Voyage au centre du soleil

Chapitre 21 - La ville-étape

Yona passa une bonne nuit reposante. Certes ses jambes et ses fesses lui firent mal dès le réveil, mais elle se sentait pleine d'énergie. Ainsi, quand elle vit le ciel déjà bleu vif, elle se hâta de faire ses affaires et se pressa vers la salle commune.

Ries l'y attendait, discutant avec un homme d'à peu près son âge, au teint bien plus foncé que le sien. Quand il aperçut la jeune femme, il le salua, et s'approcha de son employée.

- Bonjour ! lança-t-il gaiement. Bien dormi ?

– C'était quoi cette chose au loin ? coupa impatiemment Yona.

Habitué aux réponses sèches de sa partenaire de voyage, le marchand se réjouit déjà d'obtenir un semblant de conversation avec elle. Le premier depuis des jours.

– C'est notre prochain arrêt, la ville-étape de Kruis ! Ou aussi appelée la plaque tournante de l'ouest. Tu verras en détail de quoi il s'agit d'ici demain. Et plus on traîne, plus ça mettra de temps !

Ces mots convainquirent Yona avant même que la phrase ne soit terminée. Elle se précipita vers les écuries — avec Ries sur les talons — pour aider le palefrenier à équiper son cheval. Une fois fait, ils quittèrent l'auberge.

La journée ne s'avéra pas vraiment différente des autres. La température montait encore légèrement, forçant les deux voyageurs à enlever leurs vestes. Mais avec le vent presque frais qui venait caresser leurs peaux en douceur, ils se sentaient très bien. Yona ne se montra pas plus bavarde que la veille, mais elle semblait bien plus enthousiaste à l'idée de voyager et d'atteindre Kruis. Ries la voyait se dandiner sur sa selle de gauche à droite pendant de longs moments, comme pour faire avancer son cheval un tant soit peu plus vite. Ou alors était-ce dû à des douleurs ?

En tous cas, ça ne délia pas plus la langue de la bûcheronne. Ils passèrent la journée dans le silence le plus total ou presque, se parlant uniquement pour les banalités. Quand le Soleil se trouva à peu près à son zénith, des fermes remplacèrent les plaines. Assez espacés les unes des autres, les propriétaires étaient dehors à s'occuper de leurs terrains. Que ce soit pour les champs, les bêtes ou les corvées, hommes, femmes et même enfants mettaient la main à la pâte. Certains se tenaient le dos voûté, cuisant sous le Soleil brillant, quand d'autres tiraient des charrettes remplies de tout et rien.

Cependant, ce n'étaient pas les sentiments négatifs qui gardaient Yona silencieuse. Enfin si, toujours, mais seulement en partie. L'ombre qui s'était dessinée la veille dans l'horizon était bel et bien la cime d'un arbre. Mais pour le discerner d'aussi loin, il devait mesurer des centaines de pieds de haut ! D'un tronc filant droit vers les cieux plus épais que tout ce qu'elle avait pu voir dans sa vie — tellement qu'elle avait du mal à y croire —, d'énormes branches pouvant assurément servir de base à des maisons de par leurs largeurs partaient dans tous les sens, se divisant encore et encore jusqu'à devenir imperceptibles à cette distance. Mais pour le moment, impossible de le voir dans son intégralité, à cause des plaines moutonnant vers l'horizon. Cette fois, Ries confirma ses hypothèses, c'était bel et bien l'excitation de la découverte qui faisait bouillir le sang de sa garde du corps. Et il y avait de quoi. Lui-même était ému en voyant le gigantesque végétal, malgré ses précédents arrêts dans la ville. Une telle prouesse vivante lui réchauffait toujours le cœur, bien lourd ses derniers temps.

Le jour passa vite, et un hameau se montra en milieu d'après-midi. La journée étant trop avancée pour gagne un prochain village et les deux compagnons ne voulant pas dormir dehors après leur récente nuit à la belle étoile, ils s'arrêtèrent. La seule auberge ne s'avéra pas miteuse, mais pas la plus entretenue pour autant. Une grand-mère à moitié sourde criait depuis les cuisines, son mari totalement effacé en comparaison prenait les commandes et les apportait aux rares clients, que des habitués à part Yona et Ries.