Lumen Fortuna - Destin Incertain

04. Monde Impitoyable

Il veut se relever mais la force n'est plus avec lui.

- Je te l'avais bien dit pourtant. Tu n'es pas près pour ce tournoi, laisses tomber. Comment est-ce que tu peux prétendre être un futur champion si tu ne peux même pas me toucher ?

"Il a complètement raison" se dit Lorio. À quoi bon continuer de se voiler la face ?

- Tonton, donnes-lui une chance, implore une adolescente alors qu'elle descend de sa bicyclette.

Croyant reconnaitre la fille, Lorio tente tant bien que mal de dire quelque chose. En fin de compte, le sommeil finit par l'emporter.

- Nelia te revoilà ma grande. Je t'écoute.

- Quand je collais les affiches il y a avait du bruit. Alors je suis allé voir d'où ça venait. C'est à ce moment-là que je l'ai vu se battre seul contre trois brutes. C'est difficile à croire pourtant il a été vraiment impressionnant.

Après un rapide coup d'œil vers le sujet de leur conversation, Petrus reprend.

- Ça expliquerait aussi son manque d'énergie. Mais malgré tout, le gamin a fait preuve d'une forte volonté... Tu sais quoi, je vais te faire confiance même si j'ai des doutes sur ses chances de s'en sortir. En attendant on devrait au moins le ramener à l'intérieur.

Ainsi, ils transportent le concerné dans le dojo. Un certain temps s'écoule avant que Lorio rouvre les yeux.

- Bien dormi, Lorio c'est ça ? Moi c'est Nelia, je suis la nièce de Petrus.

Encore un peu confus, il acquiesce, la regarde puis se fige devant la beauté de son interlocutrice. Sa longue chevelure ondulée, couleur caramel, encadre délicatement son visage aux traits doux. Ses yeux d'un marron étincelant, pétillent d'une curiosité innocente et son sourire charmant expose ses adorables fossettes.

Son style décontracté laisse entrevoir une personnalité aussi discrète qu'insouciante alors que ses courbes plutôt prononcées mettent en valeur sa silhouette équilibrée. Et sa peau dorée par le soleil est parsemée de petites taches de rousseur à peine perceptible. Le tout forme une harmonie qui provoque un sentiment de béatitude chez Lorio, du moins jusqu'à ce que ses derniers souvenirs lui reviennent. Dès lors, ses pensées sont corrompues par l'amertume.

- Combien de temps est-ce que j'ai dormi ?

- Une bonne petite heure environ. Tu devrais vraiment avoir besoins de reprendre des forces.

- Merci pour le coup de main. Je vais y aller maintenant.

- Eh pas si vite ! Tu n'étais pas venu pour t'inscrire aux détections de demain ?

- Après le fiasco de tout à l'heure, je ne sais plus si ça en vaut la peine.

- Ne baisse pas les bras si près du but. Ça serait vraiment dommage.

Lorio se lève péniblement pour se diriger vers la sortie. Au même moment, Nalia sort une enveloppe dans son sac à dos.

- Avant de partir, prends au moins ça. Dedans il y a une carte de participation. Tout ce que tu as à faire, c'est la présenter demain avec une pièce d'identité.

Après quelques secondes d'hésitation, l'enveloppe finit dans ses mains.

- Je vais y réfléchir. Passes le bonsoir à Mr.Fondriat de ma part.

- Pas la peine, je suis juste à côté, s'exclame-t-il assis dans les gradins. J'ai peut-être été un peu dur tout à l'heure. C'était pour te faire comprendre que ceux qui participe au Swordive mettent les pieds dans un monde impitoyable.

Lorio détourne le regard. En ce moment, plus rien n'a de sens à ses yeux.

- Le message est très bien passé.

Sur ces mots, le garçon quitte les lieux. Nalia quant à elle, se tourne vers son oncle.

- J'espère qu'il s'en remettra.

- Seul l'avenir nous le dira. Parfois, lâcher prise sur un rêve peut être une sage décision. Si ce dernier entrave la croissance personnelle, engendre du stress excessif ou condamne à une vie peu épanouissantes, envisager un nouveau chemin est la meilleur chose à faire.

Après un court silence, Petrus met ses mains sur sa taille puis prend un air moqueur.

- Tu t'intéresses beaucoup à lui dis-moi. En plus vous devez avoir le même âge, il te plait ?

Le visage de Nelia s'empourpre.

- Hein ?! Qu'est ce que tu racontes !?

Un rire tonitruant résonne dans tout le dojo.

- Je t'embête hein. Tu es libre de faire ce que tu veux.

La main posé sur son ventre, Lorio traine le pas dans les rues à peine éclairées. En dépit de tous ses efforts ses croyances se sont faites balayer comme de vulgaires déchets. Toutes ces heures de sacrifices n'auront donc servi à rien ? Pourquoi continuer de se donner autant de mal, si c'est pour obtenir si peu de résultat. La douleur est difficile à supporter. Peut-être qu'il serait tant de tirer un trait sur le Swordive.

Le retour a été long. Devant la porte de son petit studio, Lorio cherche ses clés. Un sentiment désagréable le parcourt à l'idée que le pire soit arrivé.

C'est pas vrai, elles ont disparues ?! Elles pourraient être n'importe où... C'est officiellement le pire jour de sa vie !

Ah non, fausse alerte. En réalité le trousseau est dans la poche de son bermuda...

Il s'avachit dans son canapé puis quelques minutes plus tard, Lorio s'accoude à la balustrade de son balcon pour contempler le paysage, sentir l'odeur de viande grillée au barbecue et entendre les échos d'une musique passée de mode.

- C'est une journée que je ne suis clairement pas prêt d'oublier.

Alors que la Lune illumine le ciel, tout se met à tourner. Ce qui lui arrive ensuite semble impossible à exprimer avec les cinq sens physiologiques. C'est comme s'il tombe dans le vide en traversant la matière. À ce moment précis, l'intégralité de son être se déconnecte de la réalité.

Son corps, submergé par des image caléidoscopique, dérive à grande vitesse dans toutes les directions tandis qu'une orbe de lumière virevolte. Sans prévenir, elle s'introduit au niveau de son cœur. Le contact provoque pendant un court instant une chaleur et des picotements intenses. La douleur se dissipe pendant que le noir envahit l'espace.

Le Temps reprend finalement son cours.

Lorio somnole paisiblement jusqu'à ce que l'odeur de vêtements brulés et le chant des oiseaux deviennent impossible à ignorer. Petit à petit sa vision se clarifie. Les arbres lui font de l'ombre pendant qu'une douce brise lui caressent la peau.

- C'est quoi ce délire ?!

Impossible d'accepter la vision qui se présente devant lui. Pourtant tout semble bien réel :

Il est perdu au milieu de la nature !