Chapitre 26

112 6 1
                                    

Quatre mois se sont écoulés depuis que mon frère est devenu Oyabun.
Le clan se remet comme il peut de la trahison de Shogo. Mon frère ne me parle pas des affaires, ni de ses problèmes. Quand je tente de m'y intéresser un tant soit peu, il coupe court à la discussion, prétextant que cela ne me regarde pas.
Katsuro m'a proposé de retourner en Amérique pour finir mes études, mais je ne veux pas être seule, je ne veux plus quitter ma famille.

Je ne veux pas etre seule.

Cela fait quatre mois que Satoshi est sorti de ma vie. Que mon identité de Sakura est tombée aux oubliettes. Je vis ma vie, mais j'ai plutôt l'impression de la subir. Mes journées sont longues et mes nuits se confondent. Je ne peux sortir sans escorte, mon frère me l'interdit. Je suis constamment surveillée, j'ai l'impression qu'il ne me fait pas confiance.
Chaque soir, je rallume mon ancien téléphone, espérant des nouvelles de sa part, mais rien du tout.
Et pourquoi m'en donnerait-il ? Tout a été clair, tout a été dit.
Je pensais que le temps apaiserait mon cœur et mes souffrances, mais je suis devenu l'ombre de moi-même. Cette mission m'a détruit, physiquement et moralement.
Ma mère a bien remarqué que quelque chose n'allait pas, donc elle m'oblige à venir travailler dans son restaurant le midi et le soir, je suis au club derrière le bar.

Samedi soir, il est tard et la soirée ne fait que commencer. La fête est à son comble, mais mon cœur n'y est pas. J'aimerais pouvoir sourire sincèrement et en profiter, mais je n'y arrive pas. Je crois que je ne veux pas. Je suis bien seule, dans mes pensées, avec moi-même. Ce qui est paradoxal puisque je n'aime pas être seule.

- Prends tes affaires, je dois te ramener.

C'était Ryu qui était passé derrière le bar. Je relève les yeux dans sa direction, il m'accueille d'un sourire chaleureux. Deux boutons de sa chemise étaient ouverts et laissaient apparaître les dessins encrés sur sa clavicule. Il était grand mais moins imposant que Satoshi.
Je secoue la tête, refusant de penser à lui et encore moins à son corps.

- Comment ça ?

- Ordre de ton frère, dit-il en regardant en l'air.

Je suis son regard et tombe sur mon frère, appuyé contre la balustrade, nous scrutant. Pourquoi devrais-je rentrer ? Et pourquoi me regarde-t-il ainsi ? Prise de rage, je pose violemment mon torchon sur le bar et marche avec détermination jusqu’à lui.

- Ce n’est pas une bonne idée, Hina, ne fais pas d’histoire, je te ramène.

- Ne t’en mêle pas, dis-je en repoussant sa main.

Je traverse la foule et grimpe les escaliers deux par deux. Il ne bouge pas, le regard toujours rivé sur Ryu alors que je me dirige droit vers lui. Deux Yakuza me barrent le passage, m’interdisant de l’approcher.

- Qu’est-ce que vous faites là ? Bougez de mon chemin, pestai-je.

Un signe de main de sa part, et les deux soldats s’écartent. Je ne manque pas d’en bousculer un au passage avant de me pointer vers mon frère. Les bras croisés, j’attends une explication, mais il ne daigne toujours pas me prêter la moindre importance.

-Tu ne peux pas m'obliger à rentrer.

- Bien sûr que je le peux, dit-il en regardant sa montre. Il se fait tard, tu devrais être à la maison.

- Je suis ton aînée, soufflai-je. Je fais ce que je veux.

Je tentai de faire demi-tour, mais c'était sans compter sur la poigne féroce de mon frère sur mon avant-bras. Mon visage se crispa légèrement. Je le regardai, hébété par son geste. Ses yeux sombres me surplombaient. Il s'était rapproché pour que personne d'autre que moi n'entende ce que j'avais à dire.

Hina : Vie De YakuzaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant