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Il s'était remis à neiger sur la station. 5 jours que j'étais resté enfermé au chalet. 
J'avais d'abord tourné en boucle cette fameuse journée dans ma tête, me demandant si j'avais fait quelque chose de mal, ou qui aurait pu la braquer. Puis j'avais presque espéré qu'elle me recontacte, qu'elle me dise que c'était un méchant mal entendu et qu'elle voulait que je l'aide à choisir un énième sapin pour décorer ... n'importe quoi !
J'étais prêt à faire cet effort pour elle : pousser son caddie rempli à ras-bord de décoration rouges, blanches ou dorées.
Je n'avais même pas son numéro de téléphone, ce qui dans un sens simplifiait grandement les choses. Quoique je fusse plutôt têtu, j'avais trouvé tous les prétextes du monde pour passer devant chez elle histoire de titiller un peu le destin. Ou malencontreusement lui tomber dessus.
J'avais même emmené Sonia et Lila à la patinoire hier après-midi, pensant à mal qu'elle aurait pu, dans un élan de nostalgie, enfiler ses collants et sa jupette rose.
J'avais aussi pris un verre dans ce bar, que je trouvais finalement miteux, en me demandant une bonne centaine de fois pourquoi j'agissais ainsi alors que, dans un autre temps, j'aurai tout fait pour qu'elle m'oublis le plus vite possible.
De la déception je passais à la colère, en me fustigeant d'avoir pensé une seule seconde que nous aurions pu être amis. Et je m'étais fait la raison que c'était surement mieux ainsi.
Tout ça était même très normal à bien y réfléchir. Elle habitait ici, avait sa vie ici, et moi je n'étais qu'un touriste fortuné, comme tous ceux qui passaient leurs vacances dans cette station de ski huppée savoyarde. Un touriste de plus, comme tous ceux qu'elle avait déjà dû rencontrer à chaque saison hivernale depuis son enfance.
Le chalet avait été décoré pour noël, ce qui, pendant quelques secondes, m'avait un peu fait penser à elle. Mais le dégout des fêtes de fin d'années m'avait vite rattrapé et j'étais d'une humeur plutôt massacrante ces derniers jours.
Je m'étais même remis au piano, c'est pour dire.
Aujourd'hui, il faisait plutôt mauvais et très froid, Sonia qui jusqu'à present avait trouvée toutes les idees pour occuper Lila etait restée au chalet. Seul Julie et son fiancé affrontaient le blizzard et devait certainement être en train de congeler sur un télésiège.
C'etait l'heure de la sieste. Seb s'était isolé dans sa chambre pour répondre à la quelque centaine de mails que nous avions reçus depuis notre arrivée et Sonia lisait un livre, blotti sous une couverture près de la cheminée.
Je m'affalais sur le canapé en déposant la tête sur ses jambes. Exténué par la bagarre avec ma fille pour qu'elle s'endorme dans son lit. C'etait trop dur d'etre papa.
- C'est bon elle dort, soufflai-je.
Sonia detourna son regard de son livre pour me jeter un oeil. Le livre de Rachel. Je fermai les yeux en les cachant avec ma main.
- Est-ce que tout va bien mon chéri ?
La question aurait pu presque être anodine. Mais Sonia était comme ma deuxième maman, elle avait ce radar à « ça ne va pas très bien ». Mon attitude y était aussi pour quelque chose.
- Tout va bien, murmurai-je
- Oh, donc ton humeur exécrable est dû au fait que tu n'aimes pas la neige, est-ce que je me trompe ?
Sonia réprima un sourire avant de déposer son livre sur la table basse et d'attraper sa tasse de thé fumante. Elle déposa une main sur mon crâne et me caressa les cheveux. Je détestai ça, parce que je savais que j'allais tout lui avouer, contre mon gré. C'était son pouvoir magique.
- On ne sait vu que deux fois, soufflais-je.
- Oh, tu veux m'en parler ?
- Arretes de faire l'unnocente. Tu sais que je vais t'en parler.
- Alors ? m'encouragea-t-elle
- C'est sans importance. On est amis.
- Oh, donc tout va bien alors, balaya-t-elle.
- Ouai juste amis.
- Sauf erreur de ma part, nous sommes amis, et je n'ai encore jamais eu le plaisir de coucher avec toi, repris Sonia en faisant mine de s'intéresser à sa tasse.
- On n'a pas couché ensemble So.
Sonia s'étouffa avec sa gorgée de thé, qu'elle recracha immédiatement pour éviter que ça ne lui sorte par le nez.
- On n'a pas couché ensemble et je ne coucherais jamais avec elle, repris-je.
Sonia déposa le dos de sa main sur mon front, les yeux grands écarquillés.
- Tu es malade ? Je savais que tu n'étais pas assez habillé pour sortir.
- Elle était coincé dans les toilettes du bar, j'ai défoncé la porte et elle m'a offert un verre. Ça s'arrête là, repris-je en ignorant sa dernière remarque.
Seb arriva sur ces entre-faits, Sonia lui lançât un regard noir alors qu'il s'apprêtait à ouvrir la bouche. J'avais bien vu que cette conversation éveillait des choses en elle. C'était rare quand je me confiais, surtout sur une pseudo-relation avec une fille avec qui je m'entendais bien, ailleurs qu'au lit.
- Elle ne veut pas me revoir de toute façon. Donc il n'y aura rien de plus.
Sonia leva un sourcil. Seb nous regardait tour à tour en essayant de se raccrocher à la conversation.
- C'est la magie de noël, éluda Sonia en frappant dans ses mains. Mon bébé est amoureux. Tu n'es finalement pas un cas aussi désespéré que je le pensais.
- On a bu un verre, elle a croisé son ex. Il était avec une fille, elle a voulu sauver la face. J'étais là. Rien de magique. Et je ne suis pas amoureux. Certainement pas d'ailleurs.
Sonia fronçât légèrement les sourcils pour comprendre et emboiter les pièces du puzzle. Je venais de démonter l'aspect « magique » de ma soi-disant relation en quelques secondes et ça n'avait pas l'air de lui plaire.
- Donc vous jouez la comédie ?
- Seulement quand son ex est dans les parages. Elle a juste envie de lui prouver qu'elle a tourné la page, et surement le rendre jaloux pour qu'il revienne.
- Donc tu aides cette fille, qui te plait, à se remettre avec son mec ? interrogea Seb
C'est vrai que dit à voix haute la situation était grotesque.
- Elle ne me plait pas tant que ça. On rigole c'est tout, me justifiais-je
- Et toi, tu joues ce jeu-là ? Avec une fille ? renchérit Sonia en ignorant ma remarque.
- Toi tu as bien gagné ton mari à une vente aux enchères, dis-je en me remémorant les souvenirs de la vente aux enchères de célibataires dans ce club d'Ibiza où Sonia et Seb s'étaient rencontrés lorsqu'ils avaient 20 ans. Notre bande de pote l'avait inscrit car c'était toujours le seul qui ne sortait avec une fille. Elle, l'avait repéré au petit déjeuner et trop timide pour l'aborder, elle avait surenchéri d'une main de maitre lorsqu'une brune avait misé toute sa dignité pour remporter le diner promis par le concours.
Sonia s'illumina au rappel de ce souvenir et envoyer un baiser à l'attention de son mari.
- Nous étions incapables de nous regarder sans rougir. Il nous fallait juste un coup de pouce. Toi c'est différent, puisque tu es un bourreau des cœurs, me chariat-elle.
- So, tu connais mon rapport avec les femmes. Même si elle m'avait vraiment plu, ça n'aurait pas duré plus de deux nuits consécutives.
- ça c'est ce que tu dis. Ça aurait peut-être pu durer toutes les vacances, qui sait ?
- Et pourquoi ça ?
- Parce qu'elle a une nette tendance à manger plus de kinder bueno que toi, apparemment. C'est déjà un bon début.
- Cette histoire de comédie ne t'empêche pas d'être ami avec elle tu sais, repris Seb
- Je n'en sais rien Seb. Tu sais elle tellement naturelle. Trop. Enthousiaste et souriante, trop aussi. Elle adore noël, beaucoup trop ... 
- Est-ce que ce ne sont pas les autres filles qui n'étaient pas « assez » mon chéri ?
Je jetais un regard terrifié à Sonia. Je la savais intelligente et perspicace, mais son cerveau était allé bien trop vite et le lien était bien trop court à mon goût. Elle venait de démontrer en quelques secondes ce que je redoutais le plus : Rachel était justement tellement différente des autres que c'est pour ça que je l'appréciais autant. Et le fait qu'elle me rejette me faisait vraiment mal au cœur.
- Elle te manque ? repris Sonia en voyant que je réfléchissais un peu trop.
- Non, répondis-je rapidement.
Mes deux amis se regardèrent complices avant de rigoler légèrement.
- Donc c'est pour ça que tu tournes en rond dans le chalet depuis presque une semaine. Donc elle te manque.
- Dans le monde des humains, c'est ce qu'on appelle des émotions Will, remarqua Seb.
- Tu devrais peut-être l'inviter à manger avec nous un soir.
- Quand est-ce que vous avez décidé de devenir mes parents déjà ?
Je soufflais bruyamment en signe de désespoir total. Mes émotions se mélangeaient drôlement et j'avais plutôt pour habitude de les contrôler, lorsqu'elles étaient présente.
Une petite boule me tira de mes réflexions. Lila, les cheveux ébouriffés, venait de grimper sur mes genoux et tira le plaid en fourrure sur nous. Elle se pelotonna sur mon ventre en entourant son corps avec mon bras.
- Tu ne dors pas encore Lila ? interrogea Sonia
- Je n'arrive pas à dormir parce que je suis triste, répondit-elle en reniflant le pouce dans la bouche.
- Qu'est-ce qu'il y a ma puce, raconte à papa, lui dis-je en lui caressant les cheveux.
Si ça marchait sur moi, ça devrait certainement marcher sur elle.
- Au club de ski hier après-midi j'ai vu que Lucas et il était amoureux de Sarah. Alors que moi j'étais en amour pour Lucas.
- Lucas est con.
Ma remarque me dégota une claque sur le front de la part de Sonia.
- Décidément les Grigahcine, l'hiver vous donne du baume au cœur, pouffa Seb sur son fauteuil
- Alors j'ai dit « ta gueule » et j'ai été puni par le moniteur, narra Lila. 
- Lila, on ne dit pas ces mots-là.
- C'est papa qui m'a dit de dire aux méchants garçons, protesta ma fille en réponse à Sonia
- Tu sais Lila, si Lucas est copain avec Sarah c'est peut-être parce que tu ne le lui as pas dit que tu l'aimais bien. Les garçons ont toujours besoin qu'on leur dise tout.
- Tu penses Tatie ?
- Tu peux essayer de le lui dire, et tu verras bien. Peut-être que Lucas peut être ami avec Sarah, et amoureux de toi.
Sonia me tira légèrement les cheveux pour me faire comprendre qu'elle parlait, principalement pour moi.
Peut-être qu'elle avait raison, peut être que je devais lui dire qu'elle me manquait, et que j'aimais bien qu'on se retrouve.
Je me levai rapidement en déposant Lila dans les bras de Sonia. J'attrapai les clés de la porsche posées sur la table basse et enfila ma doudoune.
- Je sors, ne m'attendez pas ce soir.

La Magie de Noel ~ Dj Snake  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant