Calel
Je rassemble ma tenue, les nerfs à vif, et m'apprête à partir pour me rendre chez elle lorsque mon portable pro se met à sonner. Carter est en train de m'appeler et je décroche aussitôt.
-Chef, vous n'allez pas le croire, il y a du nouveau dans l'affaire du Corbeau. Une des victimes est réapparue !
À ces mots, mon cœur manque un battement. Je le préviens que j'arrive au poste au plus vite et le rejoins quelques minutes plus tard devant la salle d'interrogatoire où la victime a été emmenée.
-Karen Turner, elle s'est faite arrêtée alors qu'elle volait dans une station-service sur la 80. On a fait passer ses empreintes dans le système, c'est là qu'on a pu l'identifier. Elle n'a pas décroché un mot depuis son arrestation, même pas pour demander un avocat. Elle n'avait rien sur elle, à part du cash et les clés de son camping-car. On l'a retrouvé sur le parking de la station-service et tout ce qu'il contenait a été mis sous scellé.
-Bien, fais venir Lindson, il faut qu'on prépare son interrogatoire.
Carter acquiesce avant de filer. Lindson est certainement l'une de mes collègues inspectrices les plus efficaces quand il s'agit de prendre en charge les victimes et les criminels. Empathique et clairvoyante, je l'ai vue maintes et maintes fois convaincre des femmes de témoigner aussi bien que faire plier leur bourreau. Lorsqu'elle me rejoint dans mon bureau, nous passons en revue le profil de Turner et ses biens personnels. Turner avait 16 ans quand elle s'est faite enlever par le Corbeau.
Orpheline et placée dans une famille d'accueil, sa mère adoptive aurait retrouvé un corbeau mort sur l'oreiller de sa fille alors qu'elle s'apprêtait à la réveiller pour l'emmener au lycée. C'était il y a 13 ans. Lorsqu'on examine ses affaires, on y découvre notamment des livres traitant d'ornithologie et un album de dizaines de pages contenant des plumes minutieusement annotées et placées sous film plastique. Elle a clairement une obsession pour les oiseaux, ce qui me fait penser qu'elle devait entretenir une passion commune avec le Corbeau. Son silence peut indiquer plusieurs raisons, soit le Corbeau la tient encore sous son joug, soit elle a des choses à se reprocher.
Avec Lindson, on a envisagé tous les scénarios. Le but : la mettre en confiance pour qu'elle puisse peu à peu se révéler. Seulement, après plus d'une heure de questions, Turner ne daigne pas décrocher un mot. Elle continue à nous toiser d'un œil sombre tout en gardant ses bras croisées sur sa poitrine. Le seul moment où je l'ai senti tressaillir est lorsqu'on a fait mention des autres victimes du Corbeau. J'ai l'habitude que les prisonniers gardent leur silence, c'est d'ailleurs très souvent leur moto.
D'habitude, ils finissent par craquer sous la torture de la Faucheuse. Évidemment, Même si je crèverais de pouvoir lui faire cracher le morceau, je ne peux pas me donner en spectacle ici. Lorsque nous sortons de la salle d'interrogatoire pour la laisser mijoter, le commissaire et le procureur sont là. Nous discutons de potentiels autres angles d'attaque mais pour autant, je sens qu'il faudra du temps et de la patience pour pouvoir lui délier la langue. Mon chef me prévient que sa mère adoptive est en route et j'ai espoir de tirer quelque chose de leur retrouvaille. Tandis que le procureur s'apprête à partir, je le retiens :
-Ne dites rien au Sénateur pour le moment, j'aimerais obtenir plus d'infos concrètes avant de le prévenir de l'avancement de l'enquête.
-J'ai bien peur qu'il soit trop tard, Wayce, un rebondissement de cette envergure, les proches des victimes du Corbeau se doivent d'être au courant. Et s'il l'apprend par la presse et pas par nous, il nous jettera tous les deux en pâture.
Je me pince les lèvres. Si le Sénateur est au courant, sa fille également et je ne donne pas cher de ma peau pour les voir débarquer ici. Ce qu'ils ne tardent d'ailleurs pas à faire. À peine le procureur parti, je vois mon futur beau-père se diriger à grands pas vers nous, Carter sur ses talons, l'air peu assuré. Jonathan Milez est un homme grand, longiligne et charismatique. Il possède la même allure droite et le regard bienveillant que sa fille. Il serre ma main et celle du commissaire avant de s'adresser à moi :
VOUS LISEZ
Intrusion [Dark romance stalker]
Misteri / ThrillerElena Milez Je ne connais pas son nom, d'où il vient, ni même son visage. Tout ce que je sais, c'est qu'il se délecte à me hanter. Sauf que j'en ai décidé autrement. Et ce n'est pas mon passé tumultueux qui viendra contre-carrer mes plans. Du moins...