Chapitre 2

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Calel

Je gare mon SUV aux abords de l'adresse indiquée par mon collègue. Mes officiers sont déjà sur place à sécuriser la maison et à récolter les indices. C'est le cinquième cambriolage qui a lieu dans cette région reculée de West Sacramento ces deux derniers mois, et pour la première fois, l'un d'eux à virer au sang. La victime et propriétaire de la maison s'appelle Georges Feldmann. Il s'est pris un coup de couteau alors qu'il tentait d'empêcher deux intrus de le cambrioler. Mes pieds viennent fouler la pelouse qui borde la maison de Feldmann et l'officier Carter vient aussitôt à ma rencontre pour me briefer.

-Deux hommes cagoulés et de corpulence moyenne se sont introduits par la baie vitrée du salon au rez-de-chaussée, vraisemblablement à l'aide d'un brise-vitre. Monsieur Feldmann est entré à ce moment-là et les a surpris en train de fouiller les tiroirs de son salon. Il a voulu s'interposer mais l'un d'eux l'a asséné d'un coup de canif dans l'abdomen. Il est à l'hôpital de Sacramento à l'heure qu'il est. Les deux cambrioleurs se sont ensuite enfuis en direction de la forêt. Je viens d'y envoyer Spencer et Calligan pour y relever des traces de pas ou de pneus.

Mon regard balaye la maison portant encore les traces de passage des cambrioleurs : les tiroirs des meubles sont grand ouverts, leur contenu sens dessus dessous et des taches de sang maculent le carrelage du salon. Je m'avance vers l'arrière de la maison, en prenant soin d'éviter les zones de collecte d'indices, et scrute la lisière du bois qui s'étend devant moi.

-Des témoins ? demandé-je à Carter.

-Pas encore, j'allais demander à Spencer et Calligan d'aller sonner chez les voisins une fois qu'ils seront de retour.

En vérifiant les environs, j'aperçois un petit pavillon à une centaine de mètres de nous. Sur la terrasse se tient une jeune femme. L'allure droite, elle observe la forêt à travers une paire de jumelles. S'il y a bien une personne qui ait pu apercevoir quelque chose, c'est bien elle. Mes yeux arpentent sa silhouette vêtue d'un short dévoilant des jambes finement musclées et un débardeur blanc qui révèle une poitrine ferme. Une mèche s'échappe de ses cheveux bruns relevés en chignon et elle s'empresse de la replacer derrière son oreille avant de se replonger dans son observation. Je me demande ce qu'elle guette et lorsque mes yeux rivent vers sa cible, je distingue au loin une maison délabrée à moitié dissimulée par les arbres de la forêt qui nous fait face. Si d'habitude j'envoie mes sous-fifres recueillir le témoignage des voisins, l'envie me prend soudain de me rendre moi-même chez elle.

-Pas la peine, j'y vais, dis-je à mon officier.

Je sors par le portail de la maison et longe la route qui la sépare de celle de la voisine. Sa boîte aux lettres indique le nom d'Elena Milez. Ce nom me fait tiquer mais après tout, il est plutôt fréquent. Sa maison ne comporte qu'un étage et doit faire tout au plus cent mètres carrés, m'indiquant qu'elle vit certainement de revenus modestes. Je traverse une petite allée de pavés entourée d'une pelouse qui nécessite clairement d'être tondue, jusqu'à atteindre le perron puis sonne à sa porte. Des pas précipités se font plus audibles à mesure qu'elle traverse sa maison pour venir à ma rencontre et lorsqu'elle ouvre la porte, mon cœur manque un battement. Elle est juste magnifique. Son visage fin et ovale arbore de grands yeux noisette, des lèvres pulpeuses et un petit nez retroussé. Elle s'ébroue pour décaler sa mèche de cheveux puis relève le cardigan qu'elle vient d'enfiler sur ses épaules dénudées.

-Oui ?

-Inspecteur Wayce, lui dis-je en lui montrant mon badge, navré de vous déranger mais j'aimerais vous poser quelques questions au sujet d'un cambriolage qui a eu lieu chez votre voisin.

Mon interlocutrice jette une œillade inquiète en direction de la maison de Feldmann avant de reconcentrer son attention sur moi.

-Euh oui, bien sûr, je vous écoute.

-Puis-je entrer ?

La jeune femme se pince les lèvres avant de se décaler pour me laisser pénétrer dans sa demeure. Lorsque je m'avance dans son hall d'entrée, une odeur florale m'emplit les poumons. En face de moi s'étend une cuisine accolée à un salon muni d'un canapé, d'une table basse en verre et d'une grande bibliothèque à moitié remplie de livres. De la vaisselle sale déborde de son évier et sur sa table et au sol sont éparpillés plusieurs documents et photos imprimées qu'elle s'empresse de rassembler et ranger dans leur dossier.

-Navrée, j'étais en plein travail, s'excuse-t-elle.

-Ne vous dérangez pas, je n'en aurai pas pour longtemps. Je voulais juste vous demander si vous aviez aperçu ou entendu quelque chose de suspect aux alentours de 20 :00 aujourd'hui ?

-Non, j'étais dans mon salon et je n'ai rien entendu ou vu d'anormal. Que s'est-il passé exactement ?

-Deux individus se sont introduits chez vos voisins pour y dérober des bijoux et de l'argent. Monsieur Feldmann est rentré à ce moment-là et il a été blessé au couteau alors qu'il tentait de les empêcher de s'enfuir.

La jeune femme écarquille les yeux et s'empresse de me demander :

-Est-ce qu'il va bien ?

-Ses jours ne sont pas en danger. Votre maison est-elle munie de caméras ?

-Non.

-Et vous n'avez vu personne rôder dans les environs récemment ?

-Non.

Je la scrute une seconde. La paire de jumelles trône maintenant sur une table en bois occupant la terrasse où je l'ai aperçue quelques minutes plus tôt.

-Vous semblez pourtant être plutôt observatrice, la piqué-je.

Le visage de la jolie brune se renfrogne puis elle croise les bras sur sa poitrine.

-C'est bien le cas, rétorque-t-elle, et croyez bien que si j'avais vu quelque chose de suspect, je vous en aurais tout de suite informé. Or, ce n'est pas le cas. Maintenant, si vous le voulez bien, Inspecteur, j'ai du travail.

L'attitude cassante de la jeune femme et son regard ancré dans le mien me laissent suggérer qu'elle n'a rien à me cacher. Elle semble loin d'être la commère que j'ai pu suspecter aux premiers abords et je suis tenté une seconde de lui demander pourquoi elle surveillait la maison abandonnée mais je me retiens. Je sors une carte de visite de ma veste et la lui tends.

-Très bien, je ne vous dérangerai pas plus longtemps. Voici ma carte, au cas où...

Après une seconde d'hésitation, elle s'en empare puis me raccompagne jusqu'à sa porte.

-Faites attention à vous, Mademoiselle Milez, le danger rôde, surtout dans des contrées aussi reculées comme ici, ajouté-je.

-Merci, Inspecteur, la grande fille que je suis tâchera de faire attention à ses miches, raille-t-elle pour couper court à nos aurevoirs.

Je renfrogne un sourire en coin avant de passer le bas de la porte qu'elle referme d'un coup sec derrière moi. Visiblement, ma petite visite ne lui a pas plu. Je reste un moment planté là, à humer le parfum suave qui émane encore de sa maison et à me repasser ce petit échange, certes court mais rafraichissant. Ma région du bas-ventre s'active dangereusement tandis que je me revisualise sa poitrine qui pointe sous son haut moulant, sa petite moue fière et ses jambes fuselées. J'ai dû me faire violence pour ne pas la reluquer de la tête en bas. J'ai pu lire quelques titres des livres exposés dans sa bibliothèque et j'ai reconnu le code pénal. Le dossier sur lequel elle travaillait comportait des clichés clairement pris sur une scène de crime. Travaille-t-elle dans le droit ? Je me dirige vers la maison de Feldmann pour rejoindre mes collègues toujours en train de collecter des indices en me promettant de me renseigner sur cette jolie brune et de revenir lui rendre visite. 

Intrusion [Dark romance stalker]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant