•Chapitre 21 : Je suis un monstre•

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— Laissez-moi !

Le silence s'installe de nouveau dans le public. Mon sang se faufile, s'échappant de moi à grande vitesse. Je me sens partir, mais, rester en même temps. Quand je me dis que ça ne peut pas être pire, ils arrivent.

Le public d'une trentaine de personnes se lève, et avance délicatement dans ma direction. De plus près, je vois leurs visages, enfin, les masques qu'ils ont mis dessus. Des masques blancs, aux peintures colorées.

Ils sont calmes, alors que la femme reste sur mon dos, m'immobilisant sur ce sol. Je commence... À m'évanouir... Quand le présentateur prend le micro, et parle la poésie.

— Le sang sombre, épais, coulant.
Le sang du sol au plafond. Les gens en mouvement, respirant ce poison.
Dansant au rythme des envies, un ballet maudit. Dansant sur la folie, une danse de l'infini ? Pourtant, ces gens oublient, dans leur ignorance. Sont-ils amnésiques ?

Est-ce réel ? Ou bien ma tête me joue des tours, hémorragie ? Il me lance le micro, je me lance, à mon tour.

— Le monstre que je suis. Le monstre créé par vous. Vous. Vermines. Mortels. Souris. Vous, immondes galeux. Vous dormez à présent, prisonniers de votre propre nuit. La sortie vous est interdite, par le hasard et la peur, sans bruit. Par le hasard et la précipitation. La peur de l'envahissant. La peur de la mort. La peur de me faire sortir. Cette décision, nous le savons, vous a tous unis éternellement dans le secret de cette chambre.

Où sont-ils ? Ils ont disparu... Ou plutôt, parti. Partie, mais ils restent près de moi. Je ne peux m'empêcher de continuer.

— Désormais, moi, le dieu des endormis, je veille. Regardant les insomniaques, dans l'attente d'un sommeil sans pareille. Ignorant les lève-tôt, condamnés à la veille. À ceux désirant fermer les yeux, s'abandonnant à leur propre détresse, rejoignant les autres, au royaume de Morphée, pour une éternelle tristesse.

Ils dorment tous, si paisiblement. Un survivant prend la parole. Une petite fille.

— Dans ce royaume de l'ombre, aussi silencieux que funeste, demeure un cœur au sang noir. Autrefois bon, gracieux et en reste. Il aimait les autres et leurs histoires. Il avait pitié des endormis, et de leurs souffrances. Témoin silencieux des tourments qui les effleurent. Dans le noir, il veille, inlassable gardien, des échos de leurs plaintes, des cris anciens. Mais maintenant. Leurs vies éphémères, brèves lueurs, s'effacent devant l'obscurité de ses humeurs. Dans ce cycle sans fin, il reste le gardien, du sommeil éternel, où chaque rêve se retient.

Un autre prend le relais. Tout en courant loin de moi.

— Il ne faut pourtant pas oublier où je me trouve.

Je lui réponds en lui chantant une berceuse.

— Dans la chambre finale de ces pêcheurs en déroute. Leur repos ne sera complet qu'en l'absence de mon être. J'ai saisi la vérité, ressentant leur haine, triste fenêtre.

Son voisin prend son reste, tout en esquivant ma politesse. Il se cache silencieusement sans savoir qu'il est vu inlassablement.

— Envers le monstre qu'on a éveillé en lui et au monde. Sa transformation funeste nous laisse perplexes, immondes. Nous, gens aux mille facettes, pupilles assombries. Notre âme vengeresse abrite une bête difforme, meurtrie. Un amas de poussière, ou d'ombre. Un véritable monstre recouvert de sang et de chair. Dans l'obscurité, je me tiens, créature tourmentée. Un être maudit, par ma folie, condamné à errer.

Je ne peux le laisser seul dans l'obscurité. Cet agneau va être guidé.

— De la porte condamnée, je me glisse, furtif serpent d'ombre. Suivi de près par ces âmes tourmentées, errant sans sombre. La paix semble s'éloigner, doucement, se perdre en fumée. Qu'ai-je fait pour mériter cela ? Que m'arrive-t-il, esseulé ? Tant de questions, tourbillonnent dans ma tête, embrouillées. Mais la plus assourdissante, est-ce que j'ai ôté la clarté ? Ces gens, ces visages familiers, maintenant si flous. Je ne sais plus, je ne sais pas, qui je suis, où je suis, à genoux. Le doute s'insinue en moi, comme une ombre sombre. Mon identité se dissout, se fond dans un abîme sans nombre. Quels actes ai-je commis, sous le voile de l'obscurité ? Ai-je ôté la vie, plongeant ces âmes dans la fatalité ? Les souvenirs se dérobent, disparaissent, s'effacent. Comme un rêve qui se perd, dans l'immense espace. L'incertitude m'envahit, je suis un étranger à moi-même, perdu dans ce labyrinthe, où les réponses sont en suspens.

Gallia ÉtoiléeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant