Doute, adrénaline, frustration.

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Aujourd'hui Jérémy a dit que c'était un jours spécial. Je ne vois pas comment, étant donné que nous nous trouvons dans la salle de danse, c'est-à-dire autre part que dans le gymnase, c'est-à-dire sans punchingball. Conclusion : nous n'allons pas frapper, conclusion : je ne vois pas comment ce cours pourrait être catalogué de spécial.

Toujours à l'écart, les bras croisés et la bouche légèrement retroussée vers le bas, j'attends des explications : la raison qui pourrait justifier le fait de me priver de mon havre de paix hebdomadaire.

-Bon, entonne Jeremy, visiblement de bonne humeur, aujourd'hui, on va passer à la vitesse supérieure. Je pense que vous vous en doutez mais, vu l'énorme progression de votre groupe, nous pouvons passer à la pratique.

La pratique ?

-Les duels, quoi. Ils prononce ces trois mots avec un sourcil légèrement arqué, sa voix rauque de fumeur emplie d'excitation.

Une rumeur d'approbation de la part des adolescents se répands instantanément. Dans ma tête, c'est la fête. Si je le pouvais, j'aurais sauté au plafond tant je sens on cœur se gonfler de joie.

La rumeur se transforme bientôt en un brouhaha incontrôlable, le sifflet du prof retentit. Silence. Il énumère alors les élèves et leurs binômes, lentement, avec concentration, chacun de ses mots accompagnés d'une réaction de la personne appelée.

Lily et Elena, numéro 13.

Clémence et Lison, numéro 9.

Ysée et Lucia, numéro 7.

Matteo et Tessa, numéro 2.

-Vivianne et Mahault, numéro 1. Les premières.

Je sursaute. Ne réagissant que lorsque la Mahault en question, une fille de mon âge aux cheveux roux courts et bouclés, me donne une tape complice sur le dos, accompagnée d'un chaleureux :

-Bonne chance Vivianne !

Je lui souris. Elle tourne les talons, non sans un dernier regard de défi camouflé sous un air complice, ses yeux bridés me mettant déjà KO. Je la suis vers le ring improvisé en nouant mes gants, légèrement inquiète : je sais que Mahault est particulièrement forte. D'un seul coup, je redeviens la petite Vivianne, faible et insensible, au cœur bien trop tourmenté. Assaillie d'une déferlante de doutes, j'hésite à déclarer forfait avant que le duel ne commence, à baisser les bras, lâchement. J'ai tellement peur d'être humiliée par cette fille bien plus confiante que moi que j'en oublie la détermination que je m'étais forgée jusqu'à maintenant.

Je suis censée être forte !

Mais ce n'est pas le cas. Alors, quand le coup de sifflet retentit, molle comme une poupée de chiffon, je me laisse frapper à pleine puissance, j'encaisse sans un bruit, incapable de riposter. La douleur fuse, m'empêche d'émettre le moindre son. Ma tête est ballotée d'un endroit à l'autre, guidée par les poings de mon adversaire. Je ne comprends plus rien, je ne sais plus où je suis. Malgré tout, mes pieds sont encrés dans le sol, je me tiens debout, presque fière.

Bam.

Un choc plus fort et douloureux que les autres me fait perdre pieds. On vient de me frapper le nez, la souffrance m'assaille. Je sens, toujours en proie à Mahault, le sang me couler dans la bouche.

Soudain, adrénaline.

Je peux le faire. Je n'ai pas envie de me faire battre sans n'avoir rien tenté. Ce n'est pas pour rien que l'on m'admires dans ce cours, je suis forte. Peut être pas plus que Mahault, mais je sais que je peux lui asséner un coup aussi puissant que le sien.

Allez, c'est parti.

Je me lèves d'un coup. J'évites. Envoutée par le gout du sang sur ma langue, je lance mon bras dans la direction de mon opposante. Mouvement droit et précis. Elle reçoit mon point de plein fouet mais n'est pas déstabilisée. Elle me rends mon coup, violente. Je tombe sur le coccyx.

Je n'ai pas pu le faire.

Ce fut courts, mais assez pour me prouver ma terrible impuissance, moi qui me trouvais douée et impitoyable. Je me suis fait battre lamentablement, dans un terrible silence. Lorsque Mahault me tends la main pour m'aider à me relever, je garde le regard vissé au sol et me relèves sans son aide.

Tout ce qu'il se passe après, je ne m'en souviens plus, baignée dans un océan de frustration, faisant la croix sur ce qu'il pouvait se passer autour de moi. 

Quelle défaite décevante.

ON VEUT TOUS VIVRE T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant