Calel
-Alors, elle est brune ou blonde ?
Je scrute mon frère en arquant un sourcil. Nous sommes tous les quatre réunis autour de la table de la salle à manger de la maison familiale. À sa réflexion, je devine que Fiona l'a mis au courant de ma petite demande clandestine.
-Et pourquoi pas rousse ? s'offusque ma petite sœur, ignorant totalement mon regard accusateur.
Fiona et Mike sont mes frère et sœur cadets. Ils sont faux jumeaux, statut qui leur va parfaitement bien étant donné qu'ils sont tout le temps fourrés ensemble mais qu'ils ne cessent de s'envoyer des pics.
-Putain, elle est rousse ?! s'exclame mon frère outré.
-Qui est rousse ? s'enquiert ma mère depuis la cuisine.
-Personne, Maman, les écoute pas, m'agacé-je.
-Les rousses, c'est les meilleures au lit ! affirme Mike.
-C'est pas faux, minaude sa sœur jumelle en passant ses doigts dans ses cheveux.
Si mon petit frère, ma grande sœur et moi avons hérité des cheveux noirs de notre père, ma sœur cadette est la seule de la famille à arborer la même chevelure orangée de notre mère.
-Par contre, elles sentent pas bons.
-Ferme-la, c'est pas vrai. Et dans tous les cas, je suis pas rousse, je suis...
-Blonde vénitienne, la coupe mon frère en prenant une voix fluette, blonde vénitienne, auburn ou rousse, c'est la même, tu schlingues, Fiona.
-Va te faire foutre.
-Toi, va te faire foutre.
-Bon, vous nous gonflez tous les deux, et arrêtez de dire des gros mots devant ma fille, bordel ! râle ma grande sœur en remplissant l'assiette de ma nièce de risotto.
-Maman, tu viens aussi de dire un gros mot ! dit celle-ci en riant aux éclats et en plaquant ses petites mains sur sa bouche.
Elle a hérité des yeux rieurs de son père, elle est vraiment trop chou.
-Bon, Cal, t'as pas répondu à la question, blonde ou brune ? insiste mon frère.
-Ou rousse ? complète Fiona.
-Mêlez-vous de votre c..., maugrée-je.
-Cal ! s'indigne Jessica en plaquant ses paumes sur les oreilles de sa fille.
-Allez quoi, je veux savoir qui c'est la nana qui arrive à supporter ton caractère de M.E.R.D.E !
-Bon, fichez-lui la paix, ajoute ma grande sœur, et mêlez-vous de vos affaires sentimentales parce qu'entre l'autre qui se tape tout son service et l'autre qui trompe son mec, franchement, c'est pas avec vous qu'on devrait s'étaler sur ce sujet.
-Hey je le trompe pas, on est en relation libre ! se défend Fiona.
-Tout le service, tout le service... J'me suis pas tapé tout le service, ronchonne Mike.
-Non, seulement le trois quart.
-Oui, bon je me protège et tout le monde est consentant, je vois pas où est le problème !
Je m'éclipse de cette conversation dépourvue d'intérêt et surtout pour éviter d'avoir à m'épancher sur ma vie sentimentale, et rejoins ma mère en cuisine. Tandis que je traverse le couloir, je m'arrête devant le cadre en verre accroché au mur et contenant les médailles et des photos de mon père. De ses quatre enfants, c'est moi qui lui ressemble le plus. J'ai hérité de ses cheveux ébouriffés, de ses yeux sombres et de son visage carré. Il était aussi taciturne que moi et s'il avait été là, il m'aurait adressé un clin d'œil complice et m'aurait arraché des discussions intempestives de mes frères et sœurs pour m'emmener faire du tir ou aller pêcher.
Il était mon héros. J'admirais son courage, sa discipline et sa détermination. Depuis tout petit, je rêve de lui ressembler et j'ai trimé pour tenter d'atteindre son niveau. Lui et moi, on n'avait pas besoin de baratiner, on se comprenait d'un simple regard. Ses longs mois d'absence lorsqu'il partait en mission me rendaient fou et je piquais régulièrement des crises pour le voir. Il comprenait mes accès de colère et était d'ailleurs bien le seul capable de les calmer. Sans lui, c'est comme si j'avais perdu tous mes repères et ma capacité à me contrôler. Je laisse souvent exploser ma rage jusqu'à ne plus avoir la force de me défouler.
Face à mes frères et sœurs qui prônent l'insouciance et l'humour, je me sens comme une tare. Pourtant, s'ils étaient tous comme moi, je ne serai pas là où j'en suis aujourd'hui. Leur optimisme et leur entêtement m'ont sauvé la vie. Ils ont toujours cru en moi et en ma capacité à reprendre pied et ils avaient raison... enfin, plus ou moins. Après la mort de mon père, j'étais anéanti. C'est ma famille et leur amour inconditionnel qui m'ont sorti de ma torpeur. J'ai petit à petit repris pied jusqu'à me décider à intégrer l'armée et suivre les pas de mon géniteur, jusqu'au drame.
Aujourd'hui, je suis bien décidé à prendre tout ce que la vie pourra m'apporter, Elena la première. Quand je l'ai rencontrée pour la première fois, j'ai senti cette flamme se loger au creux de mon estomac pour ne plus le quitter. Celle-ci brûle d'ailleurs un peu plus dès que je la vois. Je désire cette femme du plus profond de mon être et je finirais par gagner son cœur.
-C'est dur sans lui, me souffle ma mère, m'interrompant dans mes pensées.
Elle est sortie de la cuisine pour venir se poster à côté de moi. Son regard plein de désarroi est fixé sur notre photo de famille. Depuis le décès de son mari, elle a perdu de sa jovialité. Si elle a tenu bon jusqu'à maintenant, c'est uniquement pour assumer son rôle de mère et même si elle a toujours su nous épargner de son chagrin, je sens bien qu'elle n'a plus jamais été la même après sa mort. J'entoure ses épaules de mon bras et elle laisse sa tête se poser contre mon torse.
-Il serait tellement fier de toi, me dit-elle.
-Pas sûr... dis-je le ton morne.
Si Liam Wayce savait tout ce que j'avais accompli depuis sa mort, mes tripes se tordent lorsque je l'imagine me regarder de son air condescendant et bourré d'incompréhension.
-Bon on mange ? J'ai la dalle, là ! rouspète mon frère depuis la salle à manger.
Ma mère se détache de moi en soupirant, avant de me murmurer d'un sourire en coin :
-Allez, il est temps de nourrir la bête, ça l'empêchera de parler.
Je ne peux renfrogner un léger sourire puis tous les deux nous dirigeons vers la table familiale.
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Intrusion [Dark romance stalker]
Mystery / ThrillerElena Milez Je ne connais pas son nom, d'où il vient, ni même son visage. Tout ce que je sais, c'est qu'il se délecte à me hanter. Sauf que j'en ai décidé autrement. Et ce n'est pas mon passé tumultueux qui viendra contre-carrer mes plans. Du moins...