chemin où je vais tous vous fumer ! C'est mon dernier avertissement.

Lorio sent l'adrénaline envahir ses membres. Chaque seconde de perdu diminue drastiquement ses chances de participer aux présélections. Ce n'est pas acceptable.

— Il me tape sérieusement sur les nerfs le blondinet. Aller les gars on va lui donner une leçon !

Le plus balèze du groupe ramasse une batte de baseball parsemé de clous rouillés et tordus puis l'abat sur Lorio. En tout cas, c'est ce qu'il pense. En vérité, son coup est intercepté. L'instant d'après il hoquette avant de s'écraser par terre.

— Eh ? Qu'est ce qu'il c'est passé ?!

Le deuxième n'a pas le temps de prononcer une autre phrase. Le coup de katana sur sa clavicule a eu raison de lui.

Le dernier debout tremble un peu. La barre de fer qu'il tient fermement lui donne assez de courage pour croiser le regard du démon.

— Eh, tu vas avoir des gros soucis mon gars ! C'est quoi ton nom déjà ?

— Je suis Lorio. Lorio Blackburn. Futur champion de Swordive !

— Crèves Lorio ! aboie Kaïle.

La fatigue accumulée au cours de ces dernières heures affecte considérablement les mouvements de Lorio.

Il en faudra plus pour l'empêcher de soumettre son adversaire.

— J'espère que vous avez compris la leçon. Ne vous mettez plus jamais sur ma route !

Il passe par-dessus les caïds et fait quelques pas avant de s'arrêter. L'espace d'un court instant, ces jambes le lâchent. À ce train-là il va s'évanouit. D'un autre côté, il n'a jamais été aussi proche de son objectif. Alors il se relève et poursuit son chemin.

L'adolescente se remet de ses émotions après avoir assistée à une telle démonstration de force. Mais l'état de l'épéiste semble critique. Elle envisage alors de lui venir en aide. Mais il a disparu avant qu'elle n'est le temps de s'approcher.

— Décidément ce type est surprenant, dit-elle a voix basse.

Finalement, elle fait demi-tour, colle les dernières affiches, puis remonte sur son vélo.

Un léger sourire se dessine sur le visage de Lorio quand il aperçoit le dojo quelques mètres plus loin. Les lumières à l'intérieur s'éteignent, puis un homme barbu en sort. Il est sur le point de fermer à clef le bâtiment. 

Alors Lorio s'égosille et agite ses bras, ce qui finit par attirer l'attention de l'homme. Ce dernier s'avance avec prudence vers la personne à l'origine de tout ce vacarme.

— Tout va bien petit ? Est-ce que tu as besoin de quelque chose ?

— Oui, ne fermez pas le dojo tout de suite, je suis venu pour m'inscrire au tournois de Swordive de demain.

L'homme barbu est d'abord surpris, puis décide de répondre à cette requête sur le ton de la rigolade. Il fait semblant de regarder la montre imaginaire sur son poignet.

— C'est un peu tard tu ne penses pas ? En plus tu tiens à peine debout. Un conseil, rentre chez toi et reposes-toi. Ça va te faire le plus grand bien.

— Non attendez vous ne comprenez pas, ce tournoi représente tout à mes yeux, il faut absolument que j'y participe ! Je me suis donné beaucoup de mal pour arriver jusque là.

— Écoutes, le Swordive n'est pas un sport pour les rêveurs. Tu n'auras qu'à tenter ta chance l'année prochaine. Et penses à te présenter un peu plus tôt quand même.

— Vous ne me laissez pas le choix. Je vous défi en duel ! Si je gagne vous devrez m'inscrire et si je perds, je vous promet de ne plus vous embêter.

Après quelques secondes de silence, le barbu reprend.

— On ne s'est pas présenté, je suis Petrus Fondriat, le maître de ce dojo, et toi ?

— Lorio Blackburn, futur champion de Swordive. Vous acceptez mon défi ?

— Si c'est la seule façon de te faire revenir à la réalité, j'accepte. Mais j'ai pour principe de ne pas retenir mes coups.

Ensuite, Petrus s'absente le temps de mettre la main sur une veille épée en bambou. Une fois de retour, deux se saluent et le duel commence.

Le maître esquive facilement les coups qui lui sont destinés.

— Il va falloir faire beaucoup mieux que ça si tu veux avoir une chance de me battre.

Lorio est à bout de force, c'est la première fois qu'un adversaire lui tient tête aussi longtemps. Mais puisqu'il compte sortir vainqueur de ce combat, il continu de tout donner. Et à force d'enchainer les attaques, il perçoit enfin une ouverture. C'est le moment où tout va se jouer.

— Voici ma technique ultime, attaque éclair !

Il lève son katana vers le ciel, concentre son attention dans la lame et l'abat de toute sa force sur Petrus, mais avant de l'avoir touché, Lorio se plie en deux. L'arme de son adversaire lui a presque perforé le ventre. Le bitume vient le réceptionner dans sa chute.