Gleme nettoyait le comptoir comme il en avait l'habitude. Il s'attarda sur les tâches de bière, de vin ou d'autres alcools qu'il avait servis tout au long de la soirée, voire le reste de nourriture qui arrivait parfois dans la précipitation d'une serveuse. Lorsque le haut du comptoir fut fait, il s'attaque à la partie inférieure, rangeant au passage la vaisselle qui traînait. Il en gardait toujours un peu sous le coude, on ne savait jamais de quoi il pouvait avoir besoin d'un seul coup.
Une fois le meuble fait d'un bois de bonne facture — conçu et peaufiné dans le village voisin – de retour dans un état qu'il jugea acceptable, il posa son torchon sale sur son épaule, et embarqua sur un plateau la vaisselle restante dans les cuisines.
Adjacentes à la salle commune, elles étaient plutôt bien équipées, du moins pour ce qu'il en savait. Lui et sa cuisinière en cheffe avaient voyagé à peine l'année dernière pour acheter un nouvel ensemble de couteaux au grand village du coin, chez le meilleur forgeron de la région. Il ne traînait pas pour effectuer des travaux si nécessaires, afin de proposer le service de la plus haute qualité possible, dans de bonnes conditions pour ses employés. Il déposa son plateau à côté du commis, occupé à laver la vaisselle du jour. Le jeune homme le regarda d'un air dégoûté devant la charge de travail supplémentaire qui venait d'apparaître. Gleme s'en amusa en rigolant un coup, le motiva d'un tape dans le dos, et regagna son comptoir. Il sortit une bouteille d'un bon vin qu'un des derniers clients avait ouvert, se servit un verre bien rempli, et partit se poser au coin du feu, tourner vers la salle commune. Le son des flammèches qui crépitaient se mélangeait avec la pluie forte qui s'abattait sur le toit de l'auberge, rendant l'ensemble assez harmonieux.
Cela faisait bientôt trente ans qu'il tenait l'établissement « Le Sabot Fendu », et il ne s'en lassait pas. Il avait grandi ici, au milieu du village de Pad. Pas très loin de la forêt de Dood, ce hameau d'un demi-millier d'habitants se tenait sur la route commercial entre Liggewig et Kruis, du moins pour ceux qui ne voulaient pas passer par le désert ou l'océan.
Gleme avait de plus en plus aidé son père, qui lui-même avait tout appris du sien.
Il avait travaillé dans toutes les parties de l'auberge : le service en salle, les écuries, les chambres... Et une fois avec assez d'expérience, son rôle changea progressivement pour de la gestion. Passer les commandes de nourriture, les recevoir, dresser les inventaires, régler la comptabilité. Il avait tout appris sur le tas, et assez fier, il se disait qu'il ne s'en sortait pas trop mal. L'auberge tournait bien, ses clients étant principalement des habitués du coin. Tantôt des villageois qui venaient se détendre après une dure journée de labeur, tantôt des habitants des environs qui voyageaient pour telle ou telle raison, il ne se passait pas une soirée avec salle vide et triste comme il avait pu voir ailleurs.
En plus du service qu'il s'efforçait de rendre qualitatif, il cherchait constamment des divertissements à proposer à ses clients. Régulièrement de la musique, les troubadours et autres artistes itinérants passaient souvent par son auberge, et jouer volontiers contre une petite ristourne sur leurs séjours. Mais parfois, il parvenait à dégoter un magicien, qui arrivait à bluffer l'assistance à tous les coups. Gleme se remémora un tour. Le magicien avait mis une balle en bois sous un sceau retourné. Après une formule magique, la balle avait totalement disparu, et on l'avait retrouvé dans la poche d'un manteau d'un des clients ! La foule avait applaudi, et malgré beaucoup d'insistances, il avait refusé de révéler son secret. L'aubergiste soupira de nostalgie. Ça avait été une bonne soirée, ô que oui !
Une fois son verre de vin tranquillement siroté, le feu mourant de la cheminée lui indiquait qu'il ferait bien d'aller se coucher. Il salua le dernier employé de garde pour la nuit, et se dirigea vers sa chambre. Mais alors qu'il posa un pied sur la première marche de l'escalier menant aux étages supérieurs, quelqu'un tambourina à la porte, ce qui le fit sursauter. Une seule personne au village pouvait le déranger à une heure pareille, et avec de tels gestes.
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Voyage au centre du soleil
FantasíaYona, une jeune bûcheronne du nord du continent de Wêreld, frôle la mort lors d'une avalanche. Miraculeusement sauvée par un mystérieux marchand itinérant qui passait par là, elle va décider de le suivre en tant qu'employée. Yona va alors quitter s...