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Nous étions arrivés à une plage publique . Au loin, il y avait un feu de camp d'où s'échappait une énorme quantité de gaz carbonique. J'apercevais également un homme dont la silhouette était perceptible de loin. Je me fis une vision claire de lui lorsque nous nous approchions plus. C'était un petit monsieur, habillé tout en blanc, un grand chapelet lui ornant le cou, une chevelure blanche aussi longue que proportionnelle à sa barbe et un tilak incrusté entre ses sourcils. Il tenait entre ses mains un vase refermé sur lui-même. Nous voyant arriver, il s'était dépêché de venir à notre rencontre.

- Namaste! s'inclina légèrement Jerry.
- Svaagat hai! répondit l'inconnu. (Soyez les bienvenus!)
- Tout est bon? lui demanda Jerry.
- Oui Monsieur Martins.

Le vieillard lui tendit le vase puis derrière une brève révérence s'en alla définitivement. Je me tournai vers Jerry, pleinement dans l'incompréhension.
- Ça veut dire quoi tout ça? Et c'était qui cet homme?
- Prends-le, dit-il en me tendant le pot en céramique brun boisé.

Je le fixai longuement puis m'emparai du vase qui au fil des minutes se révéla être un vase funèbre.
- Ce sont les cendres d'Asha. Elle voulait que ce soit toi qui les répande.

Je serrais vigoureusement le pot contre ma poitrine comme s'il eut s'agit d'une personne, d'un être cher qui me revenait d'un autre monde. Du monde des morts. J'eus l'impression de la sentir. De sentir son parfum m'enivrer et ses yeux me neutraliser comme au premier jour de notre rencontre. Une larme s'en mêlait. Puis une autre. Et bientôt, je pleurais amèrement. J'écrasais davantage le pot contre mon cœur qui témoignait d'une bradycardie inexplicable.

Donc, c'était vraiment à ça que ressemblerait la fin...

*
Je sortais à peine de la salle de bain que j'aperçus sur le vaste lit de l'hôtel un papier et un lecteur mp3. Je jetai la serviette qui quelques instants plus tôt me servait à sécher mes cheveux mouillés. Mon unique envie était de connaître le contenu de ces éléments.
Je m'assis calmement sur le lit, saisissant la feuille blanche entachée d'encre. Mon autre main empoigna le petit appareil électronique. Je l'inspectai minutieusement avant de le redéposer. D'un geste agile, je dépliai la feuille et commençai à lire le contenu.

Tu sais Kara, je ne t'ai jamais dit qui j'étais en réalité.

Je n'ai jamais été un bon exemple, encore moins une bonne amie. J'ai eu tort de t'avoir accusée d'être partie. Je me suis rendue compte que c'était plutôt moi l'égoïste dans cette histoire. Je voulais te garder pour moi, toute seule. Depuis le premier jour de notre rencontre, je ne voulais plus te laisser partir car... tu as apporté à ma vie un sens que même les encyclopédies ne sauraient définir.

Une larme s'éjecta de mon œil gauche mais je la nettoyai rapidement.

Avant ton arrivée, j'étais seule parmi ces filles. Mais, grâce à ta manière de sociabiliser et tes mots réconfortants, j'ai vu la lumière. J'ai à nouveau cru dans la Vie, dans l'amour. Cet amour que tu m'as montrée à maintes reprises en m'écoutant, en partageant tes peines avec moi. J'ai toujours su que tu n'étais pas destinée à cette vie, celle que ce maudit type a voulu nous tracer à toutes. Même si je paraissais m'y plaire au début, tu m'as montrée la véritable voie. Celle qui mène sur tous les horizons et s'allonge dans l'infini. Aujourd'hui, je me libère et t'avoir revue m'en a donné le courage. J'essayais de m'accrocher à l'existence, à encore espérer que tu puisses voir à quel point mes yeux brûlaient d'amour pour toi.
Mais,...

Le papier était bientôt arrosé de larmes. Je replaçai une mèche de cheveux derrière mon oreille et crispai mes lèvres tentant désespérément de repousser les pleurs. Je soupirai alors et respirai un grand coup avant de me replonger dans le lecture de ce texte d'adieux aux lettres inondées.

(...) à la place, j'ai reconnu cette flamme dans tes yeux. La même qui abritait en moi. Cette étincelle qui brillait encore pour lui. Sache que je ne t'oublierai jamais,
Dans la vie
Comme dans la mort.

Tel qu'on le dit souvent , il faut bien laisser partir ceux que l'on aime. Mais tu sais plus que quiconque que je ne suis pas du genre à m'avouer perdante. À défaut donc de te voir t'éloigner de moi et de voir mes espoirs se briser car je sais qu'à mon inverse tu ne seras jamais intéressée par une fille. Encore moins par moi. Je prends alors le taureau par les cornes. Je ne vais plus être lâche, sache le.

Et il y a aussi cette foutue maladie dont j'aurais aimé t'en parler. Je le regrette énormément. Et j'ai conscience que seuls les faibles n'ont des remords faute de n'avoir pas essayé. Mince alors! Je chiale comme une madeleine.

J'imaginai sa voix, sûrement triste mais vivifiante faire la scène du « Mince alors! Je chiale comme une madeleine. » avant de refaire face à la dure réalité. Je devais m'habituer à son absence.

Je sais que j'en aurais pu décider autrement mais tu sais, parfois lorsqu'on s'avère au bout du tunnel, on n'a plus cette force de se retourner parce qu'on a trop donné de soi au point de s'en perdre. Considère mon départ comme une conciliation entre mon âme et moi et non comme un caprice. Je sais que je ne suis pas parfaite. N'empêche...

Je t'aime. Et c'est pourquoi je décide de partir.
Prends soin de toi, trouve l'amour et ne m'oublie pas.

Du fond de mon coeur,
Asha.

J'étais chagrinée. Elle était ma seule et vraie amie. Je n'en revenais toujours pas qu'elle soit partie de cette façon.
Je m'effondrai, sans force sur le lit. Je pleurais en scrutant le papier au point de m'endormir inconsciemment.

*
Nouveau jour, nouveau départ.

C'était notre dernier jour ici à Cancún. Je m'étais réveillée aux environs de 4h du matin et je n'arrivais plus à me rendormir. J'avais une envie incontrôlable d'aller courir, de me défouler. J'optai alors pour des leggings noirs et un haut zippé à longues manches de la même couleur. Je quittai ma chambre d'hôtel vers 5h13 min puis joignis la côte calme et froide à cette heure ci. Les vagues sombres se brisèrent sur la rive, m'interpellant telle Vaina. J'avais tâché à prendre le lecteur mp3 d'Asha avec moi et je l'avais mis en mode on avant d'entamer mon jogging. Et quelle ne fut pas ma surprise d'entendre sa voix, apaisée.

Imagine que je suis là, juste à côté de toi. Que tu sens ma chaleur et moi la tienne et que nous rions d'une de mes blagues idiotes. Au bord de l'océan, hmm oui...
Le vent dans les cheveux, nos regards brûlants de jeunesse éternelle.

Je maintenais mon rythme constant et continuais à longer la mer en effervescence.

Imagine oui, un feu de camp sur la plage. Chouette! Et rien que nous deux autour. Tu me dis que tu as envie de te baigner. Pareil pour moi. Je te regarde enlever ton shorty en denim. Un bikini blanc recouvrant partiellement tes fesses arrondies et molles apparaît. Tu glisses ensuite ta main sous ton sweat bleu pastel pour le retirer. Un soutif aux bonnets en forme d'étoiles cache ta poitrine parfaite, taille c. Je te regarde avec désir mais tu ne le remarques pas.

Je m'arrêtai un moment, essoufflée et me jetai dans le sable. Je reprenais mon souffle tout en écoutant la voix d'Asha.

Tu te tournes vers moi et tu me souris avant de me demander si je ne voulais plus me baigner. Je te vois courir toute heureuse vers le bleu océan et t'y fondre complètement. Tu me demandes à nouveau de te rejoindre.
- L'eau est bonne. Tu devrais venir, me dis-tu.
Je te réponds par un « j'arrive » avant de me mettre à mon tour en bikini. Je te rejoins pour une baignade qui dure une quinzaine de minutes et au cours de laquelle nous nous amusons comme des folles.

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