18.

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     Mon sang se glaça lorsque j'entendis sa voix... Je ne m'étais même pas rendue compte qu'il s'était approché de moi. Je n'avais rien compris et cette langue ne concordait pas du tout à l'espagnol puisque j'en ai appris deux ou trois lexiques grâce à Raquel. La proximité entre nos corps m'irritait. Je me dégageai automatiquement et me retournai, faisant face à l'homme au teint de bronze autant plus imposant qu'il n'en avait l'air de loin. Ses cheveux mi-longs étaient nattés et faisaient ressortir l'allure de son visage vigoureux ainsi que ses contours bien tracés. Une petite moustache surmontait ses lèvres moyennes, rosies par le métissage et une légère barbichette se faisait à peine voir sur son menton. Son corps partiellement dénudé offrait un observatoire de muscles bien fermes. Un collier argenté clos par un crucifix lui entourait le cou, lequel portait un tatouage assez insignifiant. Je sentais son regard sur moi et je plongeai également le mien dans le sien, marron et pur, prête à ne plus m'en lasser. Je pris mon courage à deux mains et lui demandai fermement:
- Que me veux-tu ?
         Ses lèvres bougèrent, mimant des mots imperceptibles avant de laisser paraître un sourire narquois. Il finit par répondre.
- Nada, señorita. (Rien, señorita)
- ¿Me estás tomando el pelo? (Tu te fous de ma gueule?)
- Je ne te veux rien mais... je te veux toi, dit-il d'une voix givrante qui me froissa l'estomac.
Il s'approchait de moi pendant que je m'éloignais de lui.
- Ne t'approche pas, lui lançai-je.
- Sinon quoi? répliqua-t-il, sûr de lui.
- Je... vais...Recule, bon sang!
Je m'éloignais encore et encore jusqu'à atteindre la limite du bassin. Il était déjà trop près de moi. Mince!
- Alors tu disais? demanda-t-il tout en souriant.
- Je te jure que si je tombe dans cette foutue piscine je t'étriperai.
- Et moi, je continuerai à te vouloir, même sans mes tripes.
- C'est pas du jeu. J'vais tomber là. Rec...
Je n'eus pas le temps de finir ma phrase qu'il me poussa dans l'eau. Je le vis s'accroupir sur le bord de la piscine et se moquer de moi.
- T'es qu'une enflure! criai-je.
- Charly avait raison alors...
- De quoi tu parles?
- Rien! Vas-y sors de là!
- Comment tu veux que je sorte? demandai-je en colère, les yeux à peine ouverts. Le moindre que tu puisses faire, c'est de m'aider. Ou n'aimerais-peut-être-tu pas inscrire une bonne action dans ton CV auprès de Dieu?
- Des bonnes actions, j'en fais tout le temps et c'est pas une gamine capricieuse qui me fera la morale. Allez, tiens ma main.
Il tendit le bras dans ma direction et je saisis sa main, non pour remonter à la surface mais plutôt pour lui rendre la monnaie de sa pièce. Il semblait furieux, ce qui au contraire m'amusait.
- Œil pour œil, dent pour dent! rigolai-je.
- Je sais vraiment pas c'qui m'a pris de te rendre la main, fit-il en essuyant l'eau qui coulait sur son visage.
- Peut-être qu'au fond, t'as un cœur.
- Je ne pensais pas le dire un jour, commença t-il en s'avançant vers moi, mais... je n'ai jamais senti mon cœur battre de la sorte.
Il m'avait déjà emprisonnée dans un coin du bassin, me déshabillant de ses yeux si envoûtants. Je n'étais pas en mesure de riposter surtout que je ne faisais pas la taille devant ce géant humain. Il posa sa main derrière ma nuque puis je sentis son pouce me caresser l'oreille. Mes yeux étaient obnubilés par les siens. Je me sentais différente. Était-ce parce qu'aucun homme ne m'avait touchée auparavant? Ça doit être ça. Mais j'adorais vachement cette sensation. Il approcha sa tête de la mienne et ses lèvres mi-ouvertes se posèrent sur les miennes sans jamais les embrasser. Il descendit dans mon cou et sembla renifler mon parfum.
-Vanille et passion, remarqua-t-il.
- T'as un bon flair toi! remerciai-je indirectement.
            Il continuait à me fixer sans détourner le regard. J'en étais gênée.
- Ne me regarde pas comme ça, repris-je.
- El reflejo de la inocencia de tus ojos en los mios es lo mejor que me ha dado la vida para ver (le reflet de l'innocence de tes yeux dans les miens est la meilleure chose que la vie m'ait donné de voir)
J'avais compris une bonne partie de ce qu'il avait dit même si j'aurais bien aimé l'entendre dire cela en anglais, avec son accent si particulier. Je n'eus pour réflexe que de baisser la tête afin d'éviter son regard. J'avais littéralement rougi. Et... sans le savoir, j'éternuai.
-Finalement t'es pas si forte que ça, gamine! se moqua-t-il.
Je ne répondis guère à la provocation et je sentis mon corps s'opposer à la gravité. Non, je ne rêvais pas. Il m'avait bien soulevée pour me déposer sur le bord du bassin. Il en sortit après et me proposa de rejoindre l'intérieur de peur d'attraper froid. Je n'y trouvai pas d'inconvénient et le suivis.
*
Il m'avait prêté un de ses peignoirs et même des chaussons. Je m'étais totalement démaquillée et je m'en réjouissais. Tout ce paquet de fond de teint commençait déjà à m'étouffer. Rien n'avait changé à mes cheveux. Certes, ils étaient mouillés mais ils restaient toujours aussi bouclés. Je sortis finalement de la salle de bain et je tombai nez à nez avec lui. Il avait une serviette enroulée autour de sa taille et semblait m'attendre depuis un bon bout de temps.
- T'en as mis du temps, commença-t-il.
- Désolés, je savais pas que tu m'attendais.
- Je voulais juste vérifier que tu ne t'étais pas "noyée" dans la baignoire, ironisa-t-il.
- Hahaha, très drôle! fis-je, dégoûtée.
- Va m'attendre en bas, j'arrive.
          J'exécutai. Il ne tarda pas à me rejoindre, vêtu d'un large short noir surmonté d'une chemise à manches courtes de couleur pêche laissant son torse à découvert. Ses box braids pendouillaient à sa démarche plus ou moins délicate mais quand bien même masculine. Une fois à mon niveau, il me demanda:
- T'as faim?
- Pas vraiment.
- T'es sûre ? J'ai fait griller des fruits de mer. J't'assure c'est une tuerie comme vous le dites vous les Américains.
- Parce que toi tu l'es pas?
- Je préfère n'en rien dire.
- Dis, tu t'appelles comment?
- À quoi bon te le dire? J'y gagne rien...
- Tu deviens grave relou là.
- J'accepte de te le dire à une seule condition.
- Laquelle?
- D'abord, tu dois accepter.
- Dis au moins de quoi il s'agit.
- Oui ou non ?
J'hésitai puis finis par me convaincre qu'un simple oui n'allait pas me tuer.
-Oui!
- Alors, la condition est que tu me laisse t'embrasser sur n'importe quelle partie de ton corps et en retour, je te dirai ce que tu veux savoir.

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