Voyage au centre du soleil

Chapitre 14 - De promesses en promesses

Ries et Yona n'eurent pas le temps d'hésiter. L'arbre sombra presque immédiatement sous la glace, et le reste du lac se fissura à une vitesse alarmante. Les deux aventuriers se mirent alors à courir le plus rapidement possible vers le rivage d'où ils venaient. Enfin, pas tout à fait. Yona ne voulait pas abandonner son employeur comme elle l'avait fait à Newels. Elle décida de rester à son allure, pour l'aider en cas de besoin.

L'onde qui se répandait en brisant la glace partait du centre du lac, à savoir le cerisier. Ainsi, le duo avait réussi à prendre un peu d'avance, mais malheureusement pas assez pour tout le retour. En effet, l'eau se montrait de plus en plus proche. Une sorte d'agitation régnait sous la surface, sans que Yona ne puisse y voir quoi que ce soit. Avec cette course à une vitesse gérable pour elle, elle s'autorisait quelques regards en arrière. L'eau gagnait assurément du terrain, et de nombreuses gouttelettes volèrent dans tous les sens, certaines arrivant sur eux. Mais qu'est-ce qui provoquait toutes ces éclaboussures ? À vrai dire, Yona ne tenait pas spécialement à le savoir. Tout ce qui l'importait, c'était de retrouver la terre ferme. Elle entendit un cri sur sa gauche, et tourna la tête d'un sens à l'autre pour comprendre ce qu'il se passait. Ries venait de trébucher sur une plaque de glace qui s'était détachée, et il menaçait de tomber !

Rapidement, Yona réussit à saisir le col de son employeur, et à le redresser avant qu'il ne perdre réellement l'équilibre.

- Il faut accélérer ! s'écria Yona.

- Je fais ce que je peux ! lui répondit Ries en haletant.

Malgré ses plaintes, le marchand parvint à augmenter un tant soit peu sa vitesse, afin de garder une distance de sécurité avec l'eau.

Les minutes passèrent lentement. Ils avaient mis une bonne heure pour venir jusqu'au centre du lac, alors malgré le sprint permanent, rejoindre le sol de la presqu'île leur prendrait une dizaine de minutes tout au plus. Mais autant de temps en utilisant à ce point ses capacités physiques, cela relevait de l'impossible. La brève remontée d'énergie de Ries se calma très vite, et son rythme se mit à diminuer. Ils avaient à peu près parcouru la moitié, quand Ries s'appuya à nouveau sur une plaque de glace qui partait à la dérive, mais cette fois, Yona se trouvait aussi dessus ! Elle attrapa son employeur à l'aide de ses vêtements, et bondit en avant pour rejoindre la partie solide du lac. Elle y parvint, mais ne lâcha toujours pas Ries.

– Tâche de ne pas gigoter surtout, lui ordonna-t-elle rapidement entre deux inspirations.

Elle le porta presque comme un bébé, et se mit à courir le vite qu'elle put. Libérée de l'inquiétude pour son ami, elle pouvait donner libre cours à ses capacités physiques. Mais en regardant devant elle, elle s'aperçut que la glace ne se brisait pas uniquement en onde partant du centre. En effet, elle n'en savait pas la raison, mais l'eau gagnait du terrain également sur les côtés, et bien plus vite qu'elle. Sur sa droite ainsi que sur sa gauche, l'étendue liquide allait immanquablement les rencontrer à un moment ou un autre. Déterminée, la bûcheronne ne ralentit pas, au contraire, elle maintint sa célérité du mieux qu'elle put étant donné le poids supplémentaire qu'elle portait.

Elle approchait finalement des derniers mètres. L'eau formait maintenant une séparation bien distincte de la berge. Et à cette distance, Yona comprit enfin ce qui causait toute cette agitation : des poissons. Pas plus long que son bras, ils étaient surtout très fins, et semblaient posséder une sorte de bec ou de lame vers l'avant, assez importante pour que Yona s'en inquiète. Tomber dans l'eau serait sûrement synonyme de mort.