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C'est seulement en arrivant sur la place principale que je remarquais que William n'avait pas lâcher ma main. Il m'avait pourtant dit ne pas aimer le contact physique. Mais je n'avais pas fait attention à vrai dire, trop perturbée par le début de dispute entre nous.
Je savais que c'était une mauvaise idée de passer du temps ensemble. Je savais que je n'étais que sa distraction de vacances qu'il oublierait vite. Mais pour une fois, j'avais envie de penser à moi et d'être heureuse. Et à l'heure actuel, mon petit rayon de soleil dans la tempête tumultueuse de ma triste vie s'appelait William. J'essayais de me faire une raison sur le fait que ça ne durerait que quelques jours, jusqu'à ce qu'il trouve une blonde à son goût pour changer de distraction.
En arrivant sur la grande place, nous nous arrêtâmes à quelques mètres de la patinoire installée au centre pour les enfants. La nuit était en train de tomber et la neige s'était calmée. Il y avait encore pas mal de monde, ce qui me rassurait. Ça évitait aussi de rendre le rendez-vous plus intime qu'il n'y paraissait. Je n'avais pas à faire la conversation, lui non plus.
- Il y a la roulotte qui vend des chocolats chauds, tu en veux un ?
- Tu ne veux pas patiner ?
- Je n'ai pas ma jupe, ironisai-je.
Je commandais deux chocolats viennois qui se matérialisèrent fumant devant nous. Il était moins une, j'ai cru que William allait se transformer en bonhomme de neige, tant il se dandiner d'un pied sur l'autre en se frottant les mains.
- Tu t'en ai bien sortie pour quelqu'un qui n'aime pas Noël, entamai-je pour faire un semblant de conversation.
- J'ai plutôt l'habitude de faire des choses que je n'aime pas.
- C'est-à-dire ?
- Les interviews trop tôt le matin, les shooting photo qui dure des heures, faire écouter mes chansons pour la première fois ... ça fait partie du job, mais ça ne m'enchante pas.
- Tu as peur de faire écouter tes chansons ?
- La première fois toujours. Je n'aime pas que les gens que j'aime critique mon travail, surtout plus j'en suis fier, moins ils aiment généralement.
- Tu es proche de tes amis
- Très, c'est plus que ma famille. On vit pratiquement ensemble. Seb est mon meilleur ami depuis, 20 ans et sa femme Sonia est comme ma deuxième maman maintenant. Ils ont toujours été là, dans les moments durs surtout. Puis ils s'occupent de ... Attends. Ne te retourne surtout pas.
Je me figeais, le gobelet de chocolat entre les lèvres. Je sentis un coup de pied dans le ventre, et je coupai instantanément ma respiration. William regardait derrière nous, son expression jusqu'à présent détendue c'était durcit brutalement.
- Maxime est en train de traverser la rue et arrive au stand. Ne panique pas.
Comme s'il savait d'avance que j'allais paniquer, il posa sa main sur mon avant-bras, pour me calmer. Je sentais mon cœur marteler ma poitrine. C'était du stress. Ou peut-être l'émotion de sa main posée sur moi.
Instinctivement, il me rapprochât un peu plus de lui. C'est bon, je paniquais.
- Agis normalement
- Qu'est-ce que tu appelles normalement, répondis-je trop vite et bien trop fort que cela paraisse normal justement.
- Pose ton gobelet par exemple. Parle avec moi.
J'éclatais de rire. Un rire faux, sonore, et pas très raffiné je dois l'avouer. Mais je paniquai.
- Ce rire n'est pas forcement ce que j'attendais quand je t'ai dit « normal » Rachel.
- Je ne sais pas quoi faire, chuchotais-je
- Fais comme si nous étions ensemble.
- Mais nous ne sommes pas ensemble, paniquais-je tout à coup. Qu'est ce qu'il fait là ?
- Il commande à boire, et nous regarde comme s'il s'avait que tu lui mentais depuis le début.
- Je t'avais dit qu'on n'étaient pas crédibles, les mecs comme toi ne trainent pas avec les filles comme moi.
- Arrêtes de dire ça ou je vais devoir employer les grands moyens pour te faire taire.
- Quels grands moyens ... oh !
Je sursautai lorsqu'il déposa sa bouche tout près de la commissure de mes lèvres. Je m'agrippais à sa parka pour ne pas trébucher, tant ce contact m'électrisait. Il se recula doucement avant de raccrocher mes yeux avec les siens.
- ça marche ? chuchotai-je pour me convaincre que sur moi, ça marchait un peu trop bien.
Il jeta un coup d'œil rapide avant de reprendre notre contact visuel.
- Il a perdu son sourire. Je pense que ça marche.
J'hoquetai à nouveau lorsqu'il écarta mon écharpe pour enfouir son menton dans mon cou.
- Fais comme si tu aimais ça.
- Ce n'est pas tellement ... agréable.
Il se redressa subitement, en manquant de me faire basculer en arrière.
- Comment ça tu n'aimes pas ça ? Toutes les filles aiment les bisous dans le cou.
J'haletai bruyamment en entortillant mes doigts et baissa la tête en rougissant.
- Il était si mauvais que ça ? m'interrogea-t-il en relevant mon menton de ses doigts
- Ce n'est pas lui, c'est moi. Je suis surement ... différente ?
- Enlève ton écharpe.
- Il fait un froid de canard.
- Enlève ton écharpe. Je vais lui montrer qu'il n'était pas capable de te faire aimer ça. Si j'arrive à la rendre jaloux, tu auras gagné et il passera une très mauvaise soirée.
- Je ne veux pas le rendre jaloux, mais juste lui montrer que je suis passée à autre chose.
- Et bien « autre chose » va te montrer ce que tu as perdu pendant des années. Il vient vers nous, penche-toi.
Je n'eus pas le temps de protester que William arracha mon écharpe en laine et fourra son visage dans mon cou.
Sa mâchoire heurta la mienne et la sensation de sa barbe rêche éveilla en moins des picotements dans toutes mes terminaisons nerveuses. Il remonta de ma gorge jusqu'au petit carré de peau sous mon oreille, là où je sentais pulser les battements de mon cœur qui désormais, rythmaient ma respiration. Il effleurait mon cou d'une multitude de petits baisers tout en écartant un peu plus les pans de mon manteau pour accéder plus facilement à l'objet de ses désirs.
Mes mains toujours sur lui j'agrippais toujours plus fort ses avants bras pour m'éviter de basculer définitivement. J'étais pendu à ses lèvres.
J'étouffais un gémissement lorsqu'il tira sur mon manteau pour me rapprocher un peu plus de lui. Je pouvais sentir son parfum boisé et du fermer les yeux un peu plus fort pour me concentrer sur le fait qu'il faisait ça uniquement pour me rendre service.
- Je te marque ? murmura-t-il contre mon cou
- Comme tu veux
- Parfait, comme ça il saurât définitivement ce qu'il perd.
Ma respiration s'accélérât après avoir ressenti la légère morsure juste sous mon oreille. Ma main droite quitta son manteau pour se glisser dans ses cheveux, au-dessus du crâne, là où ils étaient un peu plus long.
Je faillis défaillir lorsqu'il rompait le contact entre nous. Ma peau redevint subitement très froide, même si la brulure que sa bouche avait laissée picotait.
Il avait un sourire satisfait sur le visage. Triomphant même.
- Tu vois, il était juste mauvais.
Ses yeux s'étaient quelques peu assombris et il attendait une réaction de ma part. J'étais tellement sous le choc que j'étais incapable de bouger, ni même de répondre. J'esquissais un demi-sourire. Il enroula sa main autour de ma taille pour me rapprocher toujours plus près. Mon ventre touchait le sien. Son sourire s'étira un peu plus lorsque je sentis le bébé remuer. Est-ce qu'il l'avait senti lui aussi ?
- Est-ce que tu veux que je t'embrasse ? reprit-il
Je ne savais plus s'il était sérieux ou s'il tenait toujours son rôle de petit ami parfait. Pour moi, la frontière entre faux-semblant et réalité était de plus en plus mince, et j'étais confuse sur les réactions de mon corps à son contact, que je ne maitrisais plus du tout.
- Rachel ?
- Il faut que j'aille faire pipi, murmurai-je.
J'avais paniqué. Je n'avais même pas envie de faire pipi. Enfin, si, j'avais clairement envie mais je pouvais me retenir s'il était prêt à recommencer, encore et encore. Je m'écartai de lui à contre cœur, mon corps se glaçant tout à coup, avant de jeter un rapide coup d'œil derrière mon épaule.
Maxime venait de récupérer ses boissons et montait dans son véhicule, l'air soucieux collé sur le visage.

- Je rentre bientôt. Vas au lit et je te rejoins directement quand j'arrive. Oui je te promets. Moi aussi je t'aime mon bébé. A tout à l'heure.
J'étais finalement bien partie aux toilettes, en priorité pour me remettre de mes émotions, ensuite pour m'insulter à haute voix dans le miroir. Je ne voulais certainement pas tirer parti de la situation, mais j'étais en train de me perdre dans mon mensonge.
Lorsque je revins, William était au téléphone et parlait plutôt doucement. Je n'étais pas de nature curieuse. Je respectai l'intimité d'autrui, mais j'avais tout de même tendu l'oreille lorsque je l'avais vu accoudé au mange-debout, un sourire niait sur le visage.
Et ce que j'avais entendu me ramener vite les pieds sur terre, la réalité me frappa de plein fouet et ma théorie se révéla : j'étais un jeu. Et seulement un jeu.
Il raccrochât rapidement lorsqu'il me vit revenir. J'essayai de cacher au maximum ma déception.
- J'ai vraiment cru que tu t'étais de nouveau coincée dans les toilettes, rigola t-il
- Est-ce qu'on peut rentrer ?
Il eut un petit mouvement de recul surpris. Je pris le chemin du retour en premier et refusait le bras qu'il me tendit pour que je m'y accroche.
Le retour, bien que plutôt court, fut silencieux. J'étais accaparée par mes propres pensées, ne sachant pas si ignorer ce que j'avais entendu était la bonne solution.
- On se voit demain ? Il annonce beau temps, me dit-il en consultant la météo sur son téléphone.
Après une bataille mentale sévère, je décidai de jouer franc-jeu.
- William, il faut que je te dise ... commençai-je. J'ai, beaucoup réfléchis et, je ne suis pas tellement ce genre de fille, me dégonflais-je au dernier moment.
- Tu recommences avec ça ?
- J'ai cru que ... en réalité j'ai mal cru. Nous avons passé de très bons moments ensemble et je t'en remercie. C'était sympa.
- Sympa ?
- Tu m'as bien aidé pour Maxime, je pense qu'il a compris désormais. Tu en a même peut être fait beaucoup trop et je t'en remercie. J'inventerai une histoire banale pour dire qu'on s'est séparé. De toute façon moi ici, toi la superstar à Paris, ça sera facile de dire que c'était juste une histoire de vacances. Ça arrive souvent en station, les gens vont, viennent, se rencontrent, se séparent. C'est la vie. En tout cas j'ai été contente de te connaitre et de passer quelques moments avec toi.
- Est-ce que je peux en placer une ?
- Je pense qu'il est inutile qu'on se revoie. Merci encore et bonne soirée William.
J'essayai de contenir mes larmes pour ne pas éclater en sanglot devant lui. J'avais pensé être bien plus forte que ça. J'avais pensé que tout cela ne me toucherait pas. JE tournai les talons en relevant le menton, avant de disparaitre dans l'allée. Lui toujours planter devant la porte ne cherchait même pas à se justifier. J'avais raison depuis le début. Une simple distraction.

La Magie de Noel ~ Dj Snake  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant