Prisonnière

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Sous mes lunettes rondes, j'ai la haine. La défaite de la semaine dernière a renforcé mon envie de victoire, ma détermination sans faille. Maintenant, je peux le dire, je suis la plus forte, ici.

Une semaine complète à m'entraîner tous les soirs sur n'importe quel objet pouvant recevoir un coup sans se briser, une semaine complète à visualiser mes mouvements la nuit dans mon lit, à les fluidifier mentalement.

Je suis prête pour mon deuxième duel, la corne jaunie sur mes poings peut en témoigner. J'en suis sûre pour une fois, la victoire sera à moi, je ne faillirait pas, je me battrais jusqu'au bout, je frapperais pour toutes les blessures que mon cœur à dû supporter.

Seulement, Alexandre étant à moins d'un mètre de moi, mon cerveau n'est plus en état de marche

Okay Viviane, ressaisis-toi purée ! Ne pense plus à lui. Tu ne vas pas compromettre ta réussite pour un blondinet excessivement beau et charismatique possédant des yeux et une musculature d'une perfection alarmante ! Bon, il est vrai que, décrit comme ça, Alex ne me donne pas très envie de me concentrer sur le cours.

C'est quand Jeremy annonce que nous pouvons passer aux duels que la petite voix dans ma tête accepte de la fermer, me laissant enfin un peu de tranquillité.

Je trépigne alors que l'on forme les groupes, trop heureuse de pouvoir enfin prendre ma revanche.

-Miel.. miel avec Mahault!

Déclare le professeur de sa voix tonitruante.

Mahault soupire, je fais de même. Effectivement, je n'aimerai pas être à sa place, elle aurait été plus chanceuse d'être contre une adversaire de son envergure, c'est-à-dire moi.

J'ai quand même l'impression que mon ego fait des siennes ces temps-ci.

-Lysandre avec... Alex. Non... Gaspard!

J'observe Alex souffler de soulagement. Ses cheveux blond vénitien brillent à la lumière du gymnase. Et ses yeux... si...

-Alex avec Vi tient ! Mettons les deux plus hargneux ensemble!!

Quoi?

PARDON ?!

Non. Non. Non.

Mon cœur se met à pulser violemment dans mes oreilles, la nausée s'installe au creux de mon ventre, se met à l'aise, nichée entre mes tripes. Je sens mes doigts fins se cramponner à mon sweat over-size, trembler de peur, se raccrocher inlassablement à mes propres habits pour résister à l'envie de me foutre des claques. Encore ce foutu stress qui ne cesse de me jouer des tours, transformant mon corps en une véritable boule de nerf sur le point de rendre son déjeuner.

Je prie un dieu auquel je ne crois pas, n'importe lequel, pourvu qu'Alex ait une soudaine envie d'aller aux toilettes et qu'il y reste assez longtemps pour m'épargner ce duel chaotique.

Trop tard. Il s'avance déjà vers moi, une lueur de défis dans les yeux. Je suis tétanisée, brûlée par son regard de glace, implorant mes jambes de tenir le coup, de ne pas lâcher. Je l'observe marcher d'un pas vif dans ma direction, contracter les muscles de ses jambes à chaque foulée, remettre une mèche rebelle à sa place d'un mouvement de tête gracieux. La boule au ventre, j'essaye d'enregistrer chaque petit détails de sa personne, de retarder l'instant fatidique où je perdrais mes moyens devant lui. Malheureusement, je ne possède pas de super-pouvoirs et, à peine ai-je cligné des yeux qu'il se trouve devant moi, avec son air nonchalant et un brin arrogant qui ne le quitte jamais.

Alexandre ouvre la bouche pour me parler, je retiens mon souffle, sûrement aussi rouge qu'un poivron.

-Je vais essayer de ne pas te briser en mille morceaux. Me lance-t-il, narquois.

Il faut que je réponde quelque chose d'intelligent. Vite.

-C'est pas un mec comme toi qui arrivera à me faire peur, Alex. Ce n'est pas bien de sous-estimer les femmes, le sais-tu ? Je me félicite intérieurement, assénant cette phrase avec assurance, un sourcil légèrement arqué.
-Je ne te sous-estime pas Vivianne, je dis juste que je serais galant avec toi. Après tout, ce serait dommage de casser ton petit minois fragile. Il contracte les muscles de ses bras, une expression de victoire plaquée sur sa figure parfaite.

Il faut que je détourne le regard si je ne veux pas devenir écarlate. Mais qu'il est doué pour me déstabiliser, cet imbécile ! Je décide cependant de me ressaisir, de ne rien laisser transparaître de ce malaise dans lequel il m'a plongée jusqu'au cou.

-Figure toi qu'un gars snob qui fait de la gonflette, ça n'est pas la chose qui me fais le plus peur ici. Je n'ai pas besoin de ta galanterie Alexandre, je sais me défendre. Ne retiens pas tes coups.

C'est comme si un vent glacial se faufilait entre nous. Le sourire d'Alex s'efface, il avance d'un pas.

-Si tu insistes, ne va pas te plaindre si tu as mal. Me rétorque-t-il, froissé.

Et en une seconde, je me retrouve plaquée au sol. Fais chier.

-Mais ça n'a même pas commencé ! Je geins tandis qu'il me maintient fermement les bras sur le sol. Franchement paniquée.

-Peu importe. Il souffle, son visage un peu trop proche du mien.

Les minutes semblent devenir des heures tandis que je contemple le visage d'Alex : sa bouche, sa mâchoire, son cou criblé de taches de rousseurs, percé en son milieu, pas sa fine pomme d'Adam. Plus rien n'existe à part lui et moi, même pas Miel qui doit être en train de se poser un bon petit tas de questions quant au mouvement impulsif de ce garçon un brin tactile avec moi. Peu importe, il est là, au-dessus de moi, ses billes de jades fusionnant avec mes yeux fondant au chocolat. Lui aussi il me dévore du regard, je peux sentir chaque millimètre de mon visage être sondé par ses profondes prunelles, un tunnel vers son âme.

Et puis, au-dessus de ma tête, ses doigts s'entortillent aux miens, avec douceur.

Ils emprisonnent mes doigts dans leur étreinte, tendre et tiède.

Ils emprisonnent mes doigts dans leurs étreintes.

Ils emprisonnent mes doigts.

Ils emprisonnent mes doigts.

Et soudain, c'est trop. La frayeur me gagne, je n'aime pas être là, sous lui, incapable de bouger mes bras. Je regrette aussitôt mon moment de faiblesse, essayant de me relever brusquement, le souffle court.

Mais c'est impossible, sa poigne est bien trop forte pour moi, tandis que j'essaye d'échapper à sa prise, je sens qu'il me détaille, amusé. C'est est trop, je me retiens d'exploser là, entre ses bras.

-Alexandre, lâche-moi tout de suite. J'articule entre mes dents, luttant contre la fulgurante colère qui menace de prendre possession de tout mon être.

ON VEUT TOUS VIVRE T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant