PARTIE 2: Forte?

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Je ne veux pas.

Pas maintenant.

C'est trop tôt.

Trop tôt pour le revoir, lui et ses beaux yeux verts, ses petites billes de jade polies par l'eau de mer.

Trop tard pour faire demi-tour, pour esquiver le regard perçant de la charmante Miel, toujours accompagnée de ses éternels cheveux blond platine.

Et moi qui pensais me libérer de tous mes problèmes avec ce sport de combats, ils ne font que de me suivre partout où je vais, ces enfoirés.

Devant moi se trouve le combo gagnant pour me faire péter les plombs: Alex et Miel (prononcé d'un air snob et en accentuant le « l »). Je ne peux pas m'empêcher de jeter un regard sur Alex.

Il est si beau.

Non.

Stop.

Ne plus penser à lui.

Je suis devant la porte du gymnase, tétanisée, mes cheveux longs réunis en un chignon fait à la va-vite. Démunie, je scrute les murs de l'édifice, à la recherche d'une faille, n'importe quoi pourvu que je puisse sortir de cet endroit à la chaleur déjà étouffante, loin des regards méprisant que je sens sur mon corps trop maigre. Je le savais. J'aurais dû réfléchir. Comment ai-je pu me laisser emporter par cette soudaine euphorie qui, un matin, après des semaines d'absence continue, pris possession de moi, me poussant à signer ces foutus papiers d'inscription ? J'était aveuglée par ce sentiments qui n'étais que passager, la preuve, en ce moment même, je suis aussi fringante qu'un mollusque. Oui, ce jour-là, j'aurais pu soulever des montagnes, prendre un rasoir et me faire la plus étrange des buzz cut -encore une de mes lubies d'un matin- mais, après une longue période de réflexion, j'en viens à la conclusion que s'écouter n'est pas toujours, pour ne pas dire jamais, bénéfique.

Dire que je suis mal à l'aise serait un euphémisme, j'ai littéralement envie de me rouler en boule et de fermer les yeux ou de m'enfuir en courant. Seul problème, la dignité qu'il me reste me hurle d'avancer.

Alors, c'est ce que je fais. Je traverse la salle, recroquevillée, me place dans un coin, salue le professeur, suit à la lettre les exercices de gainage, prends étonnamment du plaisir à rester en planche, à sentir mes abdos se contracter. Etirements, pompes, planche, je ne réussis jamais à tenir jusqu'au bout mais je suis contente, je me surpasse. Et ça fait du bien.

Je bouge. Mes bras comme des chewing-gums, je touche mes pieds, les étends vers le ciel.

Mon ventre comme du béton,

tendue comme un bâton,

je souffle et inspire.

Et expire.

Et je pleure presque par ce que c'est dur.

Puis je lâche, m'étends sur le sol en avance, alors que tout le monde tiens encore.

Mais, pour une fois, des autres je m'en fous.

Après plusieurs exercices de gainages qui semblent durer une délicieuse éternité, nous pouvons enfin procéder à la partie combat. Sous les ordres du professeur, j'ouvre lentement les yeux, déjà essoufflée, le corps éprouvée par l'effort. La lumière du jour me pénètre les yeux, la réalité m'englobe à nouveau. Malheureusement.

Mais ce n'est pas fini.

Le punching-ball attends, m'attrait. Pendant quelque minutes qui me paraissent durer le double, nous nous voyons attribuer les sacs, chaque élèves se dirigeants avec empressement vers le sien.

Finalement, un boudin rouge pendu au milieu de la salle est décrété comme le mien. Je baisse le regard tandis que je fais le trajet de mon coin douillet à cet endroit plus qu'exposé, la tension me gagnant peu à peu.

Les heures qui suivirent furent consacrées à taper, taper, cogner, cogner, castagner, castagner, apprendre à taper, cogner, castagner. A force, mes poings sont douloureux, je sens mes phalanges se raidir à chaque coups, se meurtrir un peu plus. C'est étrange mais j'aime ça : avoir un total contrôle sur ses gestes, d'autant que je me révèle être particulièrement douée. Sûrement un trop-plein de rage qui essaye de sortir, rendant mes mouvements un peu plus précis et puissants de mouvements en mouvements.

Alors, grisée, je m'applique à dégommer du mieux que je peux le sac de frappe en veillant à dédier un coup de poing pour toutes les personnes qui m'on fait souffrir. En tout cas, c'est ce que Jérémy, le prof, nous à dit. Et il a raison.

Et pan Alex !

Et pan Lilou ! Laurie ! Léna ! Léanne !

Et pan Robert ! Corine-la-menteuse !

Et pan Miel !

Et pan ! Pan ! Pan ! Pan !

Je ne m'arrêtes plus. Je suis libérée d'une rage puissante qui m'arrache un cri à chaque tentative de détruire ma cible.

A cet instant précis, je me sens comme un battante.

Ou peut-être est-ce ce que je suis ?

ON VEUT TOUS VIVRE T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant