Corine et la trahison

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Je vomis mes tripes, ça ne s'arrête jamais. Le cœur secoué, les yeux embués et la cervelle broyée, je me vide du contenu de mon estomac sur le carrelage grisâtre, trop peu consciente de ce que je viens d'entendre. En fait, je ne sais même pas ce qu'il m'arrive, je ne réalise pas que les paroles de Robert viennent de détruire ma vie et tout ce qu'il me restait de beau : la confiance.

Trahie.

Je viens de me faire berner en beauté par celle que j'appelle « maman ». C'est ce à quoi je pense avant de basculer sur le sol froid taché de bile, perdant connaissance. Mon monde tourne, bascule et devient flou. Quand ma tête heurte une surface dure, c'est comme si on m'entortillait la tête dans un drap : juste cette lumière diffuse et feutrée, juste des acouphènes et l'air qui me manque. Je rouvre les yeux, tout est toujours aussi sombre. La seule chose que je parviens à distinguer et la silhouette de ma mère, en chemise de nuit et se tenant dans l'encadrement de la porte, restant immobile en me fixant.

La pénombre prends possession de tout mon corps, je perds instantanément mes esprits, me laissant submerger par cette douleur qu'est celle d'un cœur brisé.

***

Ma mère est un fantôme, plus que l'ombre d'elle-même. Depuis deux semaines, elle fait comme si je n'existais pas, surement pas assez courageuse pour me parler en face. De toute façon, ça m'arrange. Après le choc que je viens de subir, je n'ai aucune envie de recevoir des explications décousues et maladroites de la part de la fameuse Corine-la-menteuse.

Pour ce qui est de moi, mon hygiène de vie se résume à : me lever, ne rien manger, bus, collège, manger, rentrer, réviser, manger, se doucher, dormir. J'exécute toutes ces actions sans m'en rendre compte, comme un robot programmé pour ça. Je ne suis ni triste, ni en colère, ni rien. Et pour une fois, ça me convient : la douleur n'est pas conviée à la fête et j'en suis bien heureuse. Non... Heureuse ne serait pas le mot approprié. Je rectifie : et j'en suis bien... rien.

De toute façon, cet événement n'étant qu'un grain de sable dans le désert des trucs qui me font chier, je vais faire comme si rien ne s'était passé, m'enterrer vivante dans le cimetière du déni et attendre de retrouver une mère loquace bien que distante. Oui, j'ai décidé de faire comme si de rien n'était, de passer au-dessus de cette trahison.

Oublier pour mieux vivre, telle est la chose que j'ai décidé de faire. Effacer la cruauté d'Alex, la lâcheté de ma mère, l'immense colère de Robert et l'absence de celles que je considérais comme mes meilleures amies.

Amnésique de la douleur comme de la joie, je joue avec la tempête, je surfe sur le tsunami.

ON VEUT TOUS VIVRE T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant