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            Je venais d'arriver devant le café. Je garai ma voiture sur le parking juste à côté et j'aperçus également celle de Lauren. Le soleil frappait déjà son plein et le vent salé s'infiltrait dans chaque pore de ma peau. Je vêtais une robe sarcelle fine, ovale et bustier et un chapeau de paille très large me recouvrait la tête. Je portais par dessus mon épaule un sac cabas garni d'une inscription : Sea Lover et je chaussais tout simplement des sandales. Je repérai sans tarder Lauren et je m'installai à sa table.
- Comment allez-vous miss Jackson?
- Bien. Mais déjà, il faudrait que vous arrêtiez de me vouvoyer.
- À condition que vous en faites de même.
- Il fait vachement beau aujourd'hui tu trouves pas? demandai-je.
- Absolument. Tu voudrais un café ou quoique ce soit d'autre? C'est moi qui invite.
- Non merci! Dernièrement, je suis beaucoup gâtée par ma tante et Raya à la maison. Elles ne me laissent pas sortir sans que je ne sois gavée de petites douceurs. Mais si tu veux, je t'en offre un.
- Ce ne sera pas nécessaire, vous enfin tu sais. Je vais juste prendre un cappuccino et c'est bon.
- J'insiste Lauren. Laisse-moi te l'offrir. Prends ça comme un remboursement de la tisane d'avant-hier, dis-je, souriante.
- De toute façon, tu n'en feras qu'à ta tête. C'est bon, j'accepte!
- Garçon! interpellai-je l'un des serveurs.
Il ne tarda pas à se présenter.
- Un cappuccino pour cette charmante dame s'il vous plaît.
- Bien noté, madame! fit-il avant de partir.
Il revint au bout d'un moment avec la commande.
- Comme dans mes souvenirs, le goût n'a pas changé, apprécia Lauren.
- Tu viens souvent ici? questionnai-je.
- Oui, répondit-elle en baissant la tête, un sourire déprimant scotché à ses lèvres. J'habitais ici à Brooklyn. J'ai déménagé l'année dernière pour venir m'installer à Manhattan.
- Pourquoi? T'aimais pas cette ville? Moi je la trouve superbe.
- On dirait bien que c'est toi la psy maintenant entre nous deux, se moqua Lauren.
- Tu peux me faire confiance tu sais.
- J'ai déménagé suite à mon divorce.
- Il ne t'aimait pas?
- Non. C'était moi qui l'aimait un peu trop je pense. Il m'a fait subir toutes sortes d'ignominies. À juste m'en rappeler, je me sens vraiment conne.
- Les hommes sont tous pareils. Il y en a pas un pour rattraper l'autre. Tu mérites mieux franchement.
- Oui j'avoue. Mais bon, on est pas là pour parler de moi. Surtout prends ton temps, je t'ai emmenée ici pour une bonne raison. D'ailleurs, j'ai réservé cette table pour un bon moment. On commence quand tu veux.
        Je restai silencieuse pendant un laps de temps puis je demandai à Lauren:
- Tu te rappelles encore de ta première fois toi?
    Elle me regarda, un air amusé avant de me répondre:
- Ah m'en parle pas. J'm'en rappelle comme si c'était hier.
- C'était comment?
- Magique je dirais, reprit-elle, les étoiles pleins les yeux. C'était avec le plus beau mec de mon lycée, lors du bal de promo. Deux verres en trop et nous nous étions retrouvés dans la salle d'art plastique à poils. Je n'aurais jamais imaginé qu'une fille comme moi pouvait lui frapper à l'œil. Je n'étais qu'un minable grain de sable parmi des rochers. Je n'avais aucune chance mais ce qui devait arriver est arrivé.
- Alors, t'es sortie avec lui?
- Malheureusement, nous ne sommes sortis ensemble que quelques semaines avant qu'il ne s'en aille à Stockholm pour ses études de droit. J'ai gardé contact avec lui mais la distance m'affectait beaucoup. J'étais trop jeune pour attendre un amour de lycée. Et c'est là que j'ai rencontré plus tard cette vermine qui a fait de ma vie un véritable enfer ces trois dernières  années. Je regrette tellement de choses.
- J'ai appris à ne pas regretter mon passé et tu devrais en faire de même.
- C'est pas si facile... Et toi alors, raconte moi! Qu'est-ce qui s'est passé à Los Cabos?
- Énormément de choses. J'en ai gardé tellement de souvenirs...

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J'avais toujours les larmes aux yeux. J'étais heureuse sans vraiment l'être. Je me sentais juste chez moi. J'entendis la voix de Salvatore me parvenir de derrière.
- Alors princesse, t'aimes?
Toujours le dos tourné, je lui répondis d'une voix fébrile:
- J'adore.
- Content de l'entendre. Tu voudrais bien m'accompagner quelque part?
Je me retournai, en pleurs et un sourire radieux aux lèvres puis dis:
- On va au bout du monde alors?
- Si c'est ce que tu souhaites mais pour l'instant nous allons à un endroit très spécial , fit-il en s'approchant de moi.
Sa main s'éleva pour se poser entre mon cou et ma tête. Je sentais son pouce me caresser tendrement l'oreille gauche. Il était si aimable , si attentionné, si sexy... Je vis ses lèvres bouger pour me laisser suspendue aux échos de sa voix cambrante.
- On peut y aller?
Je me contentai juste d'hocher la tête en guise d'accord. Soudain, un bruit de carrosserie retentit. C'était une hybride particulièrement une McLaren Artura, légèrement argentée. La voiture vint se garer juste derrière Salvatore et il en sortit un jeune homme aux cheveux bruns. Il paraissait tout excité.
- Parrain j't'assure cette bagnole c'est trop d'la balle! J'aurais jamais cru que tu m'laisserais monter à bord un de ces quatre.
Salvatore se retourna et répondit à son interlocuteur sur un ton taquin:
- J'espère que t'as aimé la balade vu que c'est la dernière.
- Sérieux, allez vieux! Tu sais très bien que j'adore les voitures de sport moi, fit le jeune homme, à bout d'espoir.
- Dis c'est quand tu fêtes tes dix-huit ans ?
- Dans deux mois au moins. Pourquoi ?
- J't'offrirai ce petit bijou que t'as devant tes yeux là.
- Non mais t'es pas sérieux là parrain ? demanda-t-il les yeux grands ouverts.
- Ai-je l'air de blaguer?
Le jeune homme ne savait plus où se mettre. Il débordait littéralement de joie. Je le vis contourner la voiture et se jeter sur Salvatore.
- Allez Simon, t'exagères là, lança Salvatore.
Le fameux Simon se décolla aussitôt de Salvatore toujours autant impassible. Il me remarqua enfin et fit de son mieux pour me saluer poliment.
- Ça roule m'dam... Euh, bonsoir madame je voulais dire, s'excusa-t-il.
- T'en fais pas Simon. Tu peux m'appeler Kara tu sais.
- Madame serait mieux je pense, reprit Salvatore.
- Oui, m'dame. Bon, au revoir. Parrain! fit-il tout d'un coup, nerveux avant de s'en aller.
     Salvatore aurait sûrement dû lui faire peur vu le ton sur lequel il m'avait corrigée. Peu importe. Nous montions à bord du bolide et je profitai du trajet pour refixer mon maquillage. Une quinzaine de minutes plus tard, la voiture s'arrêta devant un refuge pour enfants, El Nido Dorado (le nid d'or). C'était un endroit très vaste et aéré, cerné de boisements tropicaux. Aussitôt que la voiture se stationna et que nous en sortîmes, une foule d'enfants accourait vers nous. Il y en avait de tous les âges, de toutes les origines et de toutes les tailles. En une fraction de seconde, Salvatore était déjà entouré et pouvait-il à peine bouger. Les plus fragiles s'agrippaient à ma robe de peur de tomber. Tous ces enfants... Que des innocents! Ils n'ont jamais demandé à naître et pourtant...
Une dame svelte et à la mine stricte ne tarda pas à faire éruption. Il a suffit d'un retentissement de cloche pour que les enfants se dispersent et rejoignent la bâtisse. Elle s'avança ensuite vers Salvatore, un large sourire aux lèvres et lui dit:
- Nous sommes vraiment heureux de vous voir ici, monsieur. Tout est bien organisé comme sur votre demande et d'autres bénévoles sont également présents. Madame! m'adressa-t-elle gentiment.
- D'accord. Vous pouvez disposer.
Elle disparut sur ces mots. Salvatore se tourna enfin vers moi et me tendit son bras, m'invitant à m'y accrocher. Je ne me fis point prier. Nous nous dirigions ainsi vers la porte qui menait au paradis des ninos.

ImpostorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant