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- Plouf plouf, William c'est toi ! Décidément, tu n'as vraiment pas de chance.
- Mais arrêtez ! ça fait 3 fois que je vais au supermarché depuis 10 jours qu'on est là. Elle est où la blonde sexy à qui j'ai fait un chèque de 250 000 € pour qu'on nous livre ces foutues courses ! Et puis les mecs vous mangez comme des porcs aussi.
- Will, on est coincé dans le chalet à cause de la tempête de neige. On a que ça à faire, manger, répond Seb à l'autre bout du bar fourrant un Kinder dans la bouche.
- Franchement j'ai la flemme, c'est moi la star, c'est vous qui devriez tous être à mes petits soins.
Sonia leva un sourcil réprobateur en hochant la tête sur la gauche. Ok, ils étaient toujours tous à mes petits soins. Mais ce n'était pas une raison. Je n'avais pas envie de faire les courses. Je n'avais jamais fait de courses et je n'avais pas envie que cela devienne une habitude.
- En plus les gens sont trop bizarres ici. Une fille m'a reconnu et m'a fait une scène. En plein magasin.
- Elle avait peut-être juste envie de te parler, bogoss, rigola Matt, le compagnon de Julie.
- Pour une fois que ça ne se termine pas dans ta voiture, tu devrais être fier de toi, renchérit Seb
- C'est vrai ça, ça fait une semaine que tu es là et ... rien ! Tu tiens un pari ? me chambra Mike qui venait d'arriver, d'on ne sait où, un suçon sur le pectoral droit, qui n'était visiblement pas si ancien. Amy arriva derrière lui, elle aussi en tenue un peu trop légère pour l'heure tardive qu'il était.
C'est vrai que ça faisait une semaine que je n'avais pas ramené une fille. Je n'avais même pas eu l'idée, et encore moins l'envie de sortir, ne serait-ce que pour boire un verre. Il faut dire que le froid, la neige et l'humidité y étaient pour beaucoup. J'étais bien mieux au chaud.
- Et toi, tu tiens le rythme ? dis-je un peu trop prétentieux et je l'avoue, touché dans mon ego.
- Ferme ta gueule !
L'élan vindicatif de Mike surpris tout le monde. Il n'assumait pas le fait que l'on sachent tous qu'ils couchaient ensemble. Et il n'assumait pas qu'Amy ne veuille pas donner plus d'intérêt à leur relation. Ça le mettait dans tous ces états. Un téléphone sonna avant que je ne puisse répliquer. Amy prit le coup de fil soi-disant important et s'eloigna dans le salon dans une discussion ponctuée d'éclat de rire forcés et triturage de mèche de cheveux comme une midinette en chaleur.
- Papa, ça veut dire quoi ta gueule ?
Je jetai un regard assassin à mon ami lorsque je sentais la petite main de Lila tirer mon survêtement. Je l'attrapai par les épaules pour la hisser sur mes genoux.
- Ce sont de vilains mots, qu'il faut dire aux garçons qui t'embêtent.
Sonia arriva presque en courant, avant d'attraper la petite blonde et la récupérer, comme si sa vie en dépendait.
- Ne l'écoute pas chérie. Ce sont de TRES vilains mots, qu'il ne faut jamais dire. Tu entends. Jamais ! William, pas de ça devant elle enfin !
Elle fronça les sourcils en directement de Mike pour lui rappeler de faire attention à son langage devant la petite fille qui avait une nette tendance à tout retenir et surtout tout répéter dans les moments les plus improbables qui soient, rendant la situation ultra gênante.
- Pourquoi c'est moi que tu gronde, c'est lui qui a commencé, me pleignai-je
- Parce que t'es le plus vieux des deux. Mais pas le plus mature, visiblement,
Seb me balançât un Kinder, mon péché mignon, pour me faire comprendre de ne pas surenchérir, car il n'avait certainement plus la force de lutter contre sa propre femme, qui gagnait chaque bataille qu'elle menait de toute façon.
- Elle voulait mes Kinder Bueno.
- Qui ça ?
- La fille du supermarché, elle voulait mes kinder bueno.
- Oh, je comprends mieux pourquoi le supermarché t'effraie tant maintenant, pouffa Sonia. Au moins ce n'était pas une groupie hystérique qui t'a suivi en sortant du magasin, jusqu'à ce poster devant chez nous.
Par acquis de conscience, elle jeta un coup d'œil par la fenêtre panoramique de la cuisine. J'étais toujours discret, mais il n'était pas rare que certains fans débordent d'imagination pour faire une photo avec moi.
- Elle m'a à peine reconnue. Elle était vraiment ... barrée.
- Il veulent que je me charge de la prochaine campagne de Victoria secret, dit Amy guillerette en piquant une part de pizza.
Mike marmonna quelque chose d'inintelligible avant de plonger son nez dans son verre d'eau.
- C'est Sonny qui m'a conseillé. C'est pas génial ?
Je faillis m'étouffer avec la gorgée de mon soda. Sonny était l'associé et meilleur ami de Mike. Ils avaient ouvert ensemble leur studio photo et couvraient généralement de grands évènements musicaux.
Je lançai un regard en biais à Mike, que je voyais s'agiter sur sa chaise, en serrant les poings.
- Les amis, je suis désolé mais je dois écourter les vacances. Il m'attend à Paris. Et je ne peux pas rater ça. Il y a un train qui part ce soir, j'ai réservé un billet. Ma valise est déjà prête.
- Ton travail est top, ça ne m'étonne même pas. C'est une belle occasion, eu bon de compléter Sonia sans faire attention que le départ d'Amy jetait un froid.
Sur ma gauche, la chaise haute du bar heurta le sol sur un Mike quittant la table en colère.
- Bien joué So.
« Quoi », me mima-t-elle alors qu'elle regardait Amy quitter la cuisine à son tour. Je balançai la tête de gauche à droite pour lui faire comprendre qu'elle avait clairement merdée. Elle ne comprenait jamais les allusions. Ça faisait bien trop longtemps qu'elle sortait avec Seb et avait complètement oublié ce qu'était le « jeu de séduction ». 
Après coup, Sonia revint sur le dossier « course » et je me bataillais avec elle pour argumenter sur le fait que je ne voulais certainement pas retourner dans ce magasin. Mike déboula dans la cuisine, il avait troqué son pyjama contre une chemise bleu et un jean assorti. Il enfila sa doudoune et un bonnet avant d'attraper les clés du 4x4 laissées sur la table centrale.
- Tu sors ?
- Ouai, j'ai besoin de prendre l'air.
- Tu as 5 minutes ? J'enfile un truc vite fait
- William ! Les courses ! 
- Je sors ce soir. Ça sera sans moi So !

Nous avions opté pour un bar plutôt chic du centre-ville. De l'extérieur il ne payait pas de mine, mais c'était l'un des rare où les grappes de touristes fortunées ne s'amassaient pas pour fumer leurs cigarettes devant l'entrée. Nous avions simplement envie d'être tranquille. Tout du moins, moi, j'avais envie d'être tranquille, loin des boites de nuits et musiques fortes. Et de toute façon tous terrains étaient exploitables pour ne pas rentrer seul meme si pour une fois dans ma vie, j'avais clairement envie de l'être.
A notre grande surprise, l'intérieur était dans les tons foncés. Bois noir et tables laquées de la même couleur. Il y avait du monde, mais il n'était pas bondé.
Nous commandâmes chacun une bière avant de nous attabler dans un coin un peu en retrait. 
- Le brune et la blonde, au bar.
- Mike, ce n'est pas une bonne idée. Et j'ai dit que je ferai des efforts, pour Lila.
- Je veux juste discuter. Y a rien de mal.
- Discuter ? 
- Oui, prénom, âge, peut être boulot si vraiment elle tient à en parler ... Je prends la blonde, ça changera de nos habitudes. On est en vacances. Il faut te détendre mec. Prends comme ça vient, sans mauvais jeu de mot, pouffa mon ami.
Mike interpella un serveur avant de lui glisser une commande de deux nouveaux verres pour ces jeunes filles, ainsi qu'un généreux pourboire pour qu'il insiste bien sur le fait qu'il était à l'origine de la demande.
Lorsque deux verres se matérialisèrent devant les jeunes filles, la blonde pivota sur son siège pour regarder dans notre direction et effectuer un léger signe de tête en guise de salutation.
Son amie lui chuchota à l'oreille avant de quitter sa place. La blonde la suivi mais bifurqua vers nous pour nous saluer.
Rapidement, elle s'assit à côté de Mike qui lui fit la conversation. Mes yeux se perdirent à observer la clientèle du bar, tandis que Mike rapprochait dangereusement sa bouche du cou de cette jeune blonde, un peu trop dévêtue pour la période hivernale. Je me sentais tout à coup de trop, et ne voulait pas rendre la situation encore plus genante qu'elle n'en avait l'air d'un point de vue extérieur. Je me levai un peu trop brutalement, ce qui fit sursauter la jeune femme qui posa, pour la première fois son regard sur moi.
- Je vais pisser.
- Ok, on va prendre un dernier verre, n'est-ce pas ? Interrogea Mike sans même me regarder.
Je levai les yeux au ciel en pensant que, pour la première fois de ma vie, j'aurai voulu m'enterrer sous ma couette avec un sac de pop-corn au caramel et une bonne série en fond sonore. Seul. Et au chaud.
J'étais soulagé de voir que les toilettes étaient quasiment insonorisées et que le bourdonnement des conversations de la salle mourrait lorsque la porte principale était fermée.
C'est qu'après m'être rincé les mains que j'entendis un petit reniflement. Je n'avais rien mangé et la pinte de bière devait déjà faire son effet. Mais non, ça reniflait encore.
- Y a quelqu'un ?
- Je ... euh ... non, répondit une petite voix derrière la première porte.
- Est-ce que ça va ?
Je haussai les épaules en remarquant qu'elle ne voulait pas me répondre et repris de me savonner les mains, sous l'eau bouillante du lavabo.
Je me demandai tout à coup pourquoi une fille était dans les toilettes des hommes, en train de pleurer. Je n'avais habituellement aucun scrupule, mais là, j'avais un mauvais pressentiment.
- Je suis toujours là, si vous avez besoin de quelques choses.
J'entendis renifler à nouveau. Elle avait l'air vraiment mal en point. Je ne pouvais pas sortir de ces toilettes sans m'assurer qu'elle aille bien. C'était plus fort que moi. Et un peu aussi car je savais que Mike était partie avec cette blonde, et que j'étais passablement enervé de me retrouver seul, sans voiture, dans cette neige.
- Qu'est ce que vous faites là, dis je pour engager la conversation.
- J'avais envie de mettre un peu de piment dans ma vie. Boire un coup au bar est devenu tellement banale.
- C'est vrai que s'enfermer dans les toilettes c'est tellement plus excitant.
- Je voulais aussi tester ma capacité à me sortir de situation, mais je ne suis définitivement pas une Totally Spies. Je suis arrivée à bout de mon épingle à cheveux et mon poudrier ne me permets pas d'appeler les secours.
- Une chance que le super-héros que je suis ai eu une envie pressante alors. Ca fait longtemps que vous êtes là ? Pourquoi vous n'avez pas téléphoné à une amie ?
- Mon amie s'est fait offrir un verre par un homme, elle n'a pas été touché depuis son retour d'Australie il y a 3 mois. Ils doivent être occupés je suppose. Et puis c'est un peu la honte, il faut le dire.
Elle rigola légèrement avant de renifler à nouveau. Elle pleurait.
- Je m'appelle Rachel, au fait.
- Moi c'est William.
- William, vous avez le prénom d'un prince. C'est peut-être le destin finalement. Moi coincée dans ces toilettes, vous preu chevalier des temps moderne, rigola t-elle à travers la porte de la cabine.
Je regardai la poignée de la porte, et effectivement, celle-ci était déboitée. J'essayai de la remettre en place et elle se désolidarisa complètement de la porte dans un bruit métallique fracassant.
- Qu'est ce que c'était que ce bruit ?
- Rien du tout, mentis-je voyant qu'elle commençait à paniquer.
Je déposai la poignée sur le rebord du lavabo et étudiais la situation. 
- Et qu'est ce que vous faites dans les toilettes pour homme ? lui demandai-je pour qu'elle pense à autre chose que son enfermement.
- Je vous l'ai dit, j'avais envie de vivre dangereusement. Ne pas suivre les règles en fait partie, il me semble. Sans blague, au risque de vous décevoir j'avais très envie de faire pipi. Et je ne peux pas attendre. Il y avait la queue de l'autre côté. Je pensais que ça passerait ... inaperçu. Jusqu'à ce que je sois prisonnière de mon propre sort.
Elle était drôle. Et avait de la répartie. C'était plaisant de discuter avec quelqu'un qui ne parlais pas de musique, festival ou qui orientait les conversations pour unique but que je la ramène chez moi ensuite.
- C'est ridicule comme situation. Ça ferait une très bonne rencontre de roman d'amour, souffla-t-elle. J'écris des romans. C'est mon métier. Vous êtes toujours là ?
- Oui, je réfléchis.
- Je ne pensais pas mourir enfermée dans une cabine de toilette. J'espère que vous pourrez témoigner et dire que j'étais sur un trône, ironisa t-elle. 
- Une chance que le destin soit venu à vous alors.
- Je pensais qu'au vue des litres de bière que les hommes boivent, ils viendraient plus souvent. Mais j'ai encore des choses à apprendre sur votre espèce visiblement, rigola t-elle.
- On sait être très résistant
- J'ai remarqué, j'ai gagné plus de niveau à Candy crush dans ces toilettes que depuis que j'avais téléchargé l'application il y a 5 ans.
Je regardai le loquet de la porte voisine. Impossible d'ouvrir de l'extérieur.
- Vous pouvez escalader ? je vous rattrape de l'autre côté.
- Non je ... je ne suis pas trop en état en fait.
- Vous avez bu ? Ce n'est pas très haut.
- Ce n'est pas ça. Ne vous embêtez pas, je peux vous demander une ultime faveur : demandez au patron du bar de trouver sa caisse à outils
- Non je vais vous sortir d'ici. J'insiste. Ca me permettra d'avoir des choses à raconter au petit dej demain, rigolais-je.
- vous savez qu'après ça je vous serez éternellement redevable. Nous allons devoir être meilleurs amis pour toujours, ironisa t-elle.
C'est vrai, c'était le destin. Et je ne la laisserai pas pourrir aussi. Je pourrai me venter d'avoir sauver une demoiselle en détresse. Et après tout, elle pouvait être mignonne.
- Écartez-vous de devant.
- Pardon ?
- Écartez-vous.
J'agrippai le lavabo avec mes deux mains avant de donner un énorme coup de pied dans la porte qui, à mon grand soulagement, céda dans un bruit de bois craqué.
- Aouch !
Bon j'avais peut-être tapé un peu fort. La porte s'est fracassée dans le nez de la jeune fille, qui se tenait le visage entre les mains. Je reconnu la jeune brune qui était tantôt au bar avec la blonde que Mike avait du ramener chez lui.
- Je vous avais dit de vous écarter. Est-ce que ça va ? dis-je en m'approchant d'elle vraiment soucieux de son état.
Je pris doucement une de ses mains pour qu'elle libère son visage, et m'assure qu'elle n'avait pas le nez cassé ou quelque chose du genre. Je reculai d'un pas.
Rachel était la fille du bar. Rachel était la voleuse de Kinder. Foutu destin.
C'est lorsqu'elle releva enfin son regard bleu marin sur moi que son visage pris une couleur cramoisie, proche du chemisier bordeaux qu'elle portait. Je risquai un demi sourire pour lui faire comprendre que je l'avais reconnue et que la situation était assez risible. Je profitai qu'elle me dévisage pour détailler sa tenue. Un chemisier bordeaux donc, qui laissait entrevoir une lingerie en dentelle de la même couleur, et un décolleté gourmand. Un jean slim et un ventre ... proéminant. Je comprends mieux pourquoi elle ne voulait pas escalader.
- Est-ce que ça va ?
- Mis à part la honte intersidérale qui est en train de m'engloutir tout entière, le fait que j'ai envie de me renfermer dans ces toilettes ou plutôt que le sol s'ouvre sous mes pieds pour me faire disparaitre de cette situation grotesque, tout va bien, DJ Kinder.
- Je m'appelle William.
- Je sais, vous me l'avez dit tout à l'heure.
Elle bougea légèrement la joue pour dégager ma main qui y était toujours installée depuis que j'avais vérifié qu'elle n'était pas blessée. Un bref silence s'installa entre nous avant qu'elle n'esquisse un sourire embarrassé.
- Est-ce qu'on peut sortir d'ici comme si jamais tout ça n'était arrivé ?
- Dommage, moi qui pensais avoir une nouvelle meilleure amie.
Elle sonda mon regard avec ses yeux bleu toujours aussi profonds et de plus en plus déroutant, afin de sonder si j'étais réellement sincère.
- C'est un desir ?
- Je n'oserai pas vous offenser. J'ai déjà volé vos Kinder.
- Je vous offre un verre. Pour la trêve. Et vous remercier de m'avoir sauvé ?
- Les femmes et les enfants d'abord, dis-je en ouvrant la porte sur la salle avec allusion feinte à notre dernière rencontre.

La Magie de Noel ~ Dj Snake  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant