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Nous venions à peine d'arriver lorsque j'aperçus deux voitures stationnées non loin de la bâtisse rectangulaire et enflammée d'éclat orangé. Je me précipitai vers la porte principale, laissant Simon derrière moi. J'accédai sans hésiter à la demeure. Je vis Salvatore, assis d'un air las, un verre de liqueur suspendu à sa main gauche et faisant face à un parfait inconnu. L'homme de dos avait un crâne aussi vide qu'un œuf et un géant tatouage dessinant un serpent à la tête de mort. Le regard de Salvatore se posa sur moi, encore que j'aurais aimé que ce soit ces yeux avec lesquels il m'eut regardée ce matin mais je n'eus qu'un simple regard rempli de colère. Il m'ordonna:
- Monte dans ta chambre!
Toute l'excitation qui m'animait s'éteignît tel un feu de bois au lever du soleil. Je le regardais avec incompréhension, plongée dans un mutisme assez troublant. Je recouvrai mon sens du langage lorsque l'homme assis en parallèle de Salvatore se retourna pour sans doute savoir à qui cet animal s'adressait. Car oui, il ressemblait à un animal à cet instant précis, un vrai loup. L'inconnu prit la parole:
- Tiens tiens tiens, alors c'est elle que tu essayais de me cacher, parrain?
- De quoi vous parlez monsieur? lui adressai-je malgré moi.
- Il ne t'a rien dit ma poulette? fit l'homme d'un sourire sadique lui traçant des dents plaquées d'or et d'argent.
- Oscar! s'écria Salvatore, encore plus énervé.
- Ah monsieur le parrain enfreint les règles de la Familia et nous on doit la fermer? répliqua-t-il en frappant brutalement sur l'accoudoir du canapé.
Le fameux Oscar semblait rouge de colère. Il reluquait Salvatore avec un tel dédain que j'eus cru un instant qu'il l'étranglerait. Je me tournai alors vers lui.
- De quoi il parle ? demandai-je.
Salvatore ne me répondit pas et se contenta de répéter d'un ton ferme :
- Monte dans ta chambre!
- Réponds-moi d'abord! m'exclamai-je les yeux remplis de larmes.
Il ne plaça aucun mot. J'entendis alors la voix de Simon me parvenir de derrière.
- Calmez-vous , émit-il . Faites ce que mon parrain vous dit.
- Non ferme-la! fis-je hystérique. Et toi tu vas m'expliquer tout c'bordel? continuai-je en fixant Salvatore.
- K..., parut-il hurler très coléreux.
Il dut se taire pour voiler ma véritable identité à cet homme. À coup sûr l'eus-je cru.
- Moi je vais t'expliquer Bella. Alors ton cher sauveur n'est qu'un putain de merdier de maf...
          Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que Salvatore lui tira une balle en pleine tête. Le sang de l'homme éclaboussa les meubles et le canapé qui autrefois étaient d'une blancheur irréprochable. Je ne compris rien sur le coup. J'avais les yeux grands ouverts et bon sang! Comment a-t-il fait pour si vite s'emparer de son arme?

Je tremblais. Je ne le reconnaissais plus. Mes larmes coulaient à perte de vue et je ressentis le besoin de m'abreuver. Ma gorge était plus déshydratée que le désert du Sahara et elle me picotait légèrement. Je ne bougeais pas. Je ne parlais pas. Je ne respirais pas enfin l'eus-je pensé. Je vis Salvatore se rasseoir, plus calme qu'avant et ressaisir son verre de scotch. Il en prit une gorgée et ordonna à ses gorilles positionnés juste aux extrémités de la porte principale de se charger du corps.
- Et toi Simon, t'attends quoi? ajouta-t-il.
- Euh... Rien mon parrain. J...j'm'en allais déjà, dit-il d'une voix instable.
      Ses pas martèlent le sol pour s'estomper finalement dans l'infinie surdité...

Quant à moi, j'essayais de ressasser les beaux souvenirs de ces derniers jours pour éviter de me mettre à l'évidence que Salvatore n'était pas celui que je pensais être. Mais rien à faire! Le corps sans vie de l'homme me fit sortir de mon déni. Il prit la parole et j'entendis ces quelques mots juste avant de tomber dans les pommes:
- Te voilà enfin Jerry!
Jerry? Qu'est-ce qu'il fait ici? Je n'eus pas le temps de réfléchir que toute énergie me quitta. Je fus transportée dans un monde où nulle pensée ne saurait tenir ne serait-ce qu'une tierce, l'inconscient.
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- C'était horrible, fis-je en baissant les yeux. Tuer un homme de sang froid, c'est...
- Pétrifiant! compléta Lauren.
- Effectivement, pus-je dire. Surtout quand l'on n'a pas demandé à assister à une telle atrocité.
- Ça a dû te faire un choc, remarqua Lauren. Enfin si je ne m'en abuse.
- Je mentirais si je disais le contraire. En effet, il a suffi que je traverse des expériences traumatiques pour en être là aujourd'hui. J'avoue par ailleurs que cette séquence de ma vie m'a apprise énormément de choses. Et...
- Et ? questionna Lauren face à mon soudain silence.
- Rien d'important.
- Je l'espère!
- Continuons, repris-je.
- Tu as toute mon attention!
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Je régressais.

Je me sentais transportée dans un trou noir. Au bout, un éclat de lueur m'interpellait. Une symbiose tantôt synergique tantôt énergique s'opérait en moi. Je ne voulais pas rejoindre le côté obscur.
Je criais sans être entendue.
Je sanglotais mais personne pour me réconforter.
Je priais mais aucun Dieu pour m'exaucer.
Où étais-je? Dans le Néant? Dans la Mort? Dans la Vie? Ou juste entre les deux?

Je n'en avais pas conscience. Ou du moins j'étais tout simplement inconsciente.

Soudain, une vive sensation s'empara de tout mon être. De la chaleur. De l'air pur. De la lumière. Je revivais. Telle une fleur au gré du printemps, je m'ouvrais lentement au monde. En d'autres termes, je me réveillais finalement.

Mes yeux tombèrent net sur une pièce vide et complètement froide. Je passai au peigne fin l'endroit. C'était bel et bien ma chambre. J'essayai de me redresser mais une terrible migraine s'empara de moi. Je me sentais un peu amnésique sans pour autant oublier que la cause de mon état était Salvatore.
- Aïe! maugréais-je en tenant ma tête dans la paume de ma main.
      J'étais assise sur le bord du lit et vis que je n'étais plus dans la même robe qu'hier. Je vêtais une robe ample et très banale.
Je tentai de me lever mais à peine j'eus tenu cinq secondes sur mes pieds que je m'écroulai au sol. Le tapis en fourrure noire sur lequel je m'abattis quelques instants plus tôt recueillait mes larmes qui s'étaient mises à couler sans raison. Pourquoi diable suis-je tombée?
Je réessayai de plus belle de me relever mais je me retrouvai une fois encore à ras le plancher. Je fondis en larmes appelant à l'aide et en me torturant psychologiquement. Le fait que je n'arrivais pas à marcher pesait sur ma conscience. En même temps, ces jambes ne me servaient pas à grand chose, dus-je penser pour me consoler. Je continuais tout de même à crier jusqu'à ce que quelqu'un m'entende. Le poignet de la porte s'affaissa et laissa paraître un bout d'humain. Je pus identifier l'individu. C'était Jerry. Il vint m'aider à me relever et je ne sus m'empêcher de lui poser cette fameuse question qui me trottait à l'esprit depuis ma première collision avec le sol.
- Dis moi, pourquoi je n'arrive pas à marcher? questionnai-je , inquiète.

Il me fit m'asseoir sur le bord de mon lit d'une manière très délicate avant de prendre place à son tour juste à côté de moi.
- Vas-y réponds-moi! repris-je encore, désespérée et en sanglots.
- Le médecin viendra t'examiner et nous saurons pourquoi et comment cela est possible mais pour l'instant tu ferais mieux de te calmer.
- Me calmer? vociférai-je. Tu me dis de me calmer alors que j'arrive plus à me servir de mes putains de jambes? Et si je pouvais plus marcher? Tu y as pensé ? Mais bien sûr que non! Tout le monde s'en fout de Kara. Je ne suis qu'un fardeau pour toi et ton satané pote de merde. D'ailleurs où se trouve-t-il ce meurtrier? Salvatore! Criais-je à gorge déployée. Où tu te caches maudit assassin? Sors de ta planque fumier!
- Ferme-la Kara! asséna Jerry plus ou moins calmement. De toute façon, il ne t'entendra pas.
- Ah oui? Je compte crier et même en perdre ma voix jusqu'à ce qu'il entende tout ce que j'ai à lui dire.
- Tu t'fatigues. Il est déjà parti. Tôt c'matin, il est rentré à Mexico.
        Jerry se leva sur ces mots, la mâchoire crispée d'agacement. Je restais bouche bée et n'arrivais toujours pas à en croire mes oreilles. Il était vraiment parti. L'avais-je donc perdu pour de bon? Ou Jerry se moquait tout simplement de moi? Pourtant, il n'en avait pas l'air.
Je le voyais se diriger vers la porte d'entrée.
- Jerry, attends! me permis-je de dire d'une voix tremblante témoignant que j'allais bientôt me mettre à chialer.
         Il s'arrêta mais ne se retourna cependant guère. Je continuai:
- Toi aussi tu t'en vas?
- Non. Pas sans toi je suppose.
   Ses paroles me soulagèrent quelque peu même si j'aurais aimé que ce soit lui qui me les dise et non lui. Mais bon, à quoi je m'attendais réellement de la part de Cupidon? Il m'a toujours détestée cet enfoiré...

Je réunis le peu d'amour et de reconnaissance qui semblaient encore présents dans mon cœur pour juste remercier Jerry.
- Repose-toi! fit-il avant de définitivement disparaître sous mes yeux remplis d'amertume.

Plus rien ne m'empêchera désormais de haïr l'amour.

ImpostorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant