7.

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Je n'avais jamais vu une femme déguerpir aussi vite après un premier baiser. J'avais confiance en moi, j'avais de l'expérience. Mais il est vrai qu'en la voyant s'affoler en remettant son manteau, j'aurai presque pu me sentir vexé.
- Je dois y aller, me dit-elle confuse
- Attends, je te raccompagne, dis-je en enfilant ma propre parka.
La situation avait complètement changé. Elle avait le regard fuyant. Elle était subitement essoufflée et elle tenait son ventre, comme si cela lui permettait de se protéger du regard extérieur. Ce geste m'attendrit. C'était le premier geste affectif qu'elle avait envers son bébé. Je me souviens que Louise avait constamment sa main sur le ventre, dès lors qu'elle avait appris attendre un enfant.
Elle avait l'air paniqué, complètement irrationnelle. Regardant à droite, puis à gauche, ne sachant pas trop où se mettre.
Je sortie un billet que je laissai au comptoir pour payer nos consommations, avant de l'inviter à suivre la sortie habituelle, qu'elle n'avait pas l'air de reconnaitre ou peut etre etait-ce son affolement trop pressant qui lui faisait perdre toute notion de l'espace.
En sortant elle prit le chemin de droite avant de subitement faire volteface pour remonter la rue dans l'autre sens. Elle marchait vite et je n'arrivais presque pas à suivre. Ses joues rougissaient avec le froid. Je lui pris le bras doucement pour la calmer.
- Hey
- Je suis désolé. De vous ... de t'avoir embrassé, et tout ça, debita-t-elle
- Tu regrettes ?
- Oui, non. Je ne sais pas. Il faut que j'y aille. Merci pour les toilettes et pour le verre.
Je ramassais le bonnet qu'elle venait de faire tomber avant de lui attraper la main pour la faire s'arrêter. C'était impromptu et inattendu. Mais je n'avais plus 15 ans, je n'allais pas tomber amoureux d'une fille qui m'embrassait subitement dans un bar.
A ma grande surprise elle s'arrêta. Et agita sa main pour se calmer tout en essayant de caler sa respiration. Je l'invitai ou plutot la forçai a s'asseoir sur le banc de l'arrer de bus devant nous.
- Tu dois me prendre pour une cinglée !
- J'en ai vu beaucoup tu sais.
Elle était tellement rouge qu'elle allait exploser. Ou peut-être même accoucher. Et je n'étais pas encore prêt à ça. Elle repris doucement une respiration presque normale sans lacher ses pieds des yeux. Je restai debout devant elle, sans trop savoir comment agir. Je voulais vraiment qu'elle se calme, j'avais passé une bonne soirée et il n'y avait pas mort d'homme.
- C'était très bien, lâcha-t-elle. Un peu trop bien d'ailleurs.
Je lui relevais le menton avec les doigts pour qu'elle me regarde. Son regard profond se posa sur moi.
- Tu m'as pris de court, d'habitude je sais quand une fille va m'embrasser. Préviens-moi la prochaine fois, histoire qu'on passe tous les deux un bon moment.
- Il n'y aura pas de prochaine fois William. C'était juste ... un concours de circonstance.
- C'est à cause de ce mec ?
Elle hocha la tête avant de replonger le nez sur le bout de ses chaussures.
- C'est puéril. Je ... c'est ... enfin.
- Respire.
- J'ai honte. Je ne fais pas ça d'habitude.
- Les habitudes sont faites pour être changées. Moi je ne bois jamais deux verres avec la même personne.
Elle sourit, et je retrouvais une lueur d'amusement dans ses yeux bleus. Ça me rassurait.
- Comment on fait pour oublier ça ? dit-elle en plongeant son visage dans ses mains.
- On dédramatise. Ce n'est qu'un baiser. Pas si bon en plus. Sauf si évidement ça risque de t'attirer des problèmes.
Elle paniquait parce qu'elle risquait surement une crise de jalousie monumentale. Mais si je l'avais vu venir je l'aurais bien évidement repoussée, ne serait-ce que pour elle évite de faire une grosse bêtise.
Sa respiration reprenait enfin un rythme quasi normal.
- Tu veux en parler ?
- Non, je veux tout oublier. Et m'enterrer vivante dans un endroit où jamais personne ne me trouvera.
Je jetai un coup d'œil à l'intérieur du bar où, de dehors, on voyait se dessiner les corps des clients.
- C'est ton ex, c'est ça ?
- Oui.
- Et tu voulais le rendre jaloux ?
- Non. Je ne voulais pas qu'il pense que je sois désespéré.
- Pourquoi penserait-il ça ?
- Parce que je suis seule, enceinte, un vendredi soir. Et lui et bien, il est avec ... elle. Voilà pourquoi. Et pourquoi je réponds à tes questions d'ailleurs ?! Je voulais lui montrer que j'étais passé à autre chose. Et tu étais là, au mauvais moment, mauvais endroit.
- Tu veux le récupérer c'est ça ? Pour le bébé ?
- Non, s'offusqua-t-elle
Je sentais le sujet délicat. On allait donc parler de l'ex maudit, dont elle était visiblement encore amoureuse, et avec qui elle attendait un enfant, que lui n'avait pas l'air de vouloir, ou de s'en soucier tout du moins. Ils sont vraiment bizarres à la montagne.
- De toute façon il a du se douter que toi et moi et bien ... ce n'est pas possible de toute façon.
- Pourquoi ?
- Parce que tu es toi et je suis moi. Et que je n'ai connu personne depuis notre rupture il y a un an.
C'était assez confus comme discours. Je jetais une nouvelle fois un coup d'œil à son ventre proéminant, qu'elle caressait frénétiquement.
- Ne te sous-estime pas.
- Tu m'aurais regardé si tu avais été en boite avec tes copains ? Je ne pense pas.
- Je vais devoir te prouver le contraire alors. Aller, ça va aller. C'était drôle.
Elle n'avait pas tort. Je ne l'aurais pas regardé. Mais ce soir c'etait different. Notre rencontre. Notre pseudo rdv raté. Je n'avais même pas pensé à tenter quoique ce soit avec elle. J'avais juste envie de prolonger la soirée, parce qu'elle était sympa, et qu'elle ne me traitait pas comme la personnalité que j'étais. Le fait qu'elle soit enceinte m'avais finalement rassuré sur le fait qu'elle ne me draguerait pas et que je n'étais pas obligé de me sentir intéressé par elle. Et j'avais été moi-même, chose que je n'avais pas été depuis bien longtemps. Je la détaillai rapidement, elle avait des cheveux long, brun, tressés, un petit nez retroussé, des lèvres charnues, et ses yeux bleus si profond qu'ils m'avaient hypnotisés toute la soirée. Elle essuya quelques larmes qui perlaient aux coins de ses yeux.
Je lui tendis une main pour qu'elle me suive. Je tirai légèrement sur celle qu'elle me tendit pour l'agripper par les épaules et l'enlacer afin de dédramatiser la situation.
- Tu es la premiere fille qui m'embrasse par surprise
- Et ça devrait me rassurer ?
- Oui, parce que je ne me laisse jamais surprendre. Tu devrais t'habiller, tu vas prendre froid.
Elle referma son manteau et réajusta son écharpe en me souriant légèrement.
- La station de taxi est un peu plus bas par là. Moi je remonte au centre.
Elle me sourit une nouvelle fois, un peu plus franchement. Elle se dandinait sur ses pieds ne sachant pas trop comment reagir. Moi non plus d'ailleurs, est ce que je devais lui faire la bise ... ou l'embrasser ?! J'optai pour l'option intermédiaire je la pris une nouvelle fois dans mes bras.
- Rachel, décidément !
J'entendis la voix masculine derrière moi. Elle me poussa légèrement pour s'écarter de mon torse où elle avait posé sa tête. Et je sentis son corps se raidir brutalement.
Je me retournai sur une homme brun, representant tout ce que je detestais chez quelqu'un. L'ex donc. Je tendis la main, pour faire un semblant de politesse lorsqu'il s'approchat de nous tout sourire. Il l'attrapa en me toisant, je lui rendais son regard. Je sentais Rachel tendue dans mon dos. J'avais comme une irrépressible envie de la defendre.
- Je ne voulais pas vous déranger, juste te saluer. Je n'ai pas eu l'occasion de te le dire la dernière fois mais tu es ... resplendissante.
Je jetais un œil dans le dos du fameux Maxime. Barbie l'attendait devant le bar en pianotant sur son téléphone portable.
J'enroulai mon bras autour de la taille de Rachel, toujours plantée derriere moi sans pouvoir bouger, et déposa une main possessive sur son ventre, la ramenant légèrement contre moi, pour réduire l'espace entre son dos et mon torse. Et lui faire comprendre qu'elle n'était pas seule.
- On allait rentrer, il commence à neiger, répliquais-je peut être un peu trop durement.
J'embrassai sa tempe pour faire illusion que nous étions amoureux transis. Mais aussi parce que je voulais la protéger de ce mec qui avait l'air de lui avoir fait du mal. Et puis après tout, je savais très bien tenir des rôles.
- On se connait non ?
- Je ne pense pas.
Il secoua légèrement la tête avant de reporter son attention sur Rachel, que je sentis se raidir encore un peu plus contre mon torse.
- On inaugure les travaux de l'hôtel la semaine prochaine. J'espère que tu, enfin que vous pourrez passer.
- Tout dépendra de son état. Le bébé la fatigue beaucoup, répondis-je pour elle.
Maxime baissa à nouveau son regard sur son ventre. Ma main effectuait de léger cercle, pour lui rappeler qu'il n'était plus personne pour elle. Rachel attrapa ma main et noua ses doigts si fort aux miens que je sentis le sang s'en dégager. Je détestai qu'on me touche. Dans un autre contexte, je lui aurais arraché les doigts.
- Oui, oh c'est vrai. Et bien, félicitations au fait. C'est prévu pour quand ?
Félicitations ? Il n'avait pas l'air au courant de quoique ce soit. Ce n'était donc pas le père de l'enfant. C'est pour ça qu'elle était aussi mal à l'aise en sa présence.
- Février, coupai-je
- Ca arrive vite, répondit-il confus.
- Oui, on a encore plein de chose à préparer. Et j'ai perdu mon pari, donc je dois monter le berceau ce soir. Donc on va vous laisser, tu viens, bébé ?
- Oui, on est en train de décorer la chambre, on a plein de chose à acheter, répondit-elle sur un ton glacial, traduisant son malaise évident.
- Ok, je ne vous retiens pas. Au fait, j'ai rencontré quelqu'un : Karine. Si ça vous dit, on pourrait organiser un diner tous les quatre. Enfin, si tu te sens, bien évidemment.
- Elle vous appellera.
- Oui, je dois y aller aussi de toute façon. Tu me tiens au courant pour l'inauguration. J'aimerai qu'on parle, tous les deux, insista-t-il
Il nous salua avant de rejoindre la fameuse Karine puis disparurent dans la berline qui les attendait devant le bar.
A peine rentra t-il ans la voiture que j'arrachai ma main à la torture qu'elle subissait.
- Désolé, j'étais nerveuse.
- Je suis DJ et j'ai vraiment besoin de mes mains.
Elle attrapa ma main avant de masser doucement mes phalanges meurtries. Je me sentis tout à coup mal à l'aise de ce geste intime. Je retirais ma main un peu trop brutalement.
- Excuse-moi, mais je n'aime pas trop ... qu'on me touche.
Elle hocha de la tête en guise d'excuse et je vis ses joues se retinter de rose.
- Je vais y aller. Merci pour tout. Encore une fois.
- Je te raccompagne.
- Non, j'habite au bout de la rue, t'inquiètes pas.
- J'ai le droit de raccompagner la mère de mon bébé non ? Ironisai-je.
- Est-ce une technique pour savoir où j'habite ?
- Peut être.
Elle roula des yeux horrifiés. J'avais oublié qu'elle n'avait aucun second degré.
- Je rigole. C'est juste pour m'assurer que tu rentres en un seul morceau. Et qu'un ex ne traine pas dans les parages
Elle me fit un signe de tête pour m'inciter à la suivre. Elle n'avait pas menti, son immeuble était au bout de la rue, sur la place centrale de la petite ville de montagne.
- Bon, entama-t-elle en se retournant sur le seuil du hall. C'est ici. Au deuxième étage, se justifia-t-elle en se dandinant d'un pied sur l'autre.
- J'ai passé une bonne soirée, avouai-je. Ça faisait longtemps
- Se faire passer pour mon fiancé, après avoir été agressé sexuellement par une ex otage de toilette tu trouves que c'est une bonne soirée ?
- Crois moi j'ai connu pire. J'ai pu être moi-même et ça fait du bien.
- A votre service DJ Bueno.
- Je suis passé de DJ Kinder à DJ Bueno, c'est, genre, une promotion ?
- C'est parce que tu as joué le jeu. Peut-être un peu trop bien, et je te remercie pour ça. Pour m'avoir évité une énième humiliation. Mon carnet à humiliation est presque plein, contrairement à celui des bons moments.
- Tu pourras compléter les bons moments alors ... bébé, rigolai-je
- C'était ridicule ce surnom.
- C'est le premier qui me soit venu.
Elle pinçât sa lèvre du bas avec ses dents pour stopper son rire. Elle était gênée, ses joues toujours aussi rouges et le bout du nez frais. Elle était craquante. Et pendant un instant, j'avais eu envie de l'embrasser à nouveau. Mieux que la première fois. Pour lui prouver qu'elle n'était pas cette fille insignifiante et un peu gauche qu'elle pensait être. Moi aussi j'avais bien aimé ce baiser, aussi mal réalisé qu'il soit.
- Je vais redescendre à la station de taxi. Toujours tout droit ?
Elle hocha la tête pour approuver.
- Prends soin de toi. Et du bébé.
- Toi aussi. Et reste toi-même, tu le vaux bien.
Dans un élan de tendresse, je me surpris moi-même à déposer un baiser sur sa joue. Je m'y attardais même un peu trop, me redressant subitement en réfléchissant à mon geste. Ses yeux ronds comme des soucoupes s'ouvrirent, avant qu'elle ne tourne les talons en vitesse et disparaisse dans le hall de son immeuble. Je restai planter là, la neige tombant sur mes cheveux, depuis la coursive, je la voyais batailler pour ouvrir sa porte d'entrée.
Lorsqu'elle disparut définitivement, je consultai l'heure sur mon téléphone. 22h30. Je n'allais jamais rentrer aussi tôt, et pour une fois, je ne voulais pas sortir. Je ne voulais pas rencontrer quelqu'un. Je ne voulais pas faire l'amour. Je voulais rentrer chez moi. Et retrouver ma fille, l'embrasser, et lui dire que je l'aimais de toutes mes forces.
En arrivant à la station de taxi, les pieds trempés, je jurai oralement contre Mike qui avait prit la voiture. Il n'y avait aucun taxi à la station, et j'avais bien peur de mourir gelé sur place, faute de véhicule à disposition.
Je regardais la neige tomber qui s'intensifiait. Pas de véhicule. Les rues vides. Les bruits feutrés par la neige. C'était le destin voilà tout.
Je rebroussais chemin en rehaussant ma capuche pour me protéger du froid. En arrivant devant le petit immeuble en bois, je fus soulagée en voyant que son nom et son prénom était inscrits sur l'interphone. Je présumais qu'il n'y avait pas deux Rachel, enfin je l'esperais.
- Oui ?
- C'est moi, fis-je tout à coup nerveux.
- Il n'y a pas de taxi. Tu as besoin que je te ramène ?
- Non, je voulais savoir à qu'elle heure je passai te chercher demain pour les courses du bébé ?

La Magie de Noel ~ Dj Snake  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant