Rêve
Des myriades de rêves pour être plus précis.
Des myriades de cauchemars...
Perdus dans un cimetière, en pleurs, à genoux devant une tombe. Où suis-je ? Ce n'est pas ma vie !
Je me lève, je cours, je m'enfuis, croyant être poursuivis, je regarde par dessus mon épaule, personne. Je me retourne et me retrouve au beau milieu d'une forêt sombre et majestueuse teintée d'automne.
Il me semble que les arbres massifs se rapprochent de moi, m'encerclent, m'enserrent. Je porte le regard au loin, j'y aperçois une maisonnette, je m'y précipite, courant presque au ras du sol. Il me semble courir à quatre pattes.
J'arrive à l'intérieur, je claque la porte derrière moi. La chaumière est éclairée par quelques bougies, leurs faibles lueurs font danser les ombres des vieux meubles comme une assemblée de fantômes. Au milieu de la pièce je distingue à peine un lit, un homme y est couché et près de lui, une femme, prostrée, les genoux sur la poitrine, les bras autour de son amant. Immobiles parmi les composants de la scène, je les aurais confondus avec les meubles si la femme ne pleurait pas, son corps frissonnant sous l'action des sanglots.
Je suis le témoin silencieux, quand une voix se fait entendre suave et légèrement cassée :
« Es-tu prête à le perdre ? » « Non ! » s'écrie la femme « comment pourrais-je ? »
« Tu veux le retrouver, mais à quel prix ? » « A tout prix ! »
Et la voix de continuer : « le prix est le temps. Combien de temps es-tu prête à l'attendre ? » « Peu importe le temps... »
« Le temps est le plus important au contraire, c'est lui qui donne de la force à l'amour que l'on porte en soi »
Là un chat noir, presque bleuté comme la nuit sort doucement de sous une armoire avançant vers la femme. Il marque une pause, me regarde. Je n'ose plus respirer, puis il reprend son chemin comme s'il avait perçu et accepté ma présence. Il saute d'un pas félin sur le lit, regarde l'homme, puis la femme, on peut distinguer le dessin d'une lune sur son front, le chat lève la tête et dit : « Qu'il en soit ainsi !!! ».
Tout s'affole, tout devient flou autour de moi, je passe de lieu en lieu, de rêve en rêve.
Les plus étranges que j'ai jamais faits. Les uns et les autres enveloppent ma nuit comme un drap de soie tissé de folie.
Soudain tout s'arrête où suis-je ?
Étrangement, je suis une femme. C'est déjà étrange dans un rêve, mais je ne reconnais rien autour de moi, tout semble d'une autre époque ; un temps moyenâgeux, sombre, effrayant. Tout est irréel comme entre parenthèse, la notion du temps même en est perturbée, il file à vive allure comme un prêtre en retard au mariage.
Le temps s'écoule tellement vite que je vois les vies s'allumer et s'éteindre.
Mais moi, je reste la même immuable comme figée dans le temps pendant que tous vieillissent autour.
Les villageois me chassent à coup de pierres, je fuis à travers les bois, me blessant aux buissons, pleurant toutes les larmes de mon corps, écumant de rage telle une bête traquée.
Épuisée par ma course, je m'arrête prés d'un lac pour m'y abreuver.
Cherchant mon image, pour savoir ce qui repoussait tant de monde,
J'aperçois deux yeux verts, animal, félins, effrayants.
Ce sont les miens et...Le réveil
Sonne, je ne l'écoute même pas, je l'arrête.
Je me lève.
Comme un rituel bien rodé, j'allume la radio, j'allume le café.
Je passe par la salle de bain, je me fous la tête sous le robinet, pour me réveiller une bonne fois pour toute et là, en me relevant je l'aperçois, j'ai peur. Je m'écarte puis je reviens. Elle a disparu. J'attrape ma brosse à dents, je me rince, me relève, elle est là. Elle se maquille avec minutie, d'un geste chirurgicale comme pour jeter un sort à celui qui oserait dépasser la frontière de ses yeux. Je reste là. Subjugué, ému par tant de charme, quand ses yeux croisent les miens, elle a un geste de recul et c'est là que tout me revient. C'est elle, la femme de la boite de nuit. Celle du rêve et maintenant celle de ma salle de bain, que fait-elle dans mon miroir ? Je ne suis pas du tout d'accord avec cette collocation forcée.
Le temps de retrouver mes esprits... Elle a disparu, je la cherche... Je me rapproche du miroir... Le nez collé à la glace... Je fixe droit devant moi comme si on pouvait voir à travers... Je le décroche pour m'assurer que le mur derrière et toujours présent... Il est là, et à ce moment je m'arrête. Mais est-ce que j'ai pété les Plombs ?!? Ça ne va pas, je suis en nage, j'ai foutu ma salle de bain en l'air. Il me faut mon café de toute urgence...
Je verse le liquide chaud dans la tasse, le son que cela produit exalte mon être, je vais lui donner ce qu'il attend, nos dépendances donnent les minutes de nos journées, nos cafés, nos clopes, nos tiques se manifestent souvent comme des rituels de démarrage ou d'arrêt du temps.
Je plonge mes yeux dans la tasse chaude entre mes mains froides, la différence de températures me donne comme un frisson. Son parfum m'appelle, comme un rituel, je donne à mes artères ce sang noire afin qu'il me délivre de ma nuit.
Je vagabonde dans mes pensées, cherche quelque chose de logique à tout cela, la tête posée entre mes mains.
Mais ce n'est plus le moment de devenir fou, je suis en retard pour le travail ; c'est dingue même pas le temps de se prendre la tête.
Je vide la tasse d'un trait, passe ma veste, mes clefs, mon téléphone, ma mallette. Je claque la porte ; je m'arrête ; j'ai le vertige, ce n'est pas grave ; je serre les dents et prends l'escalier.

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L'angélus
RomanceC'était aujourd'hui, il y a cent ans. Je n'ai plus grands souvenirs de cette époque Mais nous étions jeunes Et l'amour que nous avions l'un pour l'autre Faisait fleurir le printemps autour de nous. Âme sœur nous étions Âme sœur nous le savions...