BAD H.

Chapitre 10

Le serveur tire la chaise de Juliet et sa mine confuse face à ce geste me fait sourire. Elle n'a clairement pas l'habitude, se confronter à mon monde a des avantages comme des inconvénients.
Je considère que les inconvénients, elle les a déjà vu, autant lui montrer à présent ce qu'elle peut tirer en profit de ce contrat.

En s'asseyant elle a une attitude drôle et adorable à la fois, elle finit par remercier le serveur pour la galanterie dont il a fait preuve. J'ai déjà remarqué qu'elle était très expressive, des mimiques enfantines sur son visage qui pourraient déplaire à d'autres, moi j'aime ça. Ca se confirme pendant le dîner, j'ai juste à observer la manière dont ses traits bougent, se défait ou se tirent pour deviner ses pensées.
Ils sont toujours en cohérence avec ce qu'elle dit, j'en déduis que c'est une personne sincère et honnête.

- Je ne sais quoi prendre, dit-elle en tapotant son index sur ses lèvres.

Elle se penche au-dessus de la table en me questionnant sur mon choix :

- Tu prends quoi toi ?

Je montre directement ma commande sur la carte mais cela ne l'aide pas à choisir :

- T'inquiètes pas, on reviendra si tu veux tout essayer.
- Ah oui ? son sourire révèle ses magnifiques fossettes.
- Oui, tu as déjà dû remarquer que je n'aies qu'une parole.

Elle hausse les sourcils un peu rancunière mais c'est un fait. Quand je dis, je fais.

- Donc tu n'es pas du genre à manger quinoa, salade et tout le reste ? la taquiné-je pour évincer le sujet.

J'ai à nouveau le droit à une expression faciale où elle plisse le nez en secouant la tête, je me surprends à rire. J'admets qu'elle me divertit beaucoup pour son jeune âge.
La commande passée, elle m'observe longuement avant de m'avouer ce qu'elle a en tête :

- On fais connaissance ?

Je lève la main pour l'autoriser à commencer :
- Je n'aime pas trop les interrogatoires, ne dévie pas trop.

Je préfère la prévenir, moi aussi elle m'intrigue mais j'ai beaucoup de choses à cacher et je ne veux pas qu'elle soit vexée si je ne souhaite pas répondre à certaines de ses questions. Je sais d'avance qu'il y en aura.

 Pour commencer, elles sont plutôt légères, à tour de rôle, nous apprenons à connaitre l'autre. Elle faisait de la gymnastique, elle adore dessiner, fille unique que je pensais comme pourri gâté, n'a pas l'air d'être le cas.

- Tu fais de la guitare ? J'en ai vu une trainer dans le salon ?
- J'en faisais, j'en fais plus et je ne m'étalerais pas là-dessus. Tu vas étudier quoi à la fac ?
- La psychologie.
- Ah ouais d'accord, ne t'exerce pas sur moi.
- J'aurais du boulot ! Et toi t'as jamais voulu poursuivre tes études ?
- Je n'ai jamais était trop attiré par les cours, mon chemin était tout tracé. Je dois reprendre le flambeau familial.
- Ca te plait ? demande-t-elle un peu gênée.
- Je suis sûr que je peux faire mieux que mon père. Mener l'entreprise là où je le souhaite, le hic c'est qu'il tire encore un peu les ficelles et je ne peux empêcher ça pour le moment.
- Vie familial compliqué ?
- J'ai dit pas de psychanalyse, répondé-je avec un léger sourire.
- D'accord, dit-elle en levant les mains en l'air, mais ce n'est pas ton nom qui te définit.
- Quand j'étais plus jeune, je voulais entrer dans l'armée pour faire les missions humanitaires, mes projets étaient moins ambitieux. Si je ne reprends pas les rênes, ça sera Jérémy et il n'est pas prêt pour ça. Alors que moi sans me vanter, j'ai les capacités pour faire changer les choses.
- Je trouve ça dommage que tu n'es pas suivi cette voie. « Sans me vanter »...à peine.