🌻 Chapitre 24- Imposteur ?

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Le reste de la journée s'est passée d'une telle façon que j'avais l'impression que le temps a été suspendu.

Durant tout ce temps, je n'ai cessé de pleurer toutes les larmes de mon corps en position fœtale sur mon pouf, tandis que mon cerveau rejouait absolument tout ce qui a été dit entre Joseph et moi. Et chaque phrase qui s'est rejouée m'a fait l'effet d'un pieu dans le cœur, alors qu'une sombre pensée émergeait petit à petit.

Celle dans laquelle je ne suis en réalité qu'un imposteur, une fille qui en prend la place d'une autre, et que l'on apprécie uniquement parce qu'elle fait office de remplaçante à celle que tout le monde aimait et qui a disparu.

Peu à peu, l'évidence m'a frappée. Quand Joseph, Taylor ou ma tante me regardent, ils regardent en réalité le substitut de Letitia Jones, dont la disparition a irrévocablement créé une faille dans l'équilibre de cette famille déjà précaire. Et cette pensée n'a fait qu'obscurcir davantage mon esprit.

Bon sang, qu'est-ce qui m'a pris d'en savoir plus sur cette affaire... Encore une fois, j'ai fourré mon nez là où je ne devais pas, et j'en paie maintenant les conséquences.

-Ça m'apprendra..., je dis en reniflant.

J'essuie à peine mes larmes que d'autres se mettent à couler. Malgré tout, je parviens à entendre quelqu'un toquer à ma porte.

-Joyce?

Je retiens un soupir. Il s'agit de Taylor.

-Hum?, je fais sans prendre la peine de faire une réponse cohérente.

-On va bientôt manger, tu viens?

Je ne peux m'empêcher de rouler des yeux. Ce que j'ai appris m'a tellement secouée que je ne me sens même pas capable de descendre les escaliers. Et c'est sans compter tous les mauvais souvenirs qui ne cessent de refaire surface: l'annonce de l'accident fatal de mon père, la réaction de ma mère face à cette terrible nouvelle, les jours de deuil qui ont suivi ce drame, le jour où ma mère a eu un arrêt cardiaque quelques années plus tard, son décès prématuré, sa mise en terre... Toutes les émotions liées à ces horribles événements que j'ai tenté de canaliser pour faire bonne impression me reviennent en plein dans la figure. En m'efforçant de rester cette jeune fille vive et plein d'esprit que mes parents ont connu, je n'ai pas pris le temps de faire correctement mon deuil. Mon obstination à vouloir tenir la promesse que j'ai faite à mes parents, à savoir de toujours rester fidèle à moi-même, me fait prendre cher. Aussi, quand j'ai découvert le sort de Letitia, cette cousine qui me ressemblait tant et que je ne rencontrerai jamais, et qui a disparu dans de terribles circonstances comme mes parents, j'ai subi une sorte de retour du boomerang.

Et tout cela ne fait que renforcer le sentiment que je n'ai rien à faire ici. Que je n'ai rien à faire nulle part. Mes parents sont morts. Ma cousine qui aurait eu le même âge que moi est morte également. Qu'est-ce que je fabrique ici, alors? L'impression d'être une escroc grandit de plus en plus.

A cette pensée, je me recroqueville davantage, cherchant à combler le moindre espace. La voix de Taylor me paraît alors comme un brouillard.

-Joyce... dis-moi ce qui ne va pas.

En levant légèrement la tête, je me rends compte que ma cousine est juste au-dessus de mon épaule. L'air soucieux, elle pose sa main derrière mon dos.

C'en est alors trop pour moi. Touchée par l'expression qu'elle arbore, j'éclate de nouveau en sanglots. Taylor me prend alors dans ses bras et je ne fais aucun effort pour y résister.

-Je veux rentrer à la maison, je dis à travers mes pleurs. Je veux rentrer au Minnesota...

Ma cousine fait des cercles dans mon dos pour tenter de calmer mes sanglots violents tout en murmurant des paroles que je n'arrive pas à percevoir. Mon chagrin et ma douleur sont si immenses que tout ce qu'elle me dit se noie dans cet océan de tristesse dans lequel je baigne depuis quelques heures.

𝐉𝐎𝐘𝐂𝐄 𝐌𝐀𝐑𝐓𝐈𝐍𝐄𝐙Où les histoires vivent. Découvrez maintenant