Voyage au centre du soleil

Chapitre 46 - Rixe mouvementée

La fin du voyage fut absolument atroce pour Yona. À cause de l'attaque des pirates, ils avaient pris du retard, et elle avait fini par tomber à court de ses potions contre le mal de mer.

Ainsi, comme lors de ses derniers trajets en bateau, elle passait ses journées avachie contre la rambarde du pont supérieur, à vomir tripes et boyaux. Tout ce qu'elle avalait ressortait sans exception quelques heures plus tard. Elle ne mangeait presque rien, mais se forçait tout de même à boire. Il fallait quand même survivre. La nuit, elle parvenait à gratter quelques heures de sommeil, mais sans plus. Les nausées revenaient toujours rapidement et la tenaient éveillée. Elle partait parfois s'aérer la tête, mais les nuits s'étaient beaucoup rafraîchies par rapport à Liggewig, et la température devenait vite inconfortable. Presque un mois dans la capitale du sud, et la voilà incapable de vivre sans une chaleur étouffante !

Elle remarqua cependant — avec des annonces de Ries pour confirmer — que le paysage changeait. Ils avaient quitté le vaste océan pour remonter un large fleuve. Lorsqu'elle ne vomissait pas — avec pour seule vue l'eau qui défile —, elle apercevait de temps à autre un village ou des champs.

L'équipage ne dépliait que la grande voile désormais, voguant prudemment. Chaque soir, ils posaient l'encre dans un coin pas trop loin d'un hameau, et utilisaient les barques pour aller festoyer sur la terre ferme. Le bateau nécessitant toujours quelques hommes, c'est la capitaine Sean qui décidait qui obtenait ou non l'autorisation de partir. Elle annonçait les élus à chaque coucher de Soleil. Tous les marins se trouvaient sur le pont supérieur dans ces moments, comme attendant les discours d'une sainte personne qui prédisait l'avenir. À la fin de la liste, des cris de joie et de déception se mêlaient, tandis que les groupes se formaient déjà pour aller se remplir le gosier d'alcool le plus vite possible. Yona se dit que les matelots n'avaient pas la nature économe, elle aurait parié que toutes leurs paies partaient en vin et bière.

Finalement, alors qu'ils s'arrêtaient pour une nouvelle nuit, Ries vint la chercher en lui annonçant qu'ils descendaient eux aussi. Avec difficulté, elle rassembla ses affaires et gagna une barque disponible.

Ils avançaient dans un brouillard si épais qu'elle captait à peine les autres embarcations de l'équipage, repérables par leurs lanternes. Au bout de quelques minutes de rames dans un étrange silence, ils approchèrent finalement d'un quai.

La garde du corps revit lorsqu'elle posa enfin pied-à-terre. La sensation de nausée qui empoisonnait son ventre depuis deux jours — ressenti dix — commençait à s'estomper directement. Ce fut une telle sensation de libération qu'elle en eut les larmes aux yeux. Elle retrouva rapidement en vitalité, et après quelques minutes de marche pour gagner le cœur du village, elle se sentait déjà bien mieux. La faim prit petit à petit la place de ce mal-être, tellement qu'elle ne pensait plus qu'à une chose maintenant, trouver une taverne et se sustenter comme il le fallait après presque deux jours de jeûne !

Que ça soit Ries, Gereg ou elle, aucun du groupe ne s'était jamais aventuré dans les villages de cette zone. Ils errèrent donc dans les rues encore animées à cette heure de la fin de journée, essayant tant bien que mal de trouver ce qu'ils cherchaient. Ils arrivèrent sur une place centrée autour d'une statue. La sculpture représentait les quatre dieux. Ils partaient tous d'une même base, les torses étant cependant bien distincts les uns des autres. Ils pointaient chacun un point cardinal différent. Au milieu, encore les corps des dieux, l'œuvre d'art finissait en pointe.

Ries s'arrêta quelques instants à ses pieds et l'admira. Yona le rejoignit.

– Tout va bien ?

Le marchand ne répondit pas tout de suite, puis se retourna vers son employée.