Chapitre 27

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— Je le dirai à personne, murmura-t-il en me souriant.


Il en voulait encore mais c'était déjà trop tard. J'étais toujours moi, il pouvait m'emmener à l'autre bout du monde, j'étais cette foutue femme flippée.


— Noah...

— Je rigole, je m'en fous que t'aies envie qu'on se cache, je veux juste être avec toi.


Il m'embrassa encore. Et c'était si difficile pour moi de le repousser alors que j'adorai le toucher.


— Ça marche pas, dis-je en baissant les yeux, au bord des larmes.


C'était l'ascenseur émotionnel en moi. Son corps contre le mien, sa bouche sur la mienne, ça fonctionnait à merveille, mais ça ne pouvait pas durer. Je voulais me sentir en sécurité.


— On n'a jamais essayé, souffla-t-il.

— On peut pas, c'est perdu d'avance. Toi à Montréal, moi ici.

— Si c'est que ça, mon contrat prend fin dans six mois, je peux...

— Non, y a pas que ça. C'est tout le reste. C'est moi. Tu me fais peur, Noah.


Cette fois je pleurais pour de bon. Il caressa ma joue pour essuyer mes larmes avec douceur.


— J'ai peur aussi mais c'est normal. C'est que... C'est qu'on...


Il ne finit pas sa phrase, il ferma les yeux et appuya son front contre le mien. Je ne voulais pas qu'il le dise et lui n'en n'avait pas la force. C'était flippant, terrifiant même.

C'est qu'on se cherchait depuis toujours sans réussir à se trouver. Comme si on se croisait et qu'on se manquait sans cesse. Les occasions nous passaient sous le nez. On ne savait pas faire, on ne savait pas comment. Mais on s'aimait, c'était évident.

Noah se redressa, il ne s'éloignait pas mais je le sentais m'échapper quand-même. Il allait rentrer chez lui, moi chez moi. Et le temps passerait, encore. La différence, c'est qu'on n'était plus en colère. Tout avait changé. Avant on se battait l'un contre l'autre pour qu'il n'y ait qu'un gagnant. Mais ce soir on perdait tous les deux.

J'avais une réponse cependant. Oui, quand on se reverrait, ça lui ferait mal aussi.

Il resta dehors, sans me retenir, alors que je rentrai dans le restaurant pour rejoindre les autres. Je devais vraiment avoir l'air minable parce que Clément me vit arriver et ressentit le besoin de me prendre dans ses bras. Il me laissa me blottir contre lui sans poser de questions.


— Je te ramène au chalet ? proposa-t-il avec douceur.

 — Oui, couinai-je comme une enfant.


Je le laissai prévenir les autres, même Noah qui rentrait dans le restaurant avec le regard triste. Clément expliqua à Louise qu'il reviendrait la chercher mais que je devais rentrer parce que j'avais un peu trop bu. Dans la voiture, il me tendit un paquet de mouchoirs avant de démarrer. La nuit noire donnait un air lugubre à la forêt, ce qui s'accordait parfaitement avec mes sentiments contradictoires. Comment mes lèvres pouvaient encore brûler du désir manqué quand mon cœur saignait ?


— Tu te souviens du jour où on s'est rencontrés tous les quatre ? commença-t-il soudain.

— Tu veux dire le jour où j'ai reçu un ballon en pleine tête ? répondis-je en souriant, mes larmes s'arrêtant petit à petit.

— Celui-là oui, confirma-t-il en rigolant, nostalgique. Noah visait l'arbre au-dessus de toi, il espérait que tu allais lui renvoyer le ballon et jouer avec nous. C'était un bon plan pour un gamin de cet âge. Mais sa coordination motrice n'était pas encore au point.

— Tu veux dire que tu nous vois jouer à nous détester pour de faux depuis vingt ans, tu dois trouver le temps long ! dis-je en regardant par la fenêtre.

— Normalement c'est le moment où je sors toute ma sagesse d'homme heureux et amoureux pour te convaincre que c'est l'homme de ta vie blablabla...

— Mais tu sais comme moi que ce que tu vis avec Louise n'arrive pas deux fois dans une vie.

— Vraiment ? T'étais où le jour de notre rencontre ? Parce que moi je jurerai que c'est arrivé deux fois dans la même cour de récré.


Je l'observai, il était si calme et posé, je détestais cette foutue sagesse. Il décrivait une réalité que je m'efforçais de nier. Je ne voulais rien admettre, même si tout était là. Les certitudes, les émotions, les sentiments, les non-dits. Je savais tout, mais je n'étais pas assez courageuse. C'était trop grand, trop enivrant, trop. Trop, juste trop.


— Je ne suis pas le genre de fille faite pour ce genre d'histoire, dis-je tristement.

— Ce genre d'histoire ? Tu veux dire la vie ?

— Clément...

— Je ne crois pas qu'il faille changer pour vivre ce qu'on a à vivre. Je pense que tout est une question de timing. Et qu'il faut arrêter de vivre aujourd'hui pour hier et commencer à vivre maintenant pour demain.

— Qu'est-ce que tu racontes ? dis-je en riant alors qu'on arrivait devant le chalet.

— Je dis juste que le temps sait ce qu'il fait. Et que si c'est pas aujourd'hui, qui sait, ce sera peut-être demain.


Il se tourna vers moi, déposa un baiser réconfortant sur mon front et me donna les clés de la maison pour que je puisse rentrer en attendant le retour de tout le monde.


— Dany, personne ne t'en veut, personne ne te force, même pas lui. On t'aime, telle que tu es. Et aucun de nous, vraiment aucun de nous, insista-t-il en plongeant son regard dans le mien, ne veut s'éloigner de toi.

— Merci... soufflais-je en sentant mes larmes revenir.

Même pas en rêve #1 (à nouveau disponible)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant