18. Lame Affûtée

15 6 8
                                    

Au cœur de l'auberge éclairée par des chandelles vacillantes, deux amis, Lorio et Zania, se réjouissent de retrouver leur compagnon d'aventures, Talis, après son long combat contre cette fatigue inquiétante.

Les regards brillants d'amitié et de soulagement s'échangent alors que les trois compagnons se serrent dans une étreinte chaleureuse, murmurant leur gratitude pour ce rétablissement miraculeux.

Lorio explique ensuite au jeune adolescent que Zania et lui l'ont amenés ici pour qu'il puisse reprendre des forces. Talis est aussi tenu au courant de l'intervention mystérieuse d'un vieil homme.

— Vos retrouvailles sont touchantes, mais il faut payer maintenant !

L'aubergiste se montre implacable, malgré toutes les tentatives du groupe d'aventuriers pour faire baisser les prix.

— Vous ne pouvez vraiment pas nous faire une réduction ? Parce qu'on n'a clairement pas de quoi payer la somme que vous nous demandez.

Il répond à la question de Zania sans dire un mot. Son regard noir la dissuade de poursuivre les négociations.

C'est alors que Talis décide d'intervenir.

— Ne vous en faites pas, j'ai quelques économies.

Malheureusement, Talis a la mauvaise surprise de découvrir qu'il n'y a plus rien dans sa besace !

— C'est pas possible, j'ai sûrement dû la faire tomber quelque part ! Comment on va faire maintenant ?!

Face à cette situation, un rire nerveux résonne près du comptoir. À ce stade, il faut croire que le monde entier complote pour priver le groupe de ses moyens financiers.

— Désolé, on s'est mis dans une sacrée galère quand même... lâche finalement Lorio quand il a repris sa contenance.

Après avoir entendu les dernières paroles des jeunes aventuriers, les veines de l'imposant gaillard balafré ressortent. L'aubergiste qui jusque-là faisait un effort pour garder son sang froid finit par craquer.

— Dégagez et ne revenez plus jamais ici !

— Mais si on ne trouve pas un endroit où dormir on va mourir de froid dehors !

Lorio se surprend à s'exclamer de la sorte, mais ça ne l'empêche pas de continuer.

— Et aucun habitant n'a voulu nous aider...

— Qu'est ce que vous voulez que je vous dise ? Les gens sont comme ça à Tergaron !

— Il n'y a rien qu'on puisse faire pour rester une nuit ou deux ?

L'aubergiste s'apprête à les chasser à coup de balai puis se ressaisit à l'instant où une idée lui traverse l'esprit. Il frotte sa moustache épaisse et les regarde attentivement en même temps.

— Maintenant que j'y pense, oui on va peut-être trouver un arrangement.

Lorio et ses deux amis se réjouissent à cette idée.

— J'ai besoin de main d'œuvre pour assurer les entrées de cet après-midi. Suivez-moi à l'arrière du comptoir, je vais vous expliquer ce que vous allez faire.

Une fois dans la cuisine, l'aubergiste décrit brièvement les différentes tâches qu'ils vont devoir accomplir tout au long de l'après-midi. Il leur montre comment préparer les tables, délivrer les repas et assurer l'aménagement des chambres.

— Une dernière chose, vous allez porter des vêtements plus adaptés.

L'homme s'absente un instant puis revient avec deux tenues toutes propres dans les mains. Il y a une chemise, un gilet et un pantalon de costume pour Lorio. À cela s'ajoutent les chaussures, le nœud papillon et le tablier. Lorio prend ses affaires avec un engouement qui étonne tout le monde.

— Avec ça, je vais avoir classe ! Plus que dans mon autre job en tout cas...

— Oh là, je vais vraiment devoir porter ça ?! crit Zania.

Elle devient toute rouge lorsqu'elle regarde la tenue qu'on lui a laissé : un polo, d'une cravate, d'une paire de ballerine assortie, d'un tablier et de collants encore jamais portés. Jusque là tout va bien, mais ce qui l'a met dans cet état, c'est cette jupe qui est un peu trop courte à son goût...

Lorio et Zania enfilent donc leur tenue et commencent à travailler sous la supervision du propriétaire des lieux.

Certains automatismes que Lorio a acquis pendant qu'il travaillait dans la restauration rapide semble refaire surface car il se montre diablement efficace à la tâche. Zania qui entre temps avait arrangée ses cheveux en queue de cheval, tente de suivre le rythme de son mieux. Malgré tous ses efforts elle n'arrive pas à être aussi sereine que d'habitude, certainement à cause des regards un peu trop insistant de certains.

En voyant ses deux amis travailler, Talis se sent mal à l'aise. Il se demande pourquoi les autres doivent toujours se sacrifier pour lui. Alors il se dirige vers l'hôtelier pour qu'il puisse lui aussi mettre la main à la pâte, mais avant d'avoir le temps de faire un pas dans sa direction, on entend un bruit assourdissant. C'est comme si le temps s'était figé un moment avant de reprendre son court.

Des personnes en armure d'argent décorées de tissus bleu et blanc se présente devant l'entrée ! Sans prévenir deux d'entre elles entrent. Le premier est un colosse au physique comparable à celui d'une armoire et l'autre est une jeune femme de plus petite taille à la peau mâte. Arrivés au centre de la pièce, la femme coiffe ses cheveux blanc, puis de ses yeux sournois balaye du regard l'environnement avec un sourire foncièrement mauvais.

Alors que tous les regards se portent sur elle, le sien se pose sur Lorio. Quelques secondes de silence passent avant qu'elle n'ouvre la bouche.

— À la demande de Seigneur Francis Otto, nous avons été envoyés... pour capturer ce blondinet là-bas !

Elle pointe son doigt vers l'origine de sa convoitise, qui est aussitôt parcouru d'une sueur froide. En le voyant s'agiter de la sorte, la femme à la peau mâte se mord les lèvres. Hélas, elle est rapidement extirpée de ses fantaisies par son coéquipier.

— Arrêtes tes salades Mel. On vient pour recueillir la taxe.

— Ah t'es pas marrant, Baril ...

Elle lui fait la moue, puis s'approche de l'aubergiste. À mesure qu'elle avance, le gaillard moustachu tremble de plus en plus.

— T'as pas entendu ce qu'on a dit, crâne chauve !? Envoie l'argent.

Elle sort un couteau à la lame affûtée comme un rasoir, et le fait tourner près de son interlocuteur.

— Ou bien je te dessine une nouvelle cicatrice pour accompagner la dernière ?

Sans perdre plus de temps, l'aubergiste lui remet un sac rempli de pièces. Une fois le butin en main, les deux personnages en armure partent aussi vite qu'ils sont arrivés.

Dès l'instant où la porte de se referme, le propriétaire s'assoit lourdement, comme si on venait de le libérer d'un poid excessivement lourd.

Lumen Fortuna - Destin Incertain Où les histoires vivent. Découvrez maintenant