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- Mais franchement tu penses que ça pourrait être une bonne idée ?
- Je ne sais pas Pao, le beige c'est surfait honnêtement
- Oui mais c'est chic.
- Bien sûr, mais tu peux être chic en vert d'eau ou bleu ciel par exemple.
- Je ne veux pas que mon hôtel ressemble à un endroit de passe bas de gamme.
- Tu exagères, c'est un hôtel 5 étoiles chéri. Ou en sont la construction des 5 autres chalets ? Parce que finalement, on a pas mal de demande
Je séparai mes pommes de terre dans mon assiette en écoutant d'une oreille les conversations de Paolo et Anna sur la potentielle rénovation de l'hôtel. Comme je siégeais au conseil d'administration, j'avais bien entendu ma voix à donner, mais pour le moment c'était le cadet de mes soucis.
En rentrant du chalet ce matin, je m'étais terrée dans mon appartement. Dans une frénésie d'angoisse, j'avais briqué, rangé et aménagé la chambre du bébé, qui jusque-là était une zone sinistrée où je n'avais pas encore mis les pieds. Et ça avait été la plus grosse erreur de ma vie, parce que j'avais pris une crise d'angoisse phénoménale en imaginant ce bébé, et William, dans le même appartement.
- T'en penses quoi Rach ? Rach ?
- J'ai rencontré quelqu'un, lâchais-je sans réfléchir.
Pour une des rares fois dans ma vie, je pouvais dire que j'avais cloué le bec à mon frère ET sa femme, en même temps.
Je relevais les yeux vers eux en avalant une bouchée qui avait beaucoup de mal à passer. Anna se raclait la gorge, elle était un peu au courant, et mon frère avait pris son expression de fin négociateur. J'allais passer un sale moment.
- Tu as rencontré quelqu'un ?
- Oui, il s'appelle William
- Et il vient d'où ?
Je baissais la tete optant pour le silence. Je me mordais l'interieur des joues, ca m'avait échappé.
Mon frère balança sa fourchette qui cogna contre la porcelaine de l'assiette. Il s'essuya la bouche et je soupçonnais qu'il essayait de se maitriser. Anna posa sa main sur son avant-bras.
- Tu le connais, interrogea Paolo à l'attention d'Anna qui ne savait plus où se mettre
- Je suis beaucoup au travail en cette fin d'année et je n'ai pas beaucoup vu Rachel et ...
- J'ai demandé, est-ce que tu le connais ?
J'implorais Anna du regard, mais je savais qu'elle se rangerait du côté de Paolo.
- C'est le locataire du chalet diamant, répondis-t-elle en fermant les yeux, traitresse.
Paolo se leva brutalement de table en jetant sa serviette et fis les 100 pas entre le salon et la petite salle à manger où nous mangions.
- C'est le DJ ?
Anna baissa sa tête à son tour. Signe d'approbation.
- Donc je l'héberge. Dans mon hôtel ?
- Il paye 21 000 € la nuit je te rappelle, soufflais-je
- Je me fiche de son argent. Tu arrêtes tout de suite, un point c'est tout.
- Non.
- Comment ça non ? Tu n'as pas le choix.
- Je suis une grande fille Paolo, j'ai le droit de voir qui je veux.
- Je t'autorise à sortir une fois et tu tombes sur lui c'est le comble.
- Tu m'autorise ? Tu plaisantes j'espère.
- Il profite de toi Rachel, tu ne le vois pas sérieusement ? Arrête tout de suite avec lui, et on en parle plus, s'excéda-t-il en se pinçant l'arrêtes du nez.
- Je n'arrêterais rien du tout. On s'entends bien, il me rend heureuse.
- Tu ne sais même pas ce que c'est d'être heureuse.
- Pourquoi tu réagis comme ça ?
- Parce que tu ne sais pas ce que tu fais Rachel, cria Paolo. Tu n'es pas dans ton état normal et il profites de toi.
- J'ai 28 ans, je suis une grande fille.
- La preuve que non !
Il s'était énervé bien trop vite. Le sujet « petit copain » et « grossesse » étaient les deux sujets qu'il fallait éviter de m'associer devant mon frère. Il sortait de ses gonds, à chaque fois.
- Pourquoi est-ce que ça te met aussi mal à l'aise de savoir que je sors avec quelqu'un ?
- Je ne suis pas mal à l'aise Rach
- Tu as peur de ce qu'on pourrait dire ?
- Tu vois, ça, ça me prouve que tu n'es qu'une enfant.
- Tu ne le connais même pas.
- Je n'ai pas besoin de le connaitre pour savoir que je ne l'aime pas. Je ne veux plus qu'il t'approche, tu entends.
- Peut être que moi aussi j'en ai envie. Moi aussi j'ai envie d'être aimée, de sortir, de rire, de faire l'am..
- Ne termines pas ta phrase !
- Alors quoi ? tu penses que je suis l'œuvre du saint esprit Paolo ?
- Tu es une enfant. Tu ne sais pas ce que tu veux, tu es casanière et tu écris des bouquins d'amour. Il est DJ, Rachel.
- Et alors ?
- Tu penses qu'il va t'appeler le soir ? Tu penses qu'il va venir te voir le week-end ? Tu seras ici, lui à Paris. Tu penses qu'il va subvenir à tes besoins ? Jouer les pères modèles. Il n'en a rien à foutre Rach. Arrête de croire que l'amour c'est comme dans tes romans à la con.
Le jugement devenait de plus en plus dur. Je me levais pour lui faire face. Cette fois-ci je ne me laisserais pas faire. Idéalement, j'aurais voulu échanger avec mon frère et mon amie. Là, ça virait au drame.
- Ce qui te dérange c'est que je sois enceinte et qu'il me regarde comme une femme, que je suis, et non un ventre sur patte, comme la plupart des gens me voient.
- Certainement pas. Il s'amuse avec toi, ça doit juste être un délire salace et c'est tout.
Il tournait autour du pot. Paolo ne parlait jamais de ma grossesse. Il me protégeait de l'extérieur, il me protégeait des commérages, mais il n'en parlait pas. Parce qu'il avait honte que sa petite sœur, soit tombée enceinte d'un inconnu après une rupture difficile. Seule et sans véritable emploi.
- Un délire salace ? Qu'est-ce qui est un délire salace au juste ?
- Tout ça, dit-il en me désignant du menton.
- Tout ça, quoi ? insistais-je sachant pertinemment de quoi il voulait parler.
- Toi, Rachel. Toi. Tu es un désire salace.
- Parce que tu penses qu'il couche avec moi juste parce que je suis enceinte ?
- Parce que vous avez couché ensemble ?
- Bien sûr que oui Paolo, nous sommes en 2023 enfin ! hurlais-je. De m'enfermer dans une tour dorée ne résoudra rien ! Bien au contraire !
- Ca permets de résoudre une partie du problème.
- Le problème ? C'est mon bébé que tu appelles « le problème » ?
- Ce n'est pas ce que je voulais dire Rach, tu m'as comprise.
- Non, je ne comprends pas. Je ne comprends pas parce que ça fait 6 mois que tu refuses d'en parler. Mais regarde la vérité en face Paolo, je suis enceinte. Enceinte jusqu'au yeux, j'accouche dans deux mois ! Mais malgré ça, j'aimerai vivre ma vie. Tu as tellement honte que tu me caches. Et tu sais ce qui me fait le plus de mal, tu fais ça juste parce que tu as peur qu'on parle sur nous, sur toi, sur ta femme qui était ta secrétaire parce qu'on sait tous pourquoi elle a été promue, et tu as surtout peur que la réputation de l'hôtel en prenne un coup. Mais tu sais quoi Paolo, tout le monde le sait. Tout le monde sait que je me suis fait sauter dans un champ parce que j'avais trop bu, par un inconnu tout aussi alcoolisé que moi !
La gifle partie toute seule. Ma joue se mit à bruler. Mon frère ne m'avait jamais touché, il m'avait toujours protégée. Je le regardais les yeux noirs et le regard vide.
- Sors de chez moi
- Rachel je suis désolé, implora-t-il
- William qui ne me connais pas, ne m'a pas jugé, lui. Sors. De. Chez. Moi. Immédiatement.
Mes yeux s'emplirent de larmes et je tournais les talons pour me réfugier dans ma chambre en claquant la porte. J'explosais en enfouissant ma tête dans l'oreiller pour étouffer mes cris. Je déversais toute ma tristesse. J'étais triste parce que je venais de me disputer avec mon frère qui ne me faisais pas confiance. J'étais triste parce que je savais pertinemment que mon histoire avec William était vouée à l'échec, et j'étais encore plus triste parce que j'avais besoin d'un repère un soutient, pour m'éclairer sur les suites que je devais donner à tout ça.
La porte de ma chambre s'ouvrit doucement. Anna et Paolo s'asseyèrent au bout du lot. Elle déposa sa main sur mes chevilles.
- Rach, commença Paolo. Je suis vraiment désolé mon cœur. 
Ma gorge me brulait, mes yeux me piquaient, mais je ne lui en voulais même pas. Après tout, il cherchait juste à me protéger. Nous avions tous les deux dépassés les limites.
- Tu ne me fais pas honte, bien au contraire. Je suis super fier de toi. Tu es une battante, et tu traverses les épreuves avec la tête haute. J'en serai incapable. T'es la femme la plus forte que je connaisse. Je veux juste te protéger, parce que tu mérites d'être heureuse.
Je me relevais pour attraper mon frère et m'enfouir au creux de ses bras.

Un litre de thé plus tard, et les tensions apaisées, nous discutions plus calmement.
- Donc vous ... entama Anna
Je hochais la tête en silence, tout en guettant la réaction de mon frère assis à la table du salon.
- Et comment ? continua-t-elle
- On s'est rencontré au supermarché, puis dans un bar. Il m'a aidé pour ne pas perdre la face devant Maxime et une chose en entrainant une autre ... je l'aime bien.
- Tu ne devrais pas avoir honte devant ce petit con Rach
- Paolo, le sermonna Anna. Donc je suppose que maintenant ... vous ne jouez plus ?
- Il est vraiment génial. Je vous jure. Et je ne sais absolument pas comment gérer ça, parce que je suis moi-même complètement perdue ... c'est lui qui veut essayer, avouais-je
- Et toi que veux-tu vraiment ma chérie, me demande Anna
- Je crois que je suis en train de tomber amoureuse de lui, me murmurais-je
Je peinais à trouver les bons mots pour exprimer ce que je ressentais vraiment. L'amour était peut-être un peu fort, l'amitié trop faible. Tout ce que je savais c'est que dès qu'il était près de moi j'oubliais tout, et il n'y a que lui et moi qui comptait.
- Tu es consciente qu'il est ici en vacances, commença mon frère prudemment
- Je sais. Et lui aussi le sait. 
- Et qu'après il risque de retourner à Paris, continua-t-il
- Inutile de me le rappeler. Mais j'aimerai bien profiter des bons moments. Juste des bons moments avant l'accouchement.
- On veut juste te préserver mon cœur, me dit Paolo qui se rapprocha pour me serrer la main. Tu as vécu une année difficile, et je n'aimerais pas que la suivante soit pareille. En plus, tu auras ton bébé et ...
- Ce que veut dire Paolo, repris Anna. C'est qu'à force de s'enflammer on finit en cendre.
- Je sais qu'il se fiche de moi Pao, je le sais. Je sais que ca sera uniquement pour les vacances. Mais pour une fois j'oublis tout, et il me fair sourire. Alors laisse moi y croire. Quelques minutes. Juste quelques minutes, reniflais-je.
L'entendre se le dire tout haut était déroutant, tout simplement parce qu'elle avait raison. Mais je ne voulais pas me l'avouer. Pas tout de suite du moins. Je regardais l'heure sur mon portable, presque minuit, j'avais déjà eu quelques appels en absences et plusieurs sms.
- Je devais le rejoindre ce soir, soufflai-je
- Tu veux que je t'accompagne ? Je ne veux pas que tu prennes la voiture, il est tard.
- Surtout pas, rigolais-je. J'ai eu assez d'émotions pour ce soir, je ne suis pas encore prête d'affronter la bénédiction familiale, ironisais-je
Paolo me sourit, et attrapa la main de sa compagne, un regard entendu.
- Vous ne m'arrêtez pas ?
- Non, rit Anna. Pourquoi on te retiendrait ?
- Parce que je m'enflamme ? tentais-je
- Rachel, tu as 28 ans, tu vas devenir une super maman, et tu as passés les 6 derniers mois dans ton appartement. Je pense que tu as un roman à terminer, non ?
Lentement, j'enfilai ma doudoune et mon bonnet pour affronter le froid nocturne.
- Je t'accompagne, m'interpella mon frère, inflexible.
- Non Pao
- Promis je ne monte pas.
- Tu peux lui accorder ça, me souffla Anna alors qu'elle enfilait ses bottes.
- De toute façon, il paye bien trop cher pour que je lui demande de partir, ironisa mon frère en entrant dans son véhicule lorsque nous fumes dehors.

La Magie de Noel ~ Dj Snake  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant