Chapitre 1 : Enfance

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J'avais prévu de ne pas me laisser faire. Et ma toute nouvelle amie, ma meilleure amie, Louise, avait beau essayer de me dissuader, je n'écoutais rien. Elle était si douce et gentille. Alors que moi...

Un jour, nous étions toutes les deux assises dans la cour de récréation et je montrais le bracelet de perles que j'avais fabriqué la veille à Louise. Je lui promettais de lui en faire un aussi et que ce serait notre bracelet d'amitié. Et, alors qu'elle s'enthousiasmait à cette idée, je vis dans son regard que quelque chose allait arriver dans mon dos. Alors je tournai la tête et je n'eus même pas le temps d'éviter le gros ballon de foot qui m'arrivait en pleine face... Je me retrouvai par terre sans comprendre comment et, quand Louise se pencha pour voir si j'allais bien, elle se mit à rire en se couvrant la bouche.


— Oh non, Dany, ta dent !


Je la sentais aussi, ma canine, celle qui bougeait depuis une semaine, elle pendouillait et saignait. Et mon si joli gilet rose à sequins, que je portais aussi souvent que possible depuis la rentrée, était taché.

En me relevant, je découvris Noah, cet imbécile, en train de courir en cercle en criant de joie comme un footballeur qui vient de marquer un but. Alors, furieuse, je courus après lui sans réussir à le rattraper. Son copain Clément était parti récupérer le ballon auprès de Louise. Et tous les deux nous regardaient nous ridiculiser devant l'école entière.

Du haut de mes 9 ans, pour la première fois, je détestais quelqu'un.

Et ça n'allait pas s'arranger !

Toute l'année de primaire n'avait été que chamailleries et coups en douce. Et plus on se détestait, plus nos meilleurs amis Louise et Clément se rapprochaient. Jusqu'à notre entrée en sixième où ils avaient commencé à sortir ensemble. Imaginez un peu l'enfer de ma vie quand j'avais réalisé que pour garder mon amie près de moi je devais supporter ce crétin de Noah. Car Louise et Clément étaient inséparables.

Pour accueillir la mauvaise nouvelle, bien que je sois heureuse pour mes amis, j'avais voulu marquer le coup. N'ayant jamais eu de vengeance à la hauteur de ma dent tombée, je m'étais préparée à lui rendre la monnaie de sa pièce. Toute la fin de la primaire, on m'avait appelé Chicot à cause de lui. Et il se faisait un plaisir de faire perdurer la tradition maintenant que nous étions au collège. Ce surnom ridicule me collait à la peau !

Alors, un matin, comme nous prenions le même bus et qu'il adorait s'asseoir à côté de moi pour m'embêter tout le long du trajet, une idée avait germé.

Noah montait le dernier, il le faisait exprès, pour que je ne puisse pas l'éviter une fois que toutes les places étaient prises. Et je l'attendais. J'avais mon piège en main, juste sous mon gilet posé sur mes mains... Comme toujours le garçon infernal avançait lentement dans l'allée, je l'ignorais ostensiblement. Et quand il s'installa à côté de moi, il passa un bras sur le dossier de mon siège et se pencha vers moi. Il avait le visage rond et le sourire espiègle. Tout le monde l'adorait, il n'était comme ça qu'avec moi. Quelle chance !


— Salut, Chicot, un petit sourire ?


Alors je me retournai et je souris. Il semblait perdu, il connaissait mon regard de petit démon aussi bien que je connaissais le sien. Mais il ne le vit pas venir pour autant.

Rapidement je soulevai mon gilet et m'empressai de renverser mon grand verre de jus d'orange sur son entrejambe. Il sursauta, se leva dans l'allée, les bras écartés et le jean dégoulinant du liquide jaune. Et je rigolai à gorge déployée en m'écriant haut et fort :


— Tu t'es pissé dessus, Noah !

— C'est pas vrai ! se défendit-il.


Pour cette année, j'avais gagné ! On l'avait surnommé « Pisse-Partout » pendant des semaines jusqu'à ce que les élèves passent à autre chose. Et, bien évidemment, ce surnom, c'était mon idée ! Il avait essayé de se venger, mais je me sentais toujours plus forte que lui.

Quelque part, je crois qu'on s'amusait beaucoup. Parce que ce petit manège avait duré durant toute notre scolarité. Même au lycée...

J'avais clôturé les jeux de gamins du collège par un coup de maître, en faisant annuler le cours de maths à cause de la boule puante que j'avais déposée dans son sac. L'obligeant à se débarrasser de toutes ses affaires irrécupérables ! Et il avait eu sa vengeance en me coupant les cheveux alors qu'il était derrière moi pendant les heures de colle qu'on nous avait données à cause de l'accident odorant que j'avais provoqué. Personne n'ignorait qu'on ne pouvait pas se sentir. Et les encadrants du collège ne savaient plus quoi faire de nous...

Quant à nos mères... Exaspérées par nos bêtises enfantines. Elles avaient eu besoin de s'expliquer tellement souvent à cause de nous qu'elles avaient fini par devenir amies. Je trouvais ça si étrange... tous ces gens qu'on avait rapprochés à force de se détester. Est-ce que c'était ça que ça voulait dire, « il n'y a qu'un pas entre la haine et l'amour » ?

Même pas en rêve #1 (à nouveau disponible)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant