9.

186 13 0
                                    

J'aurai dû m'en douter. Je savais que c'était une mauvaise idée. Depuis le début, je le sais. C'est aussi pour cela que je m'arrangeais toujours pour déguerpir avant le café du matin.
Mais non, cette fois j'avais opté pour l'option « second RDV », et ça m'apprendra.
Je poussai depuis plus d'une heure un caddie dans les allées d'un magasin « spécial Noël », une Rachel euphorique en bout de rayon.
Je n'arrivais presque pas à suivre la cadence, tant elle trottinait dans les rayons à la recherche de tout ce qui était doré ou lumineux ou scintillant.
Habituellement, les filles faisaient des surprises plus subtiles : un déjeuner dans un resto selecte, ou un massage en duo. Non, moi elle m'avait trainé dans l'antre de la folie, à mon plus grand désespoir.
Je pourrais dire que c'est un second rendez-vous insolite. En tout cas, elle rayonnait, et cette vision m'évitait de ruminer toute ma rancœur pour ce guet-apens sans nom.
Naturellement nous avions chacun pris nos postes : je poussais le caddie et elle le remplissait avec tout ce qui passait sous sa main. Des boules, des guirlandes, des figurines. Tout ce que je détestais en somme.
- On dirait un lutin sous ecsta, marmonai-je
Elle se retourna en fronçant les sourcils.
- Aide moi au lieu de marmonner. Lequel tu préfères ?
Je désignai du menton un renne arborant un manteau et un bonnet de père noël. Le casse-noisette me faisait flipper.
- Qu'en penses-tu pour mettre sous le sapin ?
- Je n'en ai strictement rien à faire.
- Si tu n'étais pas aussi sexy je te balancerais ce renne à la figure.
- Tu me trouves sexy ?
-  William, je suis enceinte, je trouve tout le monde sexy. Et ne fais pas comme si tu n'étais pas au courant. Et tu dois aussi te douter que je ne suis pas la seule à le penser. Bien que tu ais aussi quelques vilains défauts.
- Ah oui, et lesquels ?
- Ton humilité, en tout premier. Non, plutôt ta goujaterie, et ton léger penchant à piquer les chocolats d'une femme qui était prête à te plaquer au sol
- Tu aurais dû me passer sur le corps, pour récupérer ces chocolats.
Je remarquai un mouvement d'arrêt dans la contemplation du rayons guirlande lumineuse après ma dernière remarque. Elle prit soin de ne pas tourner son regard vers moi mais elle en avait tres envie.
- En fait, j'aurai bien aimé que tu me passes sur le corps, dis-je en effleurant ses fesses avec ma hanche avant de la dépasser. 
Elle me lançât un regard avant de baisser la tête en rougissant après s'être aperçut que je la regardais. J'aimais la rendre mal à l'aise, c'était craquant. Elle était tellement prévisible, et tellement premier degré que ce n'était pas si difficile de la déstabiliser. Elle se remis dans la contemplation du rayon et tendis le bras aussi haut qu'elle pouvait pour attraper la guirlande sur le dernier rayon.
- Besoin d'aide ?
Je m'étais subtilement rapproché. J'avais aussi abaissé ma voix pour la rendre plus grave et planté mon regard dans le sien. Je frôlais son bras sans la lâcher d'un iota pour attraper le paquet qu'elle convoitait. Son ventre effleurait le mien, et, pris à mon propre piège, je me surpris à apprécier ce moment. Ses joues rougirent encore plus violement et ses grands yeux s'agrandirent. Elle avait mis du mascara qui mettait le bleu profond de son regard en valeur. Elle laissa tomber la boite lorsque je l'avais descendu à sa hauteur. Confuse, elle cogna sa tête sur le caddie avant de se confondre en excuse en se massant le front. Sa main se retrouva instinctivement sur son ventre, toujours en signe de protection, créant une barrière invisible entre nos deux corps.
- Je crois que j'ai tout, murmura-t-elle. 

J'avais été impressionné par son incroyable sens du rangement. Elle avait réussi à faire rentrer l'intégralité des achats dans le coffre du 4x4, les rangeant aussi méthodiquement qu'un niveau supérieur de tétris. Elle n'avait pas croisé mon regard depuis que j'avais flirté avec elle dans le rayon luminaire, et ça me faisait rire intérieurement.
- Il nous manque le sapin et ce sera bon.
Elle grimpa dans la voiture et me dirigea sur des petites routes de montagne pour atterrir au milieu d'une ferme dernier cri, où on faisait pousser des sapins. Elle sortit, toujours en silence, pour se diriger vers les allées de la pépinière, remplis de sapin de toutes les tailles et toutes les formes.
- Que penses-tu de celui-là ?
Elle désigna l'arbre le plus haut et le plus touffus.
- Il ne rentrera pas dans la voiture vu tout ce que tu as déjà pris.
- Je peux le faire livrer
- C'est écrit : pas de livraison, dis-je en désignant un panonceau à l'entrée de l'allée.
- Depuis quand tu respectes les règles ?
Elle se retourna pour me sourire victorieusement. Elle était satisfaite de sa répartie, je la laisserai donc se délecter de sa petite victoire.
- Est-ce que je peux vous aider ?
Nous nous retournâmes sur un beau blond. Instinctivement je pris fermement la main de Rachel, par mesure de protection, uniquement. Elle se tourna vers moi en regardant nos deux mains enlacées. Elle tira légèrement sur la sienne, que je retins d'une pression ferme.
- Salut Dimitri.
- Rachel, comment tu vas ? Ça pousse ?
- Oui, éclosion en février.
- Comme les bourgeons
Je rêve ou ils flirtaient ouvertement devant moi. Ils flirtaient en parlant de sapin. Je pouvais aussi parler de plantation si c'est ça qui la faisait kiffer.
Elle profita de mon petit moment d'égarement pour retirer sa main de la mienne, et les croisât sur son ventre. Elle se protégeait.
- On aimerait celui-ci. Tu pourrais le faire livrer ?
- Oui bien sûr. Par contre je ne reprends pas ceux déjà vendus.
- Oh non, c'est juste une livraison de dernière minute. Il manquait un sapin.
- Tu es satisfaite du tiens ?
- Oui très. Il rentre pile poil dans mon salon.
- Je t'ai gardé le plus beau. Comme d'habitude.
Je la detaillais en coin : main dans les cheveux et sourire gené collé sur le visage. Elle se fichait de moi. Je me raclais la gorge pour lui rappeler ma présence. Elle me jeta un regard en coin surpris. Elle ne comprenait donc aucune allusion. Il fallait tout faire soi-même. 
- Je suis William.
- Salut.
- On le prend et on va le faire livrer chez nous, insistai-je
Dimitri lançat un regard interrogateur à Rachel avant de lui sourire franchement. Il nous indiqua mettre une étiquette sur le sapin pour le réserver, son père s'occuperait de la livraison dans l'après-midi. Il s'éloigna rapidement après avoir été interpellé par d'autres clients.
- C'était quoi ça ? m'interrogea Rachel
- C'était un ex lui aussi ?
- Ne réponds pas à mes questions par une question.
- Et pourquoi pas ?
- Je devrai rajouter jaloux, ou peut être possessif, à ton listing de défaut.
- Je ne suis ni possessif, ni jaloux.
- Je suis William, m'imita-t-elle. Allez vient, on devrait rentrer avant d'être coincés sous la neige.
Elle prit le soin de ne surtout pas me toucher lorsqu'elle passa devant moi pour rejoindre notre véhicule.
Le trajet fut, comme l'allée, assez silencieux. Je remarquai une nouvelle fois qu'elle avait posé une main sur son ventre, chose qu'elle faisait de plus en plus souvent. Est-ce qu'elle se sentait bien avec moi ? Surement pas. Je la sortais de sa zone de confort et sa petite vie bien organisée, elle devait se faire violence pour faire comme si tout allait bien. J'avais remarqué qu'elle avait été vexée de mon intervention chez le pépiniériste, et je m'en voulais pour ça. Je ne voulais surtout pas qu'on se sépare en pensait que j'étais cet homme mesquin qu'elle pensait sérieusement que j'étais.
Je profitais des embouteillages causés par le chassé croisé des départs/arrivés pour entamer une nouvelle discussion sur son sujet favoris.
- Tu as fait une liste au Père Noël.
- Je n'ai plus 10 ans William, je ne crois plus au Père Noël depuis longtemps.
Mauvaise idée, un demi sourire mourus sur ses lèvres. J'avais bien remarqué qu'elle était malheureuse.
- Si on pouvait exaucer ton vœu ce serait quoi ? Ton vœu de Noël. Un cadeau que tu aimerais.
- J'aimerai aller à New-York, faire du patin à glace à Central Park, avec une jupette rose et des collants blancs. Puis déguster un Cronuts et un latté à la cannelle sur la 5ème avenue.
- On a qu'à le faire, dis-je après une minute de réflexion
- De quoi ?
- Toi et moi. Je réserve un vol pour New-York et on passe noël là-bas.
Pour la première fois depuis que nous avions quittés la ferme, elle déporta son regard sur moi. Même un peu agacée elle avait cette douceur dans les yeux.
- On est dans la vraie vie William. Et dans la vraie vie, on n'invite pas une fille qu'on ne connait pas à traverser la moitié de la planète pour patiner.
- Je croyais que nous étions meilleurs amis.
- On ne se connait même pas William.
- Moi je te connais plus que tu le penses.
- J'en doute.
- Tu te nourris exclusivement de chocolat, tu as une nette tendance à vouloir jouer avec ta vie et par conséquent mettre en danger celle des autres, tu frétilles à chaque fois que tu entends le mot en 4 lettres.
- Le mot en 4 lettres ?
- Noël.
- Je ne « frétille » pas.
- Arrêtes, je viens de le dire et tu as les yeux qui brillent.
Elle attrapa le bout de sa tresse en souriant et le tritura.
- Ce n'est pas ça William, souffla-t-elle
- C'est quoi alors ?
Elle souffla avant de reporter son attention sur les vallées enneigées, et les flocons qui recouvraient encore la première couche de neige déjà bien trop épaisse à mon goût.
- Tu es plutôt adepte des rencontres ... fortuites. Et moi et bien ... j'attends autre chose, d'une relation. C'est plutôt ça, que je voulais dire.
- Et m'embrasser après deux verres de Coca tu ne trouves pas ça ... fortuit ?
- C'était un cas d'urgence. Ça ne se reproduira plus, s'agaça-t-elle. C'est idiot. On est amis, tu as raison.
- Je ne crois pas qu'on dise à ses amis qu'ils sont sexy, repris-je en me cramponnant au volant.
C'était double tranchant. Je la sentais s'éloigner de plus en plus. Cette fois, elle avait déposé ses deux mains qui caressaient son ventre, et elle se dandinait de plus en plus sur son siège, essayant de trouver une position la plus éloignée de moi.
- Tu ne comprends pas.
- Alors qu'est-ce que je dois comprendre, dis-je en haussant le ton.
- Je suis enceinte William ! cria-t-elle. Je suis enceinte de 6 mois, et les gars comme toi ne veulent pas s'enticher de fille comme moi. Voilà pourquoi on n'ira pas ensemble à New York, ni ailleurs d'ailleurs, reprit-elle plus doucement.
- Pourquoi est-ce que tu te caches toujours derrière ta grossesse ?
Elle me dévisagea avant de retourner son visage vers la vitre, en se mordant la lèvre. Sa main avait quitté son ventre, et elle se mordait le pouce.
Je me flagellais mentalement. J'étais allé trop loin en voulant simplement la faire sortir de sa zone de confort. Et j'avais actionné la corde sensible. Elle était maintenant complètement tournée vers la vitre et fermée à toute discussion.
Elle n'était pas méchante. Elle n'était pas de ce monde. Malgré elle, elle me faisait me sentir normal. Heureux. Et ça faisait bien longtemps que je n'avais pas passé du bon temps avec une fille, en tout bien tout honneur. Pour la première fois depuis 4 ans, je n'avais pas pensé une seconde à Louise. Pas une seule seconde, je n'avais été malheureux. Et malgré toute mon aversion pour noël et les fêtes de fin d'années en générale, j'avais passé une super après-midi. Et c'était terminé.
Le trafic se débloqua, et nous fûmes rapidement arrivés devant son immeuble. Une place se libéra, et je me faufilais pour m'y garer rapidement.
- New York n'était peut-être pas la meilleure des idées, mais je peux tout de même t'inviter à diner.
- Je suis fatiguée. J'ai envie de rentrer, chez moi.
- Je ne voulais pas être grossier Rachel. Je suis un idiot c'est tout.
- Peux-tu m'aider à décharger les paquets ?
Elle claqua la portière avant de se diriger à l'arrière pour ouvrir le coffre.
- Tu peux les poser là, dit-elle en désignant un coin dans le hall de son immeuble.
Sa main avait retrouvé son ventre. Elle ne voulait pas continuer cette conversation. Et moi j'étais du genre têtu.
- Écoute, je sais que tu n'as pas l'habitude de tout ça. Mais j'ai passé une super après-midi avec toi ça faisait longtemps que je n'avais pas rigolé comme ça.
- Qu'est-ce que tu définis dans « tout ça » au juste ?
- Sortir de chez toi, boire un verre, parler à des gens, le second degré, tentai-je en trait d'humour même si je savais qu'elle ne saisirait pas. Ta grossesse ne doit pas être un frein. C'est un fait, c'est tout.
- C'est un gros fait.
- C'est un gros fait si tu veux.
Elle baissa les yeux et lissa sa tresse. Lorsqu'elle releva son regard vers moi, il n'exprimait que douceur et bienveillance, et cela fit redescendre la tension qui s'installait entre nous, instantanément.
- On n'est pas obligé d'aller à New York pour patiner. Il y a un espace pour les enfants sur la place centrale. Est-ce tu veux ... y aller ?
- Je t'attends le temps d'enfiler tes collants et ta jupette ?
- Une façon subtile pour me rappeler que je ne rentre plus dedans ? dit-elle en attrapant ma main.

La Magie de Noel ~ Dj Snake  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant