Hina : Vie De Yakuza

Chapitre 28

- Je peux me débrouiller, ce n’est pas la peine.

Je le contourne pour retourner près de ma voiture. Je le sens derrière moi et, par-dessus mon épaule, je le vois me suivre en silence. Je souffle, exaspérée par son attitude si changeante. Il y a deux minutes, il aurait pu me déchiqueter avec mon kunai et là, il propose de me raccompagner.

— Arrête de me suivre, balançai-je sans me retourner.

-J'espère que ta sœur est moins saoule que toi pour conduire. Tu es vraiment irresponsable.

- Je ne suis pas si saoule que ça. Et même, ça ne te regarde pas si je me plante en voiture.

Je tente de marcher, un pied devant l'autre, histoire de me rassurer et effectivement, j'étais un petit peu éméchée. Je l'entends légèrement rire après ma prestation. Furieuse, je m'arrête et me retourne les poings serrés.

- À quoi tu joues ? Je ne comprends plus rien.

- Je te raccompagne jusqu’à ta voiture.

- Pourquoi ? Tu as été clair il y a même pas trente minutes.

- Tu es sur mon territoire et s’il t’arrive quelque chose, je n’ai pas besoin d’une guerre avec ton clan.

C’était purement professionnel, pour ses intérêts et je peux le comprendre. Mais le pincement au cœur, lui, n’accepte pas. Je soupire, vaincu, et le laisse marcher à mes côtés.
Ma sœur se trouvait devant ma voiture, en compagnie de deux yakuzas. Elle n’avait pas l’air paniquée, au contraire. Le poids dans ma poitrine se desserre quand ses bras m’enveloppent de toute leur force.

- Attends-moi à l'intérieur, dis-je en caressant sa joue du pouce.

Ses hommes nous attendaient non loin, surveillant les alentours. Les vitres teintées de mon SUV ne reflétaient que l'écran du téléphone de ma sœur.
Satoshi éteint son mégot du bout de ses doigts avant d'expirer ses dernières bouffer de nicotine juste au dessus de nous.

- Encore un endroit où je ne peux plus aller.

Un sourire mi-figue mi-raisin se dessine sur mon visage.

- C'est mieux ainsi.

Il me regarde une dernière fois. Il enregistre chaque parcelle de mon visage, puis, avec hésitation, il lève la main et replace une mèche rebelle derrière mon oreille. Ma poitrine se bloque, incapable de respirer quand ses doigts agrippent ma nuque et que son corps s'approche du mien. Ses lèvres si douces se rapprochent. Instinctivement, ma langue passe sur ma lèvre inférieure avant que les siennes ne viennent se poser délicatement sur les miennes.
Une exposition. Voilà, c’est ça.
Il replace une mèche derrière mon oreille, puis m’agrippant la nuque, me colle à lui. Ma respiration se bloque. Je me perds dans le noir abyssal de ses yeux qui me percent jusqu’à trouver mon âme. Ses lèvres trouvent place sur les miennes. C’était furtif et doux à la fois. C’était un adieu.

-J'avais besoin de confirmer quelque chose.

Un froid me prit, il me gela sur place quand il se recula. Sa lèvre inférieure passa entre ses dents puis, sur un dernier regard, il tourna les talons suivi de ses hommes.
J'étais tentée de le suivre, de demander des explications. Qu'est-ce qu'il devait confirmer ?
Mais j'avais eu mon lot de mélodrame pour la soirée. La fatigue et l'alcool se mêlant à mes émotions ne donnait rien de bon. J'étais prête à craquer.
Donc je préfère garder le peu de dignité qu'il me reste et rejoins ma sœur dans la voiture avant de me cogner la tête contre le volant. Une douleur aiguë m’assaille l’épaule. Izumi venait de me frapper.

— Il faut qu’on discute. Toi et Satoshi ? déclare-t-elle choquée.

Ses yeux d’acier me transpercent, ne me laissant aucun choix et je me dis que je devrais peut-être lui parler. Libérer la chaîne qui enveloppe mon cœur et mon esprit. Avec hésitation, je me lance. Je lui raconte le marché passé avec Shogo, son plan et sa trahison.
Je ne m’étais pas rendu compte que je retenais mon souffle quand je parlais de Satoshi. Je ne voulais pas pleurer, mais sa main réconfortante, ses yeux voilés de larmes ont déclenché un sanglot que je me retenais. Je lui ai parlé de notre rapprochement, de mon plan initial, mais les sentiments se sont emmêlés et voilà où nous en sommes. Je l’ai trahi et blessé, plusieurs fois. Il m’a redonné une chance et je l’ai refusée.