Hina : Vie De Yakuza

Chapitre 30

Une ambiance assez hostile flottait dans l'air. Mon frère essayait de paraître le plus détendu possible, mais le fait de vendre sa sœur à un inconnu semblait l'impacter plus que je ne le pensais.

- Prenons place, dis-je en récupérant ma main.

Je me focalisais essentiellement sur les assiettes en face de moi, choisissant ce que j'allais manger, tout en restant attentive. Leurs discussions portaient sur les clans et les affaires, donc rien de bien intéressant pour moi, et quand vint le sujet important, je ralentis le rythme de mon repas pour me concentrer entièrement sur la discussion.
L'histoire de Shogo est revenue sur la table, puis mon frère a parlé de Satoshi, de son implication. J'essaie de paraître détachée, je dois l'être pour avancer, donc je titube ma nourriture en évitant les regards en coin de Zenko. J'étais seulement spectatrice ; aucun d'eux ne m'a demandé mon avis ou mon accord sur quoi que ce soit. Ils n'ont même pas parlé une seule fois des arrangements ou des accords conclus à l'issue de ce mariage.

-Bon, dit-il en sortant une cigarette de son paquet, mon avocat enverra les papiers au tien, et on se reverra pour fixer une date.

- Très bien, faisons comme cela, conclu mon frère.

- Maintenant, j'aimerais emmener ma future femme faire un tour.

- Hors de question, elle n'ira nulle part avec toi tant que vous ne serez pas mariés.

- Ça va aller, Katsuro, je ne crains rien.

Je lui adresse un sourire rassurant puis exerce une légère pression sur son biceps pour le ramener à la réalité. Mais Zenko, provocateur, ne brisait pas le contact avec mon frère.
Résigné, il me laisse partir avec Zenko. Un dernier regard en sa direction, puis me voilà à l'arrière de la voiture avec l'homme qui partagera le reste de ma vie. Une vitre nous séparait du conducteur, nous laissant une intimité totale. Son téléphone vibrait sans cesse. Entre les appels et les messages, je me demandais si ma présence n'était pas de trop.

Mes pensées dérivent vers Satoshi, sur ce qu'il est en train de faire. Connaît-il Zenko ? Bien sûr que oui, tous se connaissent. Il apprendra sûrement notre mariage, mais il n'en a que faire. Je fais partie de son passé qu'il tente sûrement d'oublier.

- Où m'emmènes-tu ? Osais-je lui dire.

Il range son téléphone dans sa poche et pose enfin ses yeux, aussi sombres que son âme, sur moi.
Il s'approche de moi, de sorte que nos têtes ne soient qu'à quelques centimètres, de sorte que son souffle se mélange au mien. Je ne tressaillis pas et maintiens son regard.

- On va aller discuter plus tranquillement.

La porte s'ouvre puis Zenko sort en premier en me tendant la main que j'agrippe par pure politesse. Je n'avais pas fait attention à la durée du trajet mais en regardant autour de moi, je compris que nous avions quitté la ville, j'avais quitté le territoire de ma famille pour me retrouver dans le sien.

En franchissant le hall de l'immeuble, j'ai compris que nous étions dans un penthouse, son penthouse ? Je ravale l'angoisse qui me prend aux tripes.

- Ne panique pas, on va juste boire un verre.

Les mains dans les poches, il me regarde du coin de l'œil, l'air amusé par mon stress évident. Je le suis sans rechigner, tandis que ses gardes se postent un peu partout. Ils ne sont jamais loin, mais jamais trop près.

Tous s'inclinent face à lui, les employées comme les résidents, tous savent qui il est. Est-il respecté ou craint ?

Assise face à lui, dans une intimité presque totale, je lisse les plis de la nappe hors de prix, attendant impatiemment qu'il me dise ce qu'il a à dire.
Il commande deux verres d'alcool avant d'allumer une énième cigarette.