Quelque chose rode autour du village tournant sur un axe qui n'à d'autre centre que nous.
Ma cavalière prend les devants et s'avance vers cette impression qui nous a pris en chasse. Elle se tient, là, fière, princesse gitane prête à en découdre. L'ombre a cessé de tourner, tapis dans les fourrées ce chasseur invisible se tient à l'affût, prêt, aux aguets je sens son attente et son impatience. Je ne peux fuir loin de celle que j'aime et puis pour fuir où ? Encerclés par les bois ayant pour seul point de repère le brasier qui trône au centre du village je me fait l'effet d'une chèvre à un piquet. Juste un appât, non ce n'est pas possible, je serre les poings et les dents. Je ne vais pas abandonner une vie que je viens à peine de goûter.
Et puis je ne sais même pas ce que peut être cette chose aussi hostile soit-elle.
Nous restons là, bloqués dans ce jeu de rôle improvisé. Lui le prédateur, nous les bêtes traquées, je me rends compte que les villageois eux, font comme si de rien n'était, mais je sens l'ombre de la peur sur leurs visages.
Tout ce petit monde festoie de concert autour du feu, ils savent que tant que le brasier brûlera l'intrus camouflé par la bordure du village restera à bonne distance.
La présence se fait plus pesante, oppressante et là, un cri se fait entendre, un cri animal et tellement désespéré. La supplique d'un être aux aboies laissant se dessiner un timbre humain derrière. Je me laisserais presque toucher par cet appel, si je ne savais cette chose à notre poursuite. Une douleur lancinante me prend à la poitrine, alors qu'un amas de nuage se rassemble au dessus du village. Que se passe- t'il ? Que fait-il ? Il crie à s'en rompre les cordes vocales et plus il s'écorche la voix, plus mon cœur s'ébat et se tord de douleur, le ciel s'assombrissant de concert.
Ma douce et là, je tombe à genoux et m'effondre complètement dans ses bras. Elle me serre de toutes ses forces, pressant ma tête contre son sein. Peut-être pour retenir son cœur qui bat, s'affole, fait mine de s'échapper de sa poitrine. Je fixe ses yeux verts, brillant comme un phare dans la tempête.
Une goutte d'eau, divine caresse cristalline vient m'effleurer puis une autre m'embrasse le front ruisselant le long de mes traits, s'échappant sur ma peau pour gagner le sol, les cris cessent et se sont des milliers se pleurs qui s'écoulent du ciel. Les nuages ivres de cette tristesse offerte déversent maintenant des torrents de larmes comme une épaisse nappe d'eau dansant au gré du vent, balayant la place, détrempant tout être près à se mesurer à cette marée.
Le feu lui-même ne résiste pas longtemps à cette mousson, vague après vague il lutte et s'incline. Un bruit sourd gronde et une lame écrase les dernières braises.
Tout le monde fuit, se parquant dans leurs petites bicoques ballottées par les flots et le souffle du ciel.
Nous nous retrouvons abandonnés dans l'obscurité, la terre et l'eau recherchant la seule chaleur du corps de l'autre. Un grognement nous rappelle que nous ne sommes pas que deux, des pas se rapprochent tranquilles, mais sûrs de leur direction.
Je plisse les yeux, m'efforçant de deviner la nature de ce visiteur camouflé par l'obscurité, mais aucune silhouette ne se dessine. Pourtant les bruits se rapprochent et la présence s'intensifie.
Cette attente me rend fou alors d'un bond je me lève offrant mon corps aux éléments. Je fais fi de ma peur et harangue l'inconnu qui vient à mes devants. Un frisson s'empare de mon être, glaçant mes os, paralysant mes membres, deux yeux verts viennent d'apparaître à quelques pas de moi. Une voix ne tarde pas à se faire entendre :
« Comment oses-tu te présenter ici et maintenant ? » « Tu ne l'auras pas, il est venu tout seul, je ne lui ai pas montré le chemin... » « S'il a su venir seul, il sera repartir seul ! »
S'en suit un grognement terrifiant repoussant les limites de la peur elle-même, le sang en refuse d'irriguer mon visage et mon corps qui se dresse entre les deux belligérants s'efforce de tenir debout malgré mes genoux qui flanchent. Toute l'énergie qui animait mon corps vient de se réfugier aux tréfonds de mon être.
Je sens cet être, cette bête avancer sur nous, quand deux mains m'agrippent et me retournent, c'est mon ange. Elle me fixe avec douceur approchant son visage du mien, les gouttes ruissellent le long de ses traits, pourtant j'arrive à y distinguer des larmes irisant son regard.
Je pose mes mains de chaque coté de son visage mes doigts dans ses cheveux trouvent leur place comme s'ils avaient toujours été là. Elle me contemple tout en jetant un coup d'œil sur l'étranger qui s'approche. Son regard va de lui à moi allant et venant de plus en plus vite, puis elle ferme les yeux, je crois mon heure arrivée. Alors je fixe mon aimée de tout mon âme, de cette façon, quoi qu'il advienne ce sera la dernière image que je verrais. Qu'elle reste à jamais gravée en moi...
Je sens un frisson monter en elle, je ferme les yeux, c'est alors qu'elle chuchote « vas mon amour » et délicatement elle pose ses lèvres glacées sur les miennes chaudes et humides.
De nouveau le temps s'est arrêté, tout du moins ralenti, je m'agrippe à elle de toute mes force, enlaçant le temps lui-même dans un dernier effort. Mais je suis épuisé, je sens qu'elle glisse, je sais ce qui se passe, je peux sentir l'espace et le temps se rétracter et se confondre, malgré que cet espoir soit vain je veux la retenir de tout mon amour.
D'un coup tout se brusque, tout se précipite, je suis arraché à ce temps, à la vallée, aux bras de mon aimée, dans un flash dans lequel je m'engouffre.
VOUS LISEZ
L'angélus
RomanceC'était aujourd'hui, il y a cent ans. Je n'ai plus grands souvenirs de cette époque Mais nous étions jeunes Et l'amour que nous avions l'un pour l'autre Faisait fleurir le printemps autour de nous. Âme sœur nous étions Âme sœur nous le savions...