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[Kara]

Existait-il un passage secret dans ma propre maison sans que je n'en connaisse l'existence? Possible.

L'incertitude rongeait le peu de lucidité que j'avais réussi à sauver de ma nuit blanche. Ce café n'était pas assez fort pour m'empêcher de somnoler sur mes idées que j'essayais d'arranger depuis un bon moment.
Je baillai, sentant la fatigue alourdir mes paupières. À ce moment, Raya débarqua dans la cuisine. Il était presque sept heures. Et Kara Jackson ne se réveillait jamais avant sept heures sans raison valable.

La quinquagénaire sursauta en entrant dans la pièce. Je n'imaginais pas la vue horrible qu'elle aurait dû avoir. Un épouvantail assis  sur l'îlot central, dans le noir, comme pour invoquer des zombies épouvantails. Ok! Je commence à délirer là.

- Par tous les Saints du Ciel! Kara! se récria Raya en posant dramatiquement la main sur sa poitrine.

Je roulai les yeux à quelques secondes près avant qu'une lumière orangée et tamisée ne soit vomie par les luminaires plafonniers. Je soupirai et sans répondre, je pris une gorgée de mon espresso.

- Ou je suis juste dans un cauchemar? reprit-elle.

Je secouai mollement la tête puis ingurgitai une nouvelle goulée.

- Tiens! débutai-je en descendant du plan de travail. Tu crois qu'il y aurait des entrées secrètes dans la maison?
- Quelle maison? croisa-t-elle les mains sur son ventre.
- De quelle autre maison veut-il qu'il s'agisse?
- Ah! Celle-ci? gloussa-t-elle comme si j'avais fait la blague de l'année.
- Finalement, laisse tomber! soufflai-je en allant déposer ma tasse dans l'évier. Tu t'en occuperas pour moi, s'il te plaît?

Un bâillement s'incrusta à la terminaison de ma phrase et ôta une fois encore un rire léger à Raya.

- Va te reposer! Je m'en charge. Et pour ta question, je ne pense pas qu'il y ait une entrée que tu ne connaisses pas encore.

J'acquiesçai tout simplement en la regardant fixement. Je coupai court à mon analyse et sortis de la cuisine. J'étais partie pour une longue grasse matinée, la porte de ma chambre close à double tour et toutes les fenêtres scrupuleusement couvertes. Et mon cher vase était posté à de maigres centimètres de mon lit, sur la commode.

*

15 heures

Je me réveillai en totale panique après avoir senti ma respiration s'interrompre dans mon sommeil. J'avais très rarement des apnées. Enfin, mon cerveau décidait de faire économie d'air et d'énergie aussi longtemps et fréquemment qu'il lui chantait. Cela n'arrivait qu'une fois sur trois. Et aujourd'hui, c'était l'une de ces rares occasions. Rien que pour ça, je haïssais mon cerveau.

Je passai sèchement les mains dans mes cheveux, une goutte de sueur perlant entre mes seins. Ma gorge était déshydratée, mes lèvres gercées Il faisait chaud. Très chaud. C'était anormal. L'air conditionné avait cessé de marcher. Mon cœur fit un soubresaut quand du coin de l'œil, je perçus une fleur dans le vase. Près des marguerites, blanches et fébriles, une rose rouge foncée s'était incrustée. Encore. Le sentiment d'étouffer, d'être empêtrée et effroyablement tourmentée s'introduisît dans mon estomac qui, à son tour, tomba à mes pieds, sous mes draps crèmes. J'avais la réelle impression d'être un rat de laboratoire sur lequel on menait une expérience. Quelqu'un testait ma patience. Il testait ma patience. Il me harcelait. Voilà le mot juste. Et il s'y donnait un malin plaisir. À sa place, je ne me sentirais pas moins. J'étais déroutée. À deux doigts de devenir tarée, pour être honnête. Et la sueur n'arrêtait pas de dégouliner de mes pores telle du miel dans une ruche. Je m'extirpai rapidement de mon lit, attrapai la rose et me mis à la rogner en de petits fragments. Je m'en foutais complètement si elle était épineuse. Peut-être plus tard, je le regretterai en observant mes paumes balafrées et sanguinolentes. Mais pour l'instant, c'était ma peur qui avait pris le dessus.

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