Sa chambre était différente de ce que j'avais imaginé. Il n'avait presque rien accroché aux murs, laissant la douce peinture bleu ciel intacte. Et son lit était fait, rien ne traînait par terre. Son bureau était ordonné et le mur, face à son lit, meublé d'une gigantesque bibliothèque remplie de plus de films que je n'aurais pas le temps d'en voir en une vie. Et au milieu, dans la niche prévue pour lui, trônait un grand écran plat.
Je l'attendais debout près du lit, n'osant pas m'asseoir, un peu mal à l'aise. Il disait au revoir à ses parents, qui partaient pour le week-end avec son petit frère. Sa mère avait semblé surprise en nous voyant ensemble, en paix... Mais elle n'avait rien dit.
Noah remonta, les bras chargés de trucs à grignoter et à boire. Puis il lança le film dont il m'avait parlé. Zombieland.
Je n'avais jamais regardé de films de zombies, je n'aimais pas ça, j'étais bien trop trouillarde. Même s'il me promettait que c'était plus une comédie qu'un vrai film d'horreur, j'étais réticente.
— Tu sais quoi, je suis tellement sûr de moi que si tu n'aimes pas, je te laisserai m'appeler Pisse-Partout jusqu'à la fin de nos jours ! négocia-t-il.
— Parce que tu crois que j'ai besoin de ton autorisation ?
Il ne manqua pas de me sourire en plissant un peu les yeux.
— Bon alors disons que si tu n'aimes pas, je ne t'appellerai plus jamais Chicot.
— Ni Danielle ! ajoutai-je en tendant ma main pour sceller l'accord.
— Ok ! Mais pas le droit de mentir !
Alors il serra ma main avec fermeté et me gratifia d'un clin d'œil complice. Sa paume était chaude et légèrement moite. Assez pour trahir une certaine gêne... comme la mienne.
— Pourquoi tu n'aimes pas qu'on t'appelle Danielle ?
— Pour rien, laisse tomber, dis-je en me concentrant sur l'écran alors que le film n'avait pas commencé.
— Allez, dis-moi, je veux savoir, insista-t-il en me donnant un petit coup d'épaule.
Je n'avais même pas relevé que nous nous étions assis aux pieds de son lit, l'un à côté de l'autre.
— Ok, alors tu as le choix entre une explication sans contexte ou un mensonge, tu choisis quoi ?
— Quoi ? s'étonna-t-il en rigolant.
— Choisis ! Mon offre expire dans 3, 2 ... comptais-je en regardant une montre imaginaire à mon poignet.
— Ok, ok, alors sans contexte.
— C'est aussi le prénom de ma voisine, là où on vivait avant.
— J'ai bien peur d'avoir besoin d'en savoir plus !
— Cette demande fera l'objet d'une future négociation, dis-je en lui offrant un clin d'œil alors que c'était son truc.
— Nous avons les moyens de vous faire parler Miss Chicot ! me menaça-t-il avec un très mauvais accent allemand.
Il s'en rendit compte et se mit à rire en même temps que moi. Et puis, alors qu'il me regardait comme s'il attendait que j'en dise plus, comme si cette conversation était plus intéressante que son film, je sentis le besoin d'esquiver. J'avais le sentiment d'en donner trop à celui qui, hier encore, était plus mon adversaire que mon ami.
— Je ne me doutais pas que tu adorais m'écouter parler en fait ? dis-je, moqueuse.
Il détourna les yeux sans se défaire de son sourire communicateur. Et il appuya sur le bouton de sa télécommande pour lancer le film pour lequel, je l'oubliais presque, j'étais là.
— Bon maintenant je ne veux plus t'entendre ! m'ordonna-t-il en essayant de plaquer sa main sur ma bouche.
Il ne m'en fallait pas plus pour éclater de rire encore une fois. C'était si bizarre. Il avait le visage du garçon que je détestais, ses traits, ses attitudes, sa voix... Mais tout ce que je trouvais lourd – son humour un peu beauf, sa façon d'éclater de rire et de s'arrêter en une seconde comme un mauvais comédien, sa manie de se mordre la lèvre inférieure quand il était concentré – ne me hérissait plus les poils. Plus rien ne me donnait envie de le gifler...
Et j'oubliais doucement ma peine quand il me taquinait et que ça provoquait mes éclats de rire. J'oubliais qu'on ne s'aimait pas.
La nuit tomba, et on n'avait pas bougé de sa chambre depuis des heures. Je m'étais allongée sur son lit, sur le ventre et j'avais posé mon menton sur mes mains. Lui, toujours assis par terre au pied du lit, n'était qu'à quelques centimètres de moi. Il y allait crescendo dans l'horreur. Passant de Zombieland à Shining puis à L'Exorciste. Et là, alors qu'il était presque minuit, il lança Alien. Je crois qu'il s'amusait beaucoup à me faire peur.
— Bon, pour celui-là, je vais me mettre sur le lit aussi parce que je suis pas serein.
— Quoi ? Mais, attends, comment je fais si toi aussi t'as la trouille ?
— J'ai pas peur mais...
—Noah, sérieux...
Il me regarda, il sourit.
— T'inquiète, Chicot, je suis là.
Je souris en secouant la tête, amusée. C'était bien la première fois que ce surnom me faisait cet effet. Je sentais une complicité nouvelle qui naissait entre nous. On pouvait s'entendre, je crois qu'on pouvait devenir amis.
Amis... Si j'arrivais à ignorer la petite bougie qui brûlait au creux de mon ventre et qui rêvait de devenir un brasier sous ma peau. Cette flamme sauvage qui me faisait plus peur qu'un alien dans un écran.
Noah s'allongea à mes côtés et, alors qu'il essayait de trouver une position confortable, son bras frôla le mien. Je sentis des frissons s'étendre jusque dans le bas de mon dos. Depuis le début de notre soirée cinéma je me surprenais à l'observer en douce, je riais en même temps que lui, je guettais ses réactions.
Pourtant je n'aimais pas Noah, je détestais Noah. Je ne le supportais que parce que son meilleur ami sortait avec ma meilleure amie. Je détestais Noah. Et lui aussi me détestait.
On ne s'aimait pas du tout...
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Même pas en rêve #1 (à nouveau disponible)
RomanceAnciennement édité chez Édition BMR, à nouveau disponible gratuitement en intégralité. Danielle et Noah se disputent comme chien et chat depuis leur plus tendre enfance. Une seule règle : tous les coups sont permis ! Mais une nuit ensemble à la fin...