Chapitre 28

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Plus tard, allongée dans le lit, sous le velux, à écouter la pluie tomber, j'entendis mes amis rentrer. Il était presque deux heures du matin. Plus que neuf heures avant que nous ne prenions la route. Avant de se dire au revoir.

Ils me pensaient endormie car ils chuchotaient tous. La seule voix que je n'entendais pas, c'était la sienne. Où était-il ? C'est pour répondre à cette question que je sortis de ma chambre sans bruit. J'espérais le trouver endormi dans le canapé, pouvoir le regarder et me préparer à nos adieux.

Mais Noah ne dormait pas, il était dans la cuisine, les coudes appuyés sur le rebord de l'évier, il remplissait un verre d'eau. Ses épaules basses, je n'avais pas besoin de lui demander à quoi il pensait, je le savais.

Je m'approchai sans faire de bruit, je voulais pouvoir l'observer, l'aimer du regard, sans qu'il sache tout de suite que j'étais là. Et puis, parce que le regarder ne suffisait plus, je m'imaginais poser mes mains doucement dans son dos, les laissant glisser sur sa chemise jusqu'à ce qu'elles se rejoignent devant lui. Il sursauterait à peine, se redresserait doucement sans se retourner. Et puis, il poserait ses mains brûlantes sur les miennes. Peut-être qu'en le voulant assez fort on pourrait rester ainsi, pour toujours. Peut-être que les arbres de cette forêt étaient autant d'amoureux incertains qui n'avaient pas su comment se quitter, qui étaient restés là, enlacés jusqu'à s'enraciner. J'avais besoin d'un peu de magie pour avoir la force de faire ce que je ne voulais pas faire. Pour me pardonner de ne pas avoir la force de vivre ce que je voulais vivre. J'étais de ceux qui vivent les moments de bonheur comme s'ils étaient les derniers, comme si rien n'irait plus jamais aussi bien que l'instant. Noah avait l'ambition des gens heureux, pour lui c'était le début de quelque chose de mieux. Si nous nous retrouvions à cet instant, si nos routes se rejoignaient, nous ne faisions que nous croiser.

Ce n'était pas lui qui m'avait brisé le cœur finalement, il m'avait fallu tout ce temps pour le comprendre. Mes blessures étaient vieilles, elles ne guérissaient pas parce que je ne me battais pas contre les bons démons. Mais c'est bien lui qui en payait le prix malgré tout.

Il se retourna soudainement et fut surpris de me trouver là. Je retenais mon souffle en attendant qu'il dise quelque chose. Et en même temps, devant son air triste, fatigué, je voulais l'épargner.


— Tu es là, souffla-t-il en enfonçant ses mains dans ses poches.

— Je suis désolée, dis-je doucement.

— Dany, on fait quoi maintenant ?

— Je pourrais te dire que c'est pas toi, que c'est moi et que je te souhaite de trouver quelqu'un...

— C'est toi que je veux, déclara-t-il en faisant un pas assuré vers moi.

— Ça devrait être aussi simple que ça tu crois ?

— C'est à nous de décider comment ça marche Dany. Est-ce que tu vois ce qu'il y a entre nous ? Parce que moi je le vois et ça me bouffe de passer à côté.


C'est vrai que ça a l'air facile. Il suffirait que je fasse un pas à mon tour. Quand il me parlait comme ça, sûr de lui, j'avais envie de le croire. D'aimer, d'oser, de vivre. Mais je ne savais pas me laisser guider par mes envies.

Et alors qu'il me regardait à nouveau, alors qu'il se rapprochait dangereusement jusqu'à poser ses mains sur le plan de travail de chaque côté de mon corps, m'emprisonnant entre ses bras, mon cœur devenait fou, presque douloureux. Comme une machine cassée, encrassée, que l'on force à accélérer. Je cherchai déjà une issue sans réussir à le quitter des yeux. Parce qu'il menaçait de m'aimer si bien que je me risquerais à lui rendre. De m'y perdre.

Même pas en rêve #1 (à nouveau disponible)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant