Vacances en Provence

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La Provence et ses supposés champs de lavandes, et ses cigales tout au long de la journée. La Provence et sa canicule, et cette maison jaune et orange. Et ces volets verts. Ceux qui, dans mon enfances me paraissaient si beaux, mais que maintenant, j'exècre.

Les vacances comme un consolation, cette maison comme une damnation.

Ça aurait pu être bien si Corine la menteuse ne s'était pas mis en tête de m'accompagner dans mon petit paradis de sud, loin de mes terres de campagne. Mais cette bâtisse, c'est son histoire, c'est son enfance. Pour rien au monde elle ne raterais une occasion de la retrouver. Et puis, je la soupçonne aussi de vouloir secrètement renouer avec moi.

Mais les liens ont été scindés, rien ne sera plus jamais comme avant. La mère a perdu la confiance de sa fille, de la chair de sa chair qui, désormais, ne lui appartiens plus. Les secrets ont été dévoilés, le rideau tiré.

Le reste d'innocence qu'il me restait,

envolé.

Et pourtant, ça ne me fait ni chaud ni froid. Comme si, pendant tout ce temps, je m'étais habitué à cette distance et que, d'un coup, elle se serait confirmée sans que cela ne change rien. Le fil qui, jadis, nous reliait a été usé par la mer et ses remous salés, par les mensonges et les faux semblants. Il s'est lamentablement rompu et elle ne veut pas l'accepter.

Malgré tout, ça fait quand même trois jours que, coincée entre les murs pétants et les oliviers, je dois supporter ma mère et ses vaines tentatives pour recoller les morceaux.

Enfin, pour recoller les miettes.

Entre les randonnées sous le soleil ardent, les explorations d'Aubagne et les barbecues près des cigales, je n'ai pas le temps de m'ennuyer, le programme de Corine est chargée et je n'y échapperais pas. Son sourire factice et ses mimiques mielleuses me colleront jusqu'à la fin du séjour, comme si on m'avait trempée dans du sirop d'érable et qu'on m'aurais balancé des plumes d'hypocrisie dessus. Elle ne s'en iront pas avant un bon moment.

***

Il pleut des cordes, c'est ce que j'ai constaté en sortant de mon lit plus dur que de la pierre. La bonne odeur de lavande s'est fait balayer par celle d'herbe et de chien mouillé, de cave inondée. Instinctivement, je souffle de soulagement : aujourd'hui, pas de comédie, pas de sorties inutiles destinées à me ramollir le cœur. Je suis tranquille.

Un sourire plaqué sur le visage, j'émerge doucement de mon sommeil, m'étire le dos et les bras puis pose un pieds sur le carrelage tiède de la chambre d'amis. Pour une fois, je suis chez moi, en Provence, sans devoir me préoccuper de qui que ce soit, comme au bon vieux temps.

Dans un élan de nostalgie, je me remémore l'année de mes huit ans que j'ai passée ici. Juste fabuleuse. Il y avait mes cousins, ma mère qui, à l'époque ne s'était pas faite larguer par Robert et mon chat, Eos, qui ressemblait à un lion. Nous nous étions tellement amusés que je n'avais pas vu la semaine passer. La famille au complet, nous passions des nuits à contempler la voute céleste et ses constellations. Les étoiles brillaient plus que partout ailleurs dans cette immensité sombre, nous illuminaient de leur céleste lumière. Nous riions et guettions les étoiles filantes tous les soirs. Bien sur, elles étaient toujours au rendez-vous, laissant des trainées argentées dans cette toile noire tendue au-dessus de notre tête.

Et nous nous prenions les mains pour faire un vœux.

A chaque fois, j'ai souhaité d'être heureuse. Avec ferveur et émotions, je hurlais dans ma tête ces mots.

Je veux être aussi heureuse que je le suis maintenant.

Je serais les mains de ma mère à les lui briser, mêlant mes doigts aux siens, preuve de mon ultime confiance. Elle me frottait les bras avec vigueur pour me réchauffer, je me lovais au creux de sa poitrine, profitant de sa chaleur maternelle. Et dans la pénombre, je souriais de toute mes dents avec la fabuleuse impression que ma cage thoracique allait exploser de bonheur.

Mais les vœux des enfants ne se réalisent que très rarement.

Et moi aussi, pour tout au monde, je veux être aussi heureuse que je l'étais à l'époque.

Mais de ces années-là, il ne me reste que cette maison et une mère corrompue, qui a failli à sa mission.

ON VEUT TOUS VIVRE T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant