Même pas en rêve #1 (à nouveau disponible)

Chapitre 20

Maintenant j'avais mon info, mais qu'est-ce que ça changeait ? Rien du tout ! Je répondis un minable petit « OK » qui transpirait le malaise et je baissai les yeux. Que se serait-il passé si je l'avais su ? Rien. Le potentiel de cette histoire s'était consumé en une nuit il y a dix ans et aujourd'hui c'était fini. Noah abandonna l'idée d'une vraie réponse de ma part et remonta sur le quad. Je l'imitais et nous roulions en silence pour rejoindre nos amis. Et je me mettais à penser à tout ce qui pouvait nous séparer. La distance, déjà, parce qu'il vivait de l'autre côté de l'Atlantique. Le plaisir certain qu'il prenait à me faire enrager. Ce matin-là, celui où il m'avait brisé le cœur en me demandant de quitter son lit comme si je n'étais qu'un coup d'un soir alors que ça avait compté pour moi, vraiment compté... Tous ces éléments suffirent à éteindre la petite flamme dansant au creux de mon ventre.

Clément leva les bras au ciel en nous voyant. Il faisait comme s'il était soulagé, comme si nous avions mis des heures à les retrouver alors que Benji et sa copine étaient encore sur leur engin. Je descendis un peu à la hâte et j'abandonnai mon casque avant de rejoindre Louise. Elle me souriait tout en étalant une grande serviette ronde au bord du lac. On apercevait quelques personnes au loin, sur les rives de sable. Le lac s'étalant à perte de vue nous renvoyait la lumière éclatante du soleil. Si l'été était chaud, nous étions épargnés grâce à la fraîcheur de la forêt mais au bord de l'eau c'était différent. Je sentais ma peau se réchauffer alors qu'on s'installa pour manger. Pour ne pas donner plus de pouvoir à Noah ni inquiéter mes amis, je simulais ma bonne humeur pour m'accorder à l'ambiance générale. C'était facile avec eux, assez pour que j'y crois et que je finisse par vraiment apprécier l'instant.

— Et du coup, Noah, tu vas t'installer définitivement à Montréal ou tu comptes revenir par chez nous ? s'enquit Matthieu.

La réponse m'intéressait un peu trop.

— J'en sais rien, j'y réfléchis encore, je sais pas trop ce qui me retient de me lancer.

Noah était assis en face de moi, en tailleur. Il jouait avec un brin d'herbe. Et, quand il eut fini de parler, il leva les yeux vers moi l'espace d'une seconde. Nos yeux s'accrochèrent avec une intensité déconcertante, avant qu'il ne regarde Matthieu, qui continuait de parler.

— Et vous, alors, lança-t-il à Clément et Louise, vous avez fixé une date ?

— Ce sera sûrement pour l'été prochain, répondit Louise en souriant amoureusement à son fiancé.

— Petit ou grand comité ? interrogea Lucie.

— Petit : vous, nos parents, nos frères et sœurs et c'est tout. On aimerait que ça nous ressemble, simple et intime, expliqua Clément.

— Avec une robe de princesse digne d'un conte de fée, évidemment, précisa Louise en rigolant.

Justine posa sa main sur son cœur en faisant semblant de reprendre son souffle comme si elle était soulagée de l'apprendre. On rigolait de son mauvais jeu d'actrice en entamant nos sandwichs. J'avais hâte d'y être, on allait célébrer ça avec tellement de bonheur. Je les connaissais depuis déjà vingt ans... Je réalisai à quel point c'était dingue. Matt et Benji étaient tout aussi importants, même si on les avait rencontrés plus tard, comme leurs femmes. Mais nous quatre, Louise, Clément, Noah et moi, on avait grandi ensemble, on avait tout fait. Et alors que les amoureux s'embrassaient, je ne pus résister au besoin de regarder Noah, furtivement. Il les observait aussi, l'air heureux. Tandis que le petit groupe recommençait à parler de tout et de rien, ses yeux se plongèrent dans les miens. Il me regardait différemment maintenant qu'il m'avait avoué ce qu'il ressentait pour moi avant. Il n'était plus nerveux, il semblait libéré. Ce que je lisais dans ses yeux me faisait détourner les miens. Il me regardait comme il y a dix ans, je crois, c'était exaltant, comme une caresse suivie de frissons incontrôlables et délicieux. Mais c'était aussi effrayant.